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Billet de blog 25 mai 2015

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la délicate réforme du ministère des affaires étrangères

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Il n'y a pas de grand ministre des affaires étrangères sans grande réforme du Quai d'Orsay.

 Alors que ses succès diplomatiques sont généralement reconnus largement, le ministre Fabius a décidé de s'attaquer à la réforme de son administration.

 La méthode se veut participative : depuis plusieurs semaines, diplomates, syndicalistes, personnalités extérieures sont consultés sur les contours du "ministère du 21ème siècle" que le ministre appelle de ses vœux. Les élus de l'AFE sont associés à cet exercice.

 Les syndicats force de proposition

 En tant qu'expert de l'UNSA, j'ai pu participer le 20 mai à la session du Comité technique paritaire ministériel qui a permis aux représentants syndicaux de transmettre leurs souhaits au ministre qui s'était déplacé pour assister aux travaux de cette instance de dialogue social.

 Unanimes, les syndicats souhaitent avant tout une protection des personnels diplomatiques et de leurs moyens d'action, le ministère payant traditionnellement son tribut à Bercy en terme de restitutions de postes, et alors que plus de 220 postes seront supprimés sur l'année à venir;

 Sans surprise, les représentants syndicaux souhaitent également une gestion des ressources humaines plus transparente, plus respectueuse de la vie privée des agents, alors que le "surtravail" notamment dans les services d'administration centrale, est pointé du doigt.

 Autre point de convergence, la demande d'un retour de la sous direction des visas dans le giron du Quai d'Orsay, que l'UNSA et la CFDT ont réclamé. Un point sur lequel le ministre s'est dit attentif pour "une évolution" de la politique des visas...

 Si la liste des revendications syndicales est souvent impressionnante, force est de constater aussi le poids d'une réthorique syndicale "de posture" qui, chez certains syndicats dits contestataires,  se manifeste par une récrimination globale sur le manque de moyens, sans nuance et finalement sans réelle propositions positives.

 Quels moyens pour quel ministère ?

  Le MAE manquerait il réellement de moyen alors que l'universalité du réseau diplomatique, le second plus étendu au monde, a été régulièrement préservée par les ministres qui se sont succédés ces dernières années ? C'est davantage sur l'exercice des missions des diplomates qu'il faut à mon sens s'interroger, alors que "les métiers" du quai d'Orsay ont gagné en diversité depuis l'intégration, en 1999, du ministère de la coopération au ministère des affaires étrangères.

 Un diplomate aujourd'hui est tout autant un conseiller politique qu'un animateur de réseau culturel, tout autant un conseiller commercial et économique qu'un représentant de la France du tourisme à l'étranger et un promoteur de notre commerce extérieur.

 Si ce métier a ses exigences, forts nombreuses, il a aussi ses privilèges : Emploi à vie, primes d'expatriation défiscalisées, privilèges diplomatiques divers sur les achats détaxés, le métier conserve un prestige sans nul autre pareil qui fonde un solide esprit de corps entre diplomates.

C'est un métier qui attire, les vocations de "diplomates" sont nombreuses, pour des métiers exigeants et passionnants, dans un ministère d'un grand professionnalisme reconnu par tous, les succès de la diplomatie française étant largement reconnus par les professionnels agissant à l'international.

  Rêver à une diplomatie plus ouverte est ce une utopie ?

 Si le métier évolue dans ses missions, il doit donc évoluer dans son recrutement : Ces dernières années, l'encouragement à la féminisation des fonctions de direction (Ambassadeurs, Sous directeur et directeur d'administration centrale) a été manifeste, même si la parité est encore très loin d'être atteinte. Le concours de diplomate fera désormais une part plus belle à la culture économique, souhait du ministre, qui recherche également plus de diversité de recrutement social, alors que les concours restent "trustés" par les détenteurs de diplomes de Sc Po et que l'énarchie du Quai d'Orsay y cultive un solide esprit d'appartenance corporatiste.

 C'est souvent par les concours dits "d'orient" que l'on constate une plus grande diversité sociale de recrutement, en particulier chez les arabisants ou les africanisants.

 Ce type de concours devrait être ouvert plus largement, alors que les recrutements de secrétaire des affaires étrangères concours d'orient affichent aujourd'hui de bien faibles contingents.

 Un réseau culturel mal aimé ?

