La loi pour "la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques", ou loi Macron, continue à faire couler beaucoup d'encre. La logique de l'affrontement "bloc" contre "bloc", frondeurs contre gouvernement, pendant la discussion sur le texte, puis au moment de l'utilisation du 49,3, a cristallisé des discussions "idéologiques" autour de la question du travail le dimanche, en masquant très souvent les débats sur le contenu objectif du texte.
Soyons clairs sur la méthode : Je reste persuadé qu'un accord entre députés de la majorité et gouvernement était possible sur le fond grâce à certaines concessions, et je condamne donc l'utilisation plus que regrettable du 49.3 qui signe l'échec du compromis politique que devrait toujours rechercher une majorité responsable
http://blogs.mediapart.fr/…/le-493-ou-le-pistolet-sur-la-te…
Sur le fond du texte, deux questions semblent centrales :
1 Le travail le dimanche et le travail de nuit :
Le socialisme repose sur l'objectif d'émancipation des salariés et sur la régulation des contraintes au travail. Il me semble donc, que dans l'intérêt général de la société, comme de celui des salariés, la règle doit rester celle du repos hebdomadaire le dimanche.
Si, pour des motifs économiques valables, et l'objectif d'étendre l'activité économique dans des zones à fort potentiels touristique et commercial en est un, les salariés doivent travailler le dimanche, alors des contreparties doivent leur être accordées et le volontariat respecté.
Le principe du volontariat pour le travail le dimanche a été acté dans le texte. C'est une bonne chose.
Les maires pourront autoriser le travail jusqu'à 12 dimanche par mois contre 5 jusque là (beaucoup de commentateurs du texte passent sous silence cet aspect de notre législation qui montre que bien avant le texte macron, le travail le dimanche était possible en France) : cela me parait une extension trop importante de l'exception à la règle du non travail le dimanche. Sur cette question, n'aurait il pas fallu plus de mesure dans l'augmentation du nombre de dimanche travaillés ? Pourquoi créér de la complexité juridique supplémentaire en créant des "zones touristiques internationales" aux côtés des déja existantes "zones commerciales et zones touristiques" ? Je suis attaché à un droit en matière économique qui devrait être simple et clair.
Je suis sceptique sur l'extension du travail de nuit autorisée dans le texte en raison notamment des études de l'Organisation Mondiale de la Santé sur les risques que fait porter sur la santé le travail de nuit par une aggravation de plus de 20% des risques de cancer et sur le vieillissement cognitif qui en découle.
2. Les critères d'ordre de licenciement :
La loi Macron bouleverse les critères relatifs au "plan de sauvegarde de l'emploi" (PSE) : Jusque là, en cas de licenciement collectif, l'employeur ne choisissait pas individuellement les personnes à licencier, le PSE définissant des catégories professionnelles et des critères d'ordre pour les licenciés basés sur la protection des plus faibles (travailleurs âgés, chargés de famille, handicapés). Les licenciés sont ceux qui obtiennent le "moins de points" au sein d'une catégorie professionnelle.
Dans le texte , l'employeur aura désormais le droit de "surpondérer" le critère de qualité professionnelle au détriment des critères d'ordres et surtout de définir les critères de licenciement au niveau des établissements et non au niveau des groupes/entreprises : En clair lors de la négociation d'un PSE, le rapport de force est plus favorable aux syndicats et représentants des salariés quand la discussion se fait au niveau du groupe/entreprise et pas au niveau d'un établissement...
Sur le PSE, le texte marque donc un recul par rapport aux protections actuelles des salariés en cas de licenciement collectif.
Sur ses autres dispositions législatives, le texte comporte néanmoins des avancées sociales quand il s'attaque aux "bastilles statutaires" que sont les "professions protégées" comme par exemple les charges de notaires, ou qu'il vise la réforme des Prud'homale pour encourager les concertations et donc désengorger les tribunaux. L'objectivité et l'honnêteté politique doivent donc aussi nous conduire à saluer les dispositions qui vont dans le bon sens.
Ma conclusion : Ce texte n'est pas l'épouvantail ultra libéral que certains voudraient y voir. Mais il n'est pas non plus une loi cadre marquée globalement par le "progrès social", certaines de ses dispositions majeures étant plus que discutables.
Retirer les dispositions sur le travail le dimanche ou tout du moins limiter le nombre de dimanche travaillé, encadrer plus nettement le travail de nuit pour la protection des salariés, aurait permis peut être à ce texte d'être adopté après débat.
On ne peut donc que rester sur une impression de gâchis, ou tout du moins d'oeuvre législative inachevée, alors que des centaines d'heures de débat avaient eu lieu à l'assemblée sur le texte, et que dans la dernière ligne droite d'ultimes concessions auraient sans doute permis au texte de passer "démocratiquement"...
Boris Faure
Billet de blog 11 mars 2015
Analyse de la loi Macron, la recherche d'une position politique équilibrée
La loi pour "la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques", ou loi Macron, continue à faire couler beaucoup d'encre. La logique de l'affrontement "bloc" contre "bloc", frondeurs contre gouvernement, pendant la discussion sur le texte, puis au moment de l'utilisation du 49,3, a cristallisé des discussions "idéologiques" autour de la question du travail le dimanche, en masquant très souvent les débats sur le contenu objectif du texte.
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