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Billet de blog 18 mars 2015

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Français de l'étranger, diaspora malgré nous ?

Le journal le Monde vient de publier  l'article Diaspora française, nouvel acteur de la diplomatie ?. Selon ses auteurs, nous serions 30 millions à appartenir à la diaspora française. Un chiffre étonnant quand il est plus habituel d'évoquer les 3 millions de compatriotes résidant à l'étranger dont 1,6 millions d'inscrits au registre des français de l'étranger.

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Le journal le Monde vient de publier  l'article Diaspora française, nouvel acteur de la diplomatie ?. Selon ses auteurs, nous serions 30 millions à appartenir à la diaspora française. Un chiffre étonnant quand il est plus habituel d'évoquer les 3 millions de compatriotes résidant à l'étranger dont 1,6 millions d'inscrits au registre des français de l'étranger.

 Il est vrai que la notion de diaspora utilisée ici est très large :

 Appartiennent à la Diaspora "l’ensemble des personnes prêtes à se mobiliser pour un lieu en raison de ses origines et racines, de ses liens culturels, linguistiques ou familiaux, voire de son intérêt personnel".

 Elle se rapproche de ce que Dominique Wolton appelle la "Francosphère" pour qualifier le sentiment d'appartenance commune des francophones et non francophones qui peuvent se reconnaitre ou se sentir proche de la France et être prêts à se mobiliser pour elle. Elle ne recoupe donc pas la notion de nationalité stricto sensu.

 Le terme de diaspora française interroge cependant car il se heurte à notre tradition républicaine :

 Ce terme vient du grec ancien et signifie "dispersion, dissémination". Il a été utilisé d'abord pour qualifier le peuple juif, peuple longtemps sans Etat. Puis a permis de qualifier les émigrants de nombreuses nations, en particulier européenne et africaine, qui ont choisi de quitter leur terre de naissance pour des motifs économiques ou politiques, bien souvent pour fuir des crises économiques ou politiques, pour résider durablement à l'étranger.

 La tradition Républicaine Française et en particulier l'attachement à une Nation française dépassant le cadre de ses frontières, les motifs même de ce que l'on appelle la "mobilité" dont les ressorts sont multiples, font que nous utilisons peu ce terme pour nous qualifier, nous Français de l'étranger.

 Le projet fédéral du PS pour la campagne de 2012, la "France tout au long de la vie", introduisait d'ailleurs un lien indissoluble entre les Français de l'étranger et la nation française et n'établissait pas de distingo entre Français de la diaspora et Français de l'hexagone.

 Dans notre esprit et notre tradition républicaine, l'on reste français, sans distinction, où que l'on habite sur le globe, grâce au lien créé par le principe de nationalité et grâce au vote lors des élections. Ce lien politique, juridique mais aussi linguistique  établissant notre appartenance commune à une même nation.

 L'article stigmatise notre potentiel "économique" et d'influence qui serait  sous utilisé par la France. L'article prend la diaspora irlandaise comme modèle, pour sa capacité à investir en Irlande et à participer au redressement d' une nation  fragilisée économiquement par la crise de 2008.

 La France n'a pourtant pas découvert en 2015 le potentiel  économique, culturel, politique des Français résidant hors de France.

 C'est en Juillet 1883 que fut créé l'Alliance Française pour promouvoir les valeurs et la langue française à travers le monde. La France coloniale était habitée par une ambition "impérialiste" et civilisatrice basée sur la philosophie des lumières et le souhait de promouvoir les idées républicaines auprès de tous.

 Les professeurs de français, les universitaires, furent ainsi les premiers promoteurs de la France à l'étranger et constituèrent bien souvent, avec les commerçants et ingénieurs, le socle des premières communautés françaises hors de France.

 Dans les années 30, la création de l'union des chambres de commerces françaises à l'étranger, la création de l'Union des Français de l'étranger  montrent la volonté de promouvoir des intérêts propres aux français de l'étranger.

