Avec #balancetonporc et #metoo, la boîte de pandore d’une société sexiste a été ouverte.
Et elle n’est pas prête de se refermer.
Une catharsis collective est à l’œuvre ; Des flots de paroles se libèrent qui disent le malaise des femmes devant le sexisme ordinaire comme la souffrance des femmes victimes de viol plaçant, au passage, sur le même plan, des actes non délictueux et des gestes violents passibles de condamnations pénales. Bien sûr, la drague lourde n’est pas un viol. Même si elle est souvent une atteinte à la dignité des femmes et peut dégénérer en harcèlement.
« Non, c’est non » et il va bien falloir que les hommes se lavent les oreilles à la lave pour entendre plus clairement le consentement ou le refus en matière de séduction.
Ces torrents de mots non canalisés sont autant de flots de maux, mais aussi de courage, d’indignation, d’affirmation de soi, de revendication d’une égalité réelle. Les femmes réclament surtout qu'on leur fiche la paix dans la rue, qu'on cesse justement de les importuner.
Le "Ya Basta" féminin exprimé sur les réseaux sociaux offre une caisse de résonance utile. En France en 2017, le machisme et le sexisme étaient encore aussi solides que le dôme d’un volcan strombolien. Mais le dôme s’est fissuré à coup de Hashtag, et la pression accumulée, celle des non dit et des violences sexuelles impunies, a fini par faire voler le dôme en éclat en une explosion libératoire.
Les hommes ont été submergés depuis par ce flot de parole en fusion qui emporte tout.
Cette lave de la parole est venue carboniser la tache sombre du viol impuni #balancetonporc est l’équivalent collectif du « King Kong Theorie » de Virginie Despentes en littérature. Un véritable uppercut.
Les œillères masculines, cousues à même la peau des paupières, commencent à tomber à coup d’uppercut. Ça ne peut que faire mal.
Car oui, la culture du viol est hélas bien trop répandue. Même si en chaque homme ne réside pas un violeur en puissance. Mais parce que chaque femme peut se retrouver confronté à un acte sexuel violent et non consenti un jour.
Est-il exagéré de dire que certains d’entre nous aient ressenti honte et gêne, en repensant aux blagues sexistes à la machine à café, aux propos de drague trop insistants en fin de soirée ?
Car nous vivons une époque d’importuns. Et il n’y a pas de quoi être fiers de revendiquer le droit à importuner les femmes, comme le suggère Catherine Deneuve et les co-signataires de sa récente tribune. Les mains aux fesses dans la rue ou dans le métro, les sifflets, les attitudes de prédateurs sexuels qui harcèlent pour un numéro de téléphone ou arracher une invitation à boire un café à l'usure, ce n'est pas importun. C'est juste en fait dégueulasse.
Les hommes doivent se méfier de ces avocates d’un féminisme mutilé qui ne donne, hélas, que quelques arguments supplémentaires pour soulager la mauvaise conscience des machistes patentés et harceleurs potentiels.
Elles n’aident en fait personne. Ni les femmes. Et surtout pas la large majorité des hommes qui se comportent bien dans leurs rapports quotidiens aux femmes.
Face à ce flot de lave qui brule la mauvaise conscience masculine, les hommes au final doivent se sentir désormais plus responsables et plus à l’aise.
Libérés eux aussi. Car l’exemplarité des uns ne doit pas être ternie par le mauvais comportement des autres alors que la culture « égalitaire » progresse globalement dans la société et notamment chez les jeunes générations.
La « charge mentale » a été intégrée par beaucoup d’entre nous, qui ne voient pas la machine à laver, les couches des enfants et le lave vaisselle comme des attributs typiquement féminins.
Les hommes deviennent progressivement, bien trop lentement certes, un peu plus « scandinaves » et un peu moins « latins ». En progressant sur le chemin de l’égalité réelle, en bannissant la culture du viol, la société n’ira que s’apaisant.
La lutte contre les violences sexuelles est le baromètre d’une civilisation. Norbert Elias, le grand sociologue allemand, voyait l’usage de la fourchette à table comme le premier signe d’une civilisation des mœurs se construisant au sortir du moyen-âge.
Les derniers hommes machistes, les plus indécrôtables sexistes doivent désormais sortir du moyen âge et arracher la fourchette du sexisme qu’ils ont enfoncé dans les yeux et qui les empêche d’y voir clair.
C’est ainsi que hommes et femmes pourront continuer à se séduire, à se bécoter, à marivauder, à forniquer et à s’aimer follement, sans que le lourd dôme du machisme ne se reconstitue à nouveau et ne vienne s’écraser sur leur tête…
Boris Faure
1er secrétaire fédéral de la Fédération des Français de l’Etranger du PS
Membre du conseil national du Parti socialiste.