Se réveiller dans un petit matin gris à Bruxelles et sentir une onde de choc violente venue d'outre manche.
Comme bon nombre de camarades avec qui j'échange sur les réseaux sociaux, je suis totalement soufflé.
Les Britanniques ont donc choisi le Brexit. C'est une déflagration.
Aujourd'hui nous sommes nombreux à nous sentir endeuillé. Car quelque chose vient de rompre et de mourir.
Les plus touchés sont surement les plus jeunes. Ceux pour qui l'Europe, malgré ses défauts, malgré ses manques et ses erreurs, a toujours été une évidence. Aller. Venir. Etudier. S'installer. Repartir. Aimer. Vivre. Commercer. Travailler. Dans un continent en Paix. S'unir de manière toujours plus étroite. En étant plus forts ensemble que divisés. Tenter malgré les obstacles de batir un avenir commun. Plus que des mots, un rêve possible à portée de mains.
Toutes ces phrases et tous ces mots semblent soudain ce matin comme un peu vidés de leur sens. Et les étoiles du Drapeau européen viennent de ternir.
Le "peuple" aurait il donc raison contre ses supposées "élites" ? La génération Erasmus, la plus touchée par la crise, et pourtant la plus europhile, ne serait donc qu'une génération dorée et fautive d'avoir cru à ce rêve insensé de paix et de prospérité partagée ?
Je suis né en 1973. L'année où le Royaume-Uni entrait dans la Communauté Européenne. L'Europe poursuivait alors sa longue marche en avant. S'enrichissait sur son chemin des nations venant grossir les rangs de la communauté d'origine. Il y eu sur cette route, 1991 et la chute du mur. La réunification de l'Allemagne. Puis l'arrivée des pays d'Europe centrale.
Bien sûr nous eumes nous aussi des occasions de dire "non" en France. On se souvient du référendum sur le TCE. Mais, comme ceux qui ont voté Non alors, je n'ai jamais eu le sentiment de dire Non à l'Europe, mais plutôt non au Libéralisme effréné. Non à la seule Europe des commerçants et des banquiers.
C'était un Non pour mieux dire Oui à l'Europe sociale, à l'Europe politique des peuples qui reprennent leur destin en main.
Dépasser les égoismes nationaux et les replis frileux sur soi restait l'idéal commun. C'était il y a plus de 10 ans. Qui ressemblent à une décennie perdue pour l'Europe. La Commission Barroso et son ADN libéral portent à cet égard une lourde responsabilité dans cette décennie de surplace qui aboutit aujourd'hui au recul Britannique.
Le non Britannique aura donc brisé définitivement l'inexorable marche en avant européenne. Et constitue une fissure dangereuse dans une Europe gangrénée par les populismes. Dans l'Europe d'Orban, du PIS, et du FN, tout est hélas possible..
Ceux qui croient à l'idéal européen, et ils sont encore nombreux, doivent donc se faire entendre fortement. Il n'y a pas que les populistes qui doivent gueuler tout fort leur haine de l'Europe. L'amour de l'Europe peut nous faire crier plus fort encore.
Si nous ne le faisons pas nous sommes condamnés, nous europhiles, à devenir les Latinistes de l'Europe de demain : Nous continuerons à parler une langue que nous pensons belle et bien charpentée, une langue éternelle...Qui sera devenue la langue morte des élites isolées dans leur tour d'ivoire.
L'Europe doit rester notre plus belle langue vivante.
Après l'onde de choc doit donc venir l'heure de la thérapie européenne de choc : A ceux qui croient aux coopérations renforcées, avec ceux qui ont construit l'Euro, Schengen, le Parlement Européen, et le Droit Européen, ouvrons de nouveaux chantiers : L'Europe de l'accueil partagé, pour tendre la main aux réfugiés, l'Europe de la sureté et de la paix, avec une police et une défense européenne, l'Europe sociale, car notre continent doit résoudre les inégalités qui le fracturent.
Tout cela ne se fera pas sans mal, sans douleur et sans combat. Mais il faut refuser la reddition en rase campagne. Et donc secouer de leur torpeur les partis pro-européens qui ne sont pas toujours au rendez vous de l'idéal commun mais qui peuvent se saisir de cette occasion historique pour organiser le sursaut européen.

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