 Après guerre, dès 1948, sont posées les bases d'une structuration politique hors de France, avec l'ancêtre de l'Assemblée des Française de l'étranger, le Conseil supérieur des Français de l'étranger. Cette structuration politique progressive et toujours en cours, aboutit désormais à la présence de 23 parlementaires représentant les français de l'étranger (11 sénateurs et 12 députés) avec la réforme portée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy qui créée les députés des français de l'étranger, sur une idée venue des rangs de la gauche. Hélène Conway Mouret, alors ministre déléguée aux français de l'étranger parachève cette structuration en 2014 avec la loi créant les conseils consulaires qui améliore la représentation politique de proximité incarnée par les conseillers et délégués consulaires.

 Cette structuration politique est quasi sans égale. Elle nous  rapproche de la structuration de nations européennes et africaines "à diaspora", l'Italie et le Portugal ayant des structurations proches des nôtres. En Afrique , bien des nations possèdent également ministres, parlementaires et conseillers représentant les diasporas. La France, qui n'a pourtant pas la même tradition d'émigration que ces voisines européennes ou africaines, possède donc des structures de représentation qui la rapprochent des pays à diaspora.

 La structuration scolaire à travers le réseau de nos presque 500 établissements français à l'étranger, la structuration culturelle des Instituts français et les Alliances françaises, est également un signe distinctif français, aucune nation n'ayant véritablement d'équivalent de ce réseau, même si la Grande Bretagne, l'Espagne, l'Allemagne ou dans une moindre mesure le Portugal, possèdent aussi un réseau culturel et scolaire puissant.

 Faut il en conclure que la France serait un pays à diaspora qui ne l'avouerait pas ? Que nous serions des français de la diaspora malgré nous ? Que nos infrastructures françaises à l'étranger manqueraient d'efficacité ? Que nous utiliserions mal notre gigantesque potentiel ?

 Il n'est qu'un pas que je ne souhaite pas franchir avec les auteurs de l'article. Nous avons surement encore à améliorer la structuration de ce réseau d'influence, mais nous devons être conscients de la solidité de ces bases et de l'ancienneté de notre structuration. Le ministère des Affaires étrangères, un des plus anciens au monde qui fut créé sous Louis 14, n'est il pas l'incarnation, à travers sa "direction des français de l'étranger" ou son réseau de Consuls, de la puissance étatique française en action à l'étranger auprès de nos compatriotes?

 Sur la notion de diaspora, certains d'entre nous considèrent certainement leur appartenance à ladiaspora française, qu'ils aient choisi de ne plus revenir en France et de "faire leur vie" à l'étranger, ou qu'ils conçoivent l'expatriation ou les expatriations successives, comme un moment de leur vie avant un retour en France.

 Le sentiment d'appartenance à la "diaspora française" est certainement plus fort chez les compatriotes nés à l'étranger, qui n'ont même parfois jamais eu l'occasion de venir fouler le sol national.

 Ma conclusion : S'il est donc difficile de disqualifier définitivement le terme de diaspora, si je préfère en ce qui me concerne ne pas l'utiliser au nom de notre tradition républicaine qui n'est pas "différentialiste", je donne tort aux auteurs de l'article qui passent sous silence notre structuration politique, économique et culturelle, bien établie.

 L'actuel secrétariat d'Etat dirigé par Matthias Fekl, allie désormais, les sujets du commerce extérieur, du tourisme et des français de l'étranger. La logique "d'influence diplomatique, économique, culturelle" de nos communautés expatriées est donc sous jacente à ce ministère.

 Les français de l'étranger comptent désormais dans le champ politique hexagonal. Et cette influence profonde, qui puise sa source dans l'augmentation de la présence des français dans le monde,  n'est pas prête de se tarir : A l'heure où l'on spécule sur le repli hexagonal, et la tentation FN, assumons crânement d'être les représentants d'une France ouverte et cosmopolite !

 Boris Faure

 Premier secrétaire fédéral sortant de la Fédération des Français de l’étranger du PS

 Délégué consulaire en Belgique

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