Suspendu jusqu’en juillet 2026 pour manquements aux obligations de localisation, Mouhamadou Fall se retrouve exclu du circuit « classique » de l’athlétisme. Le système disciplinaire fonctionne en mode binaire : conformité ou exclusion. En l’absence de cadre de réinsertion, d’écoute ou d’accompagnement, l’athlète devient non-pas redressé mais stratégiquement marginalisé. Cette logique crée un « reste-à-la-marge » sportif, coupé de ses repères, seul face à une menace symbolique : « on vous tourne le dos parce que vous avez été sali », dit l’athlète.
Le choix de l’« ailleurs » comme symptôme
Écarté du système traditionnel, il se tourne vers les Enhanced Games — projet où « le dopage est autorisé voire encouragé », mais présenté par ses promoteurs comme un protocole « sûr, guidé par la science ». Dans son entretien, il affirme : « Pour moi, ce n’est pas du dopage… on a là une occasion d’en savoir plus sur les limites du corps humain. »
Cette décision n’apparaît pas comme un simple opportunisme financier (même s’il admet le rôle important de la rémunération), mais bien comme une réaction à la rupture : « Pourquoi retournerais-je dans une organisation qui m’a accusé à tort ? »
L’athlète marginalisé va donc voir ailleurs — et c’est la sanction institutionnelle qui a, au moins en partie, transformé l’option en décision.
La sanction vs l’accompagnement : un modèle à re-penser
La sanction est un outil de contrôle. Elle est nécessaire dans certains cas. Mais lorsqu’elle devient l’unique posture institutionnelle — sans volet humain, sans relais de soutien, sans dispositif de retour — elle produit de l’échec, non de la réparation.
Dans le sport comme dans d’autres domaines (travail, éducation, santé), l’accompagnement doit être la règle : repérer la fragilité, rétablir un lien de confiance, ouvrir des voies de retour. Ici, l’athlète fragilisé ne reçoit ni réponse ni bras tendu ; il est poussé à choisir une alternative plutôt que de retrouver le chemin initial.
Des marges inventent un nouveau modèle
Quand on leur ferme une porte, certaines personnes en ouvrent une autre. L’athlète exclu devient cobaye volontaire d’un système de substitution. Il n’est plus l’objet d’un encadrement bienveillant, mais le sujet d’une vitrine d’un modèle alternatif. Il affirme : « Les futures signatures risquent de vraiment surprendre… les Enhanced Games vont changer les mentalités et révolutionner le sport. »
Ce mouvement n’est pas qu’un simple fait sportif : il est le symptôme d’un système institutionnel qui a perdu sa capacité à retenir, réparer, ou réintégrer.
Vers une culture de la relation plutôt que de la sanction
La vraie performance — morale, sportive ou sociale — ne naît pas sous la menace de la punition, mais dans la confiance, le soutien et l’ouverture. Une fédération, une institution, un État, doivent pouvoir proposer autre chose que « vérite ou exclusion ». Il s’agit d’inventer des typologies de retour, de réparation, d’accompagnement.
Dans le cas de Mouhamadou Fall, au-delà du débat sur les substances ou la compétition, c’est une question de dignité sportive : être soutenu quand tout s’écroule, être réparé plutôt que relégué.
Il appartient aux acteurs concernés de reconnaitre que la marginalisation institutionnelle produit précisément ce qu’elle prétend combattre : la fuite vers un ailleurs où les règles sont différentes. Il est urgent de construire des ponts plutôt que des murs.
Lien vers l’entretien : « Mouhamadou Fall, premier Français engagé aux « Jeux des dopés » : “Pour moi, ce n’est pas du dopage, mais l’occasion d’en savoir plus sur les limites du corps humain” » (Le Monde)