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Billet de blog 26 avril 2022

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Un essai sur la violence en politique sort ce jeudi. "coups de casque"

"coup de casques" sort chez VA Édition. Je reviens sur l'agression violente dont j'ai été victime, c'était la première fois qu'un opposant politique était frappé violemment par un député En Marche. 5 ans après et en attendant le verdict des juges le 12 mai, j'ai voulu revenir sur les faits à spectre large et me pencher sur la violence politique.

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Pourquoi cet essai ?

J'ai voulu raconter l'histoire complète qui a amené à l'agression retentissante qui a failli m'envoyer au cimetière. Le 30 août 2017, après trois minutes de discussion qui s'enveniment rue Broca à Paris, la violence se déchaîne : en quelques secondes je suis projeté au sol par deux coups de casque à la tête qui provoquent une grave hémorragie cérébrale. Je suis opéré en urgence. Sauvé j'ai besoin de deux mois d'arrêt de travail pour me remettre. Les faits sont connus. Ils sont cliniques, froids, documentés par la justice et les médecins.

si j'étais mort on aurait retenu uniquement ces quelques minutes fatales. 25 ans de vie politique auraient été effacés d'un coup et les raccourcis seraient allés bons trains d'autant que mon agresseur avait crié au racisme contre toute attente ! Aujourd'hui encore sur la toile subsistent ces traces d'une défense indigne. C'est l'histoire du garçon qui est pris les doigts dans le pot de confiture et qui dit que la confiture est empoisonnée, que la cuisinière a voulu le tuer ! une tentative d'inversion des responsabilités. Une deuxième agression en somme.

Un différend de fond autour du communautarisme marocain pro Sahara occidental : 

Dans les journaux depuis 5 ans, rares sont les journalistes qui ont fait l'effort de se pencher sur le différend profond qui nous opposait avec Mjid El Guerrab qui était jusque là un bon camarade, une personne que j'avais invité chez moi, que je connaissais depuis 3 ans et avec qui j'avais travaillé au ministère de la francophonie. Si nous avions une opposition liée à son choix de partir du PS de façon fracassante, je n'avais plus aucune animosité personnelle et ce jour là j'étais allé le voir en paix dans la rue pour le féliciter après être tombé par hasard sur lui. Être un démocrate c'est très précisément cela. Respecter le verdict des urnes. Et en Juin 2017 Mjid El Guerrab a gagné une législative. C'est  un fait. j'y ai vu une victoire d'un certain communautarisme là est le différend. Un communautarisme lié essentiellement d'ailleurs aux caractéristiques du scrutin organisé sur une circonscription où le poids de l'électorat franco-marocain est déterminant et parce que la presse marocaine et des hommes politiques marocains de 1ers plans ont présenté Mjid El Guerrab comme le défenseur du Sahara occidental marocain. De mon point de vue le scrutin a été détourné de son objet. M'jid en a joué. Il n'était pas le candidat officiel de Macron et il a réussi le tour de force de l'emporter pourtant : ce n'était plus une législative françaises comme les autres c'était devenu un référendum pour ou contre les positions marocaines au Sahara occidental. Alors que la circonscription compte 15 pays différents ! l'enjeu marocain a tout écrasé. M'jid a dit lors du procès que l'utilisation de ce terme de communautariste l'avait blessée. C'est sûrement parce que nous n'attachons pas au terme le même sens. Il me connaissait personnellement et je crois il m'estimait vraiment  puisque un an avant il m'avait écrit par sms vouloir être mon suppléant si je me présentais à l'élection législative moi même (NB : je ne me suis pas présenté et j'ai soutenu le vainqueur de la primaire socialiste Didier Lebret)...Mais le pouvoir est parfois un poison qui fait tourner la tête. Le copain de la veille devait été réduit au silence. Voilà aussi à quoi mène l'instrumentalisation d'enjeux géopolitiques conflictuels.

Et après le verdict judiciaire ?

Après le verdict judiciaire prévu le 12 mai il faudra savoir tourner la page, on verra ce que décideront les juges : Mjid El Guerrab ne peut plus siéger à l'assemblée après son geste. L'inéligibilité est à mon sens le véritable enjeu du jugement. quelle défense  le prévenu choisira-t-il ? : partir dans un long tunnel d'appels et contre appels, continuer a dire que ce jour là j'étais l'agresseur contre toute logique ou assumer dignement et se reconstruire? A lui de choisir aussi de tourner la page et de se réconcilier avec la vérité et avec lui même. Il a des enfants comme moi. Un coup de sang, même violent, ça arrive. Mais je ne suis pas Jesus. ce n'est pas à moi de pardonner. C'est à l'agresseur d'accepter le verdict et de se pardonner à lui-même sans biaiser. Pour l'instant il n'a pas choisi réellement d'assumer. Je suis sensible à cet aspect de la reconstruction pour ceux qui payent leurs dettes et montrent donc qu'ils ne recommenceront pas. L'autre chemin possible  et honteux c'est celui du mensonge et du baratin pour contenter l'appétit des esprits faibles et friands de billevesées. Pour se regarder dans la glace avec un masque souriant mais trompeur.

