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Billet de blog 19 février 2015

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Un temps déraisonnable ? Débattre et combattre

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Une Majorité socialiste divisée. Une Gauche émiettée. Un Front national aux aguets. Une droite ragaillardie par une motion de censure qui divise notre camp....mortifère paysage politique. 

6 Millions d'inscrits à Pôle emploi soit davantage que les populations de Paris, Lyon, Lille et Marseille réunies. Un pays menacé par les communautarismes et les sectarismes. Une Europe qui se cherche toujours une nouvelle destinée...triste paysage social...

Pour ne rien dire de Daech et de ceux qui kidnappent l'islam à leur profit pour dénaturer en religion de guerre un des monothéismes pratiqué à travers les cinq continents par des centaines de millions de musulmans pacifiques. 

"C"était un temps déraisonnable on avait mis les morts à table" chante Ferré sur des paroles d'Aragon. Chanson écrite il y a plus de 60 ans, dans un autre contexte, qui fait pourtant écho aux difficultés d'une époque de "fer et de plomb" comme la notre. 

Un peu plus d'un mois après le rassemblement de tout un peuple le 11 janvier, difficile de ne pas avoir un sentiment de gout de cendre dans la bouche : Que reste t-il de l'esprit du 11 janvier aujourd'hui ? 

Le temps médiatique fait son ouvrage, un débat chasse l'autre, et le 49.3, la loi Macron, les déclarations frelatées de Rolland Dumas, occupent nos temps de cerveau disponibles.

N'oublions pas déja le message du 11 janvier : 

L'envie de plus de République. De Fraternité au delà des différences.  D'unité politique et sociale. L'exigence d'une Europe et d'un pays qui doivent protéger la liberté d'expression contre le bâillon de tous les fanatismes.

Face à ce désir d'élévation politique collective, les responsables politiques portent évidemment le poids des responsabilités; Ils sont sommés d'agir, de proposer des solutions à la crise qui n'en finit plus. Crise économique autant que crise des valeurs. Face à la double défiance des abstentionnistes et des extrêmes, on attend tellement d'eux... 

Que peuvent faire les militants socialistes pour se montrer digne, politiquement, des exigences du temps ? 

Débattre et combattre sans trêve. 

Débattre d'abord : 

Notre génome socialiste porte en lui le gout du débat, de la libre expression politique né de l'addition de notre diversité. 

On peut le dire avec le sourire "Mettez deux militants socialistes dans une pièce et vous aurez trois opinions différentes". 

Ou plus sérieusement en analysant l'histoire de notre parti qui renaquit à Epinay et se renforça pendant la décennie suivante qui allait mener à la victoire de 81  : Militants historiques issus de la SFIO, Mitterrandistes membres  la Convention des Insitutions Républicaines, chrétiens sociaux de la CFDT, Militants du CERES et du PSU : les querelles idéologiques internes et les fractures de notre mouvement valaient bien sans aucun doute les empoignades de 2015 dans l'intensité des passions politiques exprimées...

Les clivages d'idées d'alors sur l'interventionnisme économique de l'Etat, les nationalisations, le besoin de plus de liberté publique, la construction et l'affermissement de l'Europe, rendent les débats de notre temps moins dérisoires. 

En 2015, la question du "redressement économique" renvoie toujours au dosage économiquement utile, et socialement profitable, de plus ou moins d'Etat et plus ou moins de liberté de marché.

Difficile pour un pays Jacobin, pour une classe politique plus keynésienne que friedmanienne, de se détourner de la question du poids de l'Etat dans l'économie. 

Banque publique d'investissement. Loi sur l'économie sociale et solidaire. Pacte de responsabilité. Plans pour la "nouvelle France industrielle". Les socialistes agissent, les résultats ne sont pas là, mais difficile de taxer l'actuelle majorité à l'assemblée d'inaction.

Aller plus loin, plus vite, plus fort ? oui certainement; On peut réconcilier Manuel Valls et Benoit Hamon, Arnaud Montebourg et Emmanuel Macron, dans la même urgence d'agir.

Je reste persuadé, face à l'exigence du pouvoir de rester groupé dans la tempête, qu'il faut sortir de la logique des "blocs" qui s'affrontent dans notre propre camp. Il n'y a pas les loyalistes légitimistes d'un côté et les frondeurs renégats de l'autre. Tous sociaux démocrates dans la méthode où l'on attend du débat qu'il débouche sur des compromis politiques.

Certains craignent le débat du congrès à venir ? Ont peur de la foire d'empoigne et de l'exposition médiatique de nos différences ? 

Rassurons nous : les plus contestataires d'entre nous ont "voté avec les pieds" et sont déja parti ailleurs...Le parti s'est amaigri depuis 2012. Fini le temps de l'élan vers la victoire, voici venu le temps, plus déceptif, de l'exercice des responsabilités. L'hémoragie militante nous a couté environ 1 millier d'entre nous à la FFE, partis ailleurs ou simplement devenus plus discrets et n'ayant pas renouvelé leur sacro sainte cotisation.

Il ne faut pas craindre les congrès d'idées même s'il faut se défier des congrès de postures. Nous serons moins nombreux mais sans doute tout autant mobiliser qu'auparavant. Poitiers ressemblera en ce sens à Toulouse et Reims, ses congrès devanciers.

Alors autorisons nous à débattre du fond pendant les deux mois qui viennent. A nous respecter dans nos opinions différentes ou contradictoires. A nous écouter et à éviter les débordements mauvais qui font les divisions profondes ou les blessures qui ne guérissent pas.

Combattre ensuite :

Car les périls sont là, sur "nos frontières" intérieures : Peur de l'autre, individualisme forcené, antisémitisme et anti islamisme larvés et féconds, nationalismes frileux.

Nous devons retrouver le sens du combat idéologique, du combat culturel, réarmer la République Laïque en refondant l'école et en retrouvant le sens profond du vivre ensemble.

Nous devons passer plus d'ardeur à combattre le front national qu'à nous combattre nous même. 

Nous devons être plus audacieux sur la promotion des libertés privées ou publiques :  Mourir dans la dignité par l'euthanasie, adoption libre pour les couples homosexuels, dépénalisation de l'usage du canabis, nous devons aller plus vite et plus loin pour répondre aux exigences de nos concitoyens.

Combattre toujours; Dans les banlieus du désespoir, où la République doit se montrer intraitable face aux fanatismes mais généreuse sur l'intégration de tous par l'école et le travail.

Combattre encore. Avec une politique étrangère qui continuera à assumer ses responsabilités, sur les fronts Malien, Centrafricains, Syriens, Irakiens, Ukrainiens et partagera mieux le "fardeau" de la guerre avec des alliés européens plus engagés militairement et déterminés, tout comme nous, à ramener la paix dans toutes les zones du globe.

Combattre un modèle économique beaucoup trop productiviste et pas assez écologiste, alors que s'annonce en fin d'année la grande conférence sur le climat à Paris.

Combattre enfin nos propres démons : Ceux du remord du pouvoir rappelés par l'historien du PS Alain Bergougnoux et ce malaise qui étreint les socialistes chaque fois qu'ils sont au responsabilité...

Débattre et Combattre comme deux bornes. Comme deux exigences. Car les temps déraisonnables appellent des femmes et des hommes de bonne volonté pour  assumer leurs responsabilités collectives. 

Allons donc raisonnablement confiants réussir ensemble ce congrès. Pour la réussite de ce gouvernement. Sans oublier les voix dissonantes qui rappellent les engagements pris devant les Français en 2012.

Amitiés socialistes

Boris Faure

délégué consulaire en Belgique

Premier secrétaire fédéral sortant   

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