  Le ministre a évoqué rapidement le réseau culturel qui constitue pourtant le plus gros des effectifs du ministère, des effectifs composés de coopérants extérieurs, détachés d'autres administrations ou contractuels purs.

 Devant les difficultés rencontrées dans certains instituts européens, on peut se demander quel est le pilotage réel de ce réseau qui garde une identité spécifique au sein du MAE au point que certains diplomates hésitent réellement à y postuler.

 Soumis à l'impératif d'auto financement, instituts français et alliances françaises sont pourtant des structures "modernes" qui tirent la majeure partie de leurs ressources de l'exploitation de leur activité, les produits des cours de français ou les recettes de billeterie de spectacles abondant des budgets gérés au plus près.

 Je reste persuadé qu'une grande partie de la "vitalité" du réseau culturel provient de la diversité des profils de coopérants qui animent ce réseau et qu'il faut continuer à préserver ces recrutements spécifiques de personnes extérieures au monde diplomatique.

 Une tutelle renforcée sur les "satellites du ministère" :

 Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), Institut Français,  Campus France, Atout France, Business France, et depuis le 1er janvier "France expertise internationale", il existe réellement une galaxie d'acteurs à l'international soumis à la tutelle du Ministère des affaires étrangères  ou à une co tutelle (Comme l'institut français, soumis également à la tutelle du ministère de la culture, ou FEI, soumis également à la tutelle du MINEFI)

 L'animation de ce réseau doit gagner en efficacité, comme le souhaite le ministre qui souhaite de son côté renforcer la tutelle du MAE sur ces agences.

 Véritables démembrements de l'administration, ces agences développent souvent une stratégie largement autonome, malgré les contrats d'objectifs et de moyens qui les lient au ministère; La meilleure animation de ce réseau est donc surement clairement à encourager.

 A gauche, nous souhaitons également le rapprochement entre l'AEFE et le ministère de l'éducation, rapprochement ayant été encouragés récemment par la ministre Conway au moment de la concertation des acteurs de ce réseau menée en 2013-2014. La fluidité des détachements de personnels du MEN doit encore gagner en efficacité, alors que certaines académies continuent à opposer des refus de détachement dans le réseau pour des raisons parfois obscures...

 Communiquer  !Communiquer !

 Concession à l'air du temps ou véritable souhait de modernisation de la communication du ministère, Laurent Fabius a insisté sur la nécessité d'une communication synthétique et précise, stigmatisant en creux les habitudes de prises dans une administration qui évolue pas à pas dans ce domaine.

 L'action du  centre de crise saluée :

 Prenant exemple sur la gestion des conséquences du tremblement de terre au Népal, le ministre a pu saluer légitimement le travail d'un centre de crise qui travaille en H24 au service de nos compatriotes placés en situation de détresse. Un centre de crise donc les missions vont évoluer vers "le soutien" dans les périodes post crises.

  Un ministre qui veut rationaliser les emprises diplomatiques ;

 "Last but not least" le ministre Fabius souhaite rationaliser les emprises parisiennes du ministère, en vendant le site des Invalides et en réaménageant l'aile des archives du site du Quai d'Orsay.

 Pour conclure :

 En tant que syndicaliste, je suis resté sur ma faim sur l'absence de réelles propositions pour l'évolution de la situation des agents de recrutement local qui constituent souvent le "prolétariat" de la diplomatie, avec des situations d'une grande diversité; Protection sociale complémentaire pour tous, primes de transports pour tous, l'UNSA porte à son niveau, avec la CFDT, des revendications sérieuses pour cette catégorie de personnel.

 Je perçois également que la gestion du réseau culturel demeure  malgré tout le parent pauvre  face aux évolutions du métier de diplomate. Le coopérant que j'ai été ne peut s'en satisfaire.

 Pour autant, je salue le courage d'un ministre de s'attaquer à bras le corps à la réforme de son administration/

Nous jugerons sur pièce des effets de cette réforme qui devrait participer à l'évolution d'une maison prestigieuse qui reste marquée par le poids de ses traditions et de ses habitudes mais qui n'est pas nécessairement rétive aux changements dès lors qu'ils sont expliqués et soutenus politiquement et collectivement...

Boris Faure

Cet article est un point de vue personnel, qui n'engage pas l'UNSA.

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