En Marche et l'agonie des partis traditionnels :

j'ai éprouvé avec ce livre le besoin de tout raconter de cette histoire qui est celle d'Abel et Cain des temps modernes, qui montre aussi à quel point avec la mise sur orbite d'En Marche en 2016/2017 la fin des partis traditionnels était programmée. Ce changement de monde a été violent. Une véritable bombe nucléaire politique. Ce jour là rue Broca cela fut la rencontre paroxystique  entre le Nouveau monde et l'ancien dans un moment tragique de l'histoire du parti socialiste que je représentais.  Il en a résulté de la violence physique. L'autre violence, plus symbolique, c'est celle de voir le PS a moins de 2 pour-cent aux présidentielles cinq ans après. Emmanuel Macron en est le principal responsable. ce fut un meurtre politique programmé et assumé. Jupiter est un homme puissant et implacable. Il a organisé son face à face vis à vis de l'extrême droite en aspirant les forces vives des partis traditionnels et en liquidant la forme classique partidaire. Pourtant j'ai voté pour lui au 2eme tour d'avril 2022. Après deux ou trois jours de doute, j'ai dissocié mon histoire personnelle du sort de la France. La violence de l'extrême droite j'en parle dans le livre. Elle est sans commune mesure avec ce qu'Emmanuel Macron incarne. Un réformateur très vertical  et un républicain avec un surmoi de droite qui a certes affaibli la gauche mais qui méritait ma voix face à Le Pen. Pour l'européen qu'il est aussi.  Faire barrage comme un castor cicatrisé.

pour que mes enfants reprennent le flambeau :

J'ai raconté l'histoire des coups de casque sur une petite dizaine d'années (de 2013 jusqu'à 2022), avant et après l'agression, pour que mes enfants sachent exactement ce qu'il s'est passé durant ce temps politique où la 5eme république a connu des bouleversements dans l'organisation des partis. J'ai besoin que Pacôme et Cesar puissent reprendre le flambeau, le moment venu, de l'engagement militant et republicain. Dans ce livre il y a le témoignage de mon propre père sur l'école et son rôle citoyen, j'évoque brièvement la figure de mon grand-père, directeur d'école et maire d'un petit village du Gard.  Le livre s'inscrit autour de 4 générations de gauche. Je ne me resoud pas à ce que la gauche soit réduite à l'impuissance et aux législatives de Juin je voterai naturellement à gauche. Avant d'aider à sa reconstruction.

Un essai sur la violence en politique : 

prendre de la hauteur à été mon deuxième objectif. je ne veux pas rester une victime à vie ! j'ai besoin de dépasser le trauma et de retrouver la flamme politique que j'ai perdu avec l'agression qui m'a obligée à faire un pas de côté. Car la politique est belliqueuse par nature, cela va bien au delà de mon fait divers. Est-on rentré dans l'ère de la politique "casquée" où la violence entre les politiques, petites phrases assassines, Tweets vengeurs et concurrence réglée par des coups bas, est en hausse ? Il y a ce paradoxe français d'attentes énormes des Français vis à vis de leurs politiques et aussi d'une détestation parfois exacerbée face à l'impuissance supposée de leur classe politique.

je pose une réflexion avec des grands témoins, politiques certes mais aussi universitaires ou citoyens engagés qui se sont confiés à moi. Le but est de faire reculer la violence et de réconcilier les politiques avec les citoyens en allant bien au delà de ces coups de casque spectaculaires qui auront été une première pour un opposant politique durement frappé par un député de la majorité.

je remercie les militants et citoyens de tous les bords et notamment les militants  marcheurs et macroniste se qui se sont désolidarisés rapidement de mon agresseur. j'invite ceux qui ne l'ont pas encore fait à se détourner d'une personne qui se jour-là s'est disqualifiée au regard de ce que doit être la politique, un affrontement d'idées et de projets pacifié.

la politique peut être belle, peut nous amener à changer la société. Il faut croire en des lendemains meilleurs. Et laisser les casques aux vestiaires.

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