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Billet de blog 4 avril 2022

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Un Français sur deux s’apprête à voter pour un candidat extrémiste. Danger !

Un Français sur deux s’apprête à voter pour un candidat extrémiste. Avec les raisons institutionnelles, sociales ou médiatiques de ce phénomène, il faut considérer les fondements historiques de cette tendance, la tentation révolutionnaire de la France et sa violence politique. Diminuer les extrêmes en redonnant la parole aux citoyens. La destruction du populisme passera par le peuple.

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Illustration 1
1er mai 1891

Un Français sur deux s’apprête à voter pour un candidat extrémiste. Danger !

Alors que l'extrême-droite est donnée, dans les sondages, à 31,5% ( Marine Le Pen à 22 %, Éric Zemmour à 9,5 %), 34% si l'on y ajoute Nicolas Dupont-Aignan et que l'extrême-gauche pointe à 17% (Jean-Luc Mélenchon à 15%, Philippe Poutou à 1,5 % et Nathalie Arthaud à 0,5 %), soit un total de 48 % pour les «extrêmes» (51,5% si on y ajoute le PCF) , il est plus que temps de se poser la question des raisons de cette dérive.

A contrario les partis dits de gouvernement (hors l'inclassable Jean Lassalle) ne représentent que 43 % des intentions de vote.

On peut mettre en avant les raisons institutionnelles, sociales, éducatives et médiatiques de ce phénomène très inquiétant.

Mais il faut aussi prendre en considération les fondements historiques de cette tendance.

La France pays révolutionnaire

La France n'est pas un pays réformiste, ce qui explique sans doute l'échec actuel de la social-démocratie.

Nous vivons dans une mystique révolutionnaire (comme si la Révolution française ne s'était pas faite dans le sang) et nous avons la fâcheuse habitude de résoudre nos crises dans la rue, souvent dans la violence.

Cela vient du fait qu'en l’absence de capacités réformistes, beaucoup de nos acquis sociaux et sociétaux ont effectivement été obtenus par la révolte. L'accession de la gauche au pouvoir entraîne souvent une contre-révolte de droite, voire d'extrême-droite, comme le 6 février 1934, alors qu'Édouard Daladier est Président du Conseil, avec la manifestation antiparlementaire organisée devant la Chambre des députés par des groupes de droite, des associations d'anciens combattants et des ligues d’extrême droite.

L'historien israélien Zeev Sternhell a très bien décrit cette « tentation autoritaire française » et « l’existence en France d’une tradition de « droite révolutionnaire », proto-fasciste, et fort influente. »

On ne peut, hélas, que constater qu'elle est toujours active, notamment par la diffusion continue de ses idées racistes, antisémites et anti-immigration. Et il est difficile d'essayer de lutter contre ses idées de manière rationnelle, car comme le disait également Sternhell : « Pour les fascistes, les mythes valent mieux que la raison. »

Les causes sociales du mécontentement

Dans les deux cas, à gauche ou à droite, les votes extrémistes s’appuient surtout sur une insatisfaction sociale réelle ou ressentie.

Malgré un accroissement de l'inégalité de revenus, la France n'est-elle pas un des pays où la redistribution sociale est la plus forte ?

S'y ajoute pour l'extrême-droite le refus identitaire du multiculturalisme, qui n'a rien a voir avec l'universalisme, mais traduit la tendance à rejeter sur les autres; arabes, juifs, noirs, immigrés, la cause des frustrations sociales.

L'effet pervers de cette tendance est d'avoir entraîné une bonne partie de la gauche vers un communautarisme mortifère pour l'universalisme républicain.

Cette archipélisation de la société menace le modèle laïque et universaliste républicain.

De plus, on est bien obligés de constater certaines convergences extrême droite/extrême gauche, comme on a pu le voir dans les manifestations anti-vaccins et anti-pass sanitaire.

Jean-François Kahn rappellait que « le fascisme, tel qu'il surgit en Italie au début des années 1920, se caractérisera très exactement par cette spécificité-là : une convergence extrême gauche/extrême droite matinée d'un rejet de la démocratie dite 'formelle' ou bourgeoise, d'une dénonciation du système et des élites, de phraséologie à la fois anticapitaliste, anti-riches et anti-État ».

Enfin, le dernier point de césure entre extrêmes et réformistes est la question de la construction européenne, les deux extrêmes se rejoignant dans un repli nationaliste sans issue.

On peut objecter que l'Europe aurait oublié son pilier social, ce qui est loin d'être prouvé, mais dans le contexte géopolitique actuel, la construction d'un Europe puissance politique est le seul moyen d'en préserver le modèle social et ses valeurs humanistes.

Retrouver un modèle institutionnel démocratique

Il y a de multiples causes à cette dérive populiste extrémiste.

En France, outre cette fâcheuse appétence historique au conflit, il y a au moins un point qui semble aujourd’hui évident : l’obsolescence des Institutions.

La quasi-monarchie élective instaurée sur-mesure pour le Général de Gaulle en 1958, est devenue totalement obsolète et créatrice de violence contre les élites et les élus.

Il est nécessaire et urgent, comme chez tous nos voisins, de revenir à un système où le pouvoir est au Parlement, en redonnant au chef du gouvernement le pouvoir réel, que lui confère la Constitution, pour déterminer et conduire la politique de la nation et au Parlement la pleine initiative des lois.

Il est donc nécessaire de diminuer les pouvoirs du Président.

Autres réforme indispensable : un décentralisation fédérale donnant aux régions l'ensemble des pouvoirs non-régaliens et les ressources propres qui leur permettent de pouvoir financer directement leurs politiques.

Même processus dans l'entreprise, où il est indispensable d'aller vers un équilibre des pouvoirs entre Capital et Travail, en mettant en place un système de codétermination proche de la Mitbstimmung allemande.

De même que la droite doit admettre la nécessité d'avancée sociale, la gauche doit s'ouvrir au monde de l'entreprise est de ses réalités. C'est le prix à payer pour diminuer l’influence des partis extrémistes.

En conclusion : redonner la parole aux citoyens

Diminuer le poids des extrêmes suppose un exercice simple en théorie : redonner la parole aux citoyens et, surtout, faire en sorte que cette parole soit prise en compte.

À tort ou a raison, beaucoup pensent que leur parole ne compte plus.

La démocratie étant, par définition, une forme de gouvernement dans laquelle la souveraineté appartient au peuple, il faut lui redonner les moyens de lui rendre, mettre en œuvre une « démocratie-construction » chère à l'ex-élu alsacien Joseph Spiegel.

La destruction du populisme passera par le peuple. C'est une attente trop longue qui le pousse dans les bras des démagogues et dans la rue.

Il y a urgence.

 Gérard Bouquet

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