L'opération sanglante n'a pas été menée de façon isolée. Elle était, tout au contraire, pilotée par trois chefs de la police nommés par le gouverneur bolsonariste Claudio Castro : Victor Santos, ancien officier de police fédérale (PF) et secrétaire d'Etat à la Sécurité publique ; Felipe Curi, officier de police et secrétaire d'Etat responsable de la Police civile (PCRJ) et le colonel Marcelo de Menezes Nogueira, secrétaire d'Etat à la Police militaire (PMERJ). Tous ont publiquement salué l'opération, la qualifiant de « planifiée », de « nécessaire » ou promettant une « réponse appropriée ». Rappelons le bilan: 121 tués.
Victor Santos [Victor César Carvalho dos Santos], lié au bolsonarisme, possède plus de trente ans d'expérience au sein de la Police fédérale (PF), ayant notamment travaillé dans la lutte contre le trafic de drogue à Rio de Janeiro, au département des affaires internes et à la superintendance du District fédéral (Brasilia et alentours). Egalement avocat, il a été nommé superintendant de la PF à Brasília par ... Flávio Bolsonaro, le fils aîné de l'ex-président Jair Bolsonaro, sous la présidence de ce dernier. Poste qu'il a occupé d'octobre 2021 jusqu'à février 2023.
Retraité depuis septembre 2023, il fut alors convié par Claudio Castro en novembre 2023 à diriger le secrétariat d'Etat à la sécurité publique de Rio de Janeiro. Dès le départ, il manifesta son opposition à tout contrôle extérieur. Dans une interview accordée à CNN Brasil en janvier 2025, il demanda que l'ADPF (plainte pour non-respect d'un précepte fondamental) concernant les favelas soit jugée infondée : « Rio de Janeiro doit être libérée de cette ADPF. » L'ADPF relative aux favelas avait été déposée en 2019 par le PSB (Parti socialiste brésilien), suite aux plaintes de mouvements sociaux et d'organisations de défense des droits humains, afin de limiter la violence policière. Les décisions du Tribunal suprême fédéral (STF) imposèrent des restrictions aux opérations : suspension pendant la pandémie, notification préalable au parquet, limitation de l'utilisation des hélicoptères comme plateformes de tir et port de caméras sur les uniformes et les véhicules de patrouille.
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Felipe Curi est un policier civil (PC-RJ) de carrière. Il est affilié au parti PL, parti de Jair Bolsonaro. Il a dirigé la Direction générale des homicides et la Police spécialisée, supervisant plus de 5.000 arrestations, selon le gouvernement de l'État de Rio de Janeiro. Il était l'un des responsables de l'opération qui a coûté la vie à Wellington da Silva Braga, alias Ecko, chef de la plus grande milice de Rio de Janeiro, en 2021.
Il est proche de l'ancien tout-puissant chef de la police civile, le bolsonariste Allan Turnowski, écroué en septembre 2022 pour association de malfaiteurs, après moult preuves accablantes de totale complicité avec les chefs mafieux du jeu de hasard, le jogo do bicho. Mafia qui pourrait avoir ordonné d'exécuter la conseillère municipale Marielle Franco.
Les liens de Curi avec l'ensemble de favelas "Complexo do Alemão" sont anciens : en 2013, il a pris la tête du tout nouveau commissariat n° 45, dissous en 2018. En 2016, il a été blessé par balle lors d'une opération dans ce même quartier. Sur le réseau social Instagram, il a écrit dans sa biographie : « Ne croyez pas aux discours anti-police. » Après le massacre du 28/10/25, il s'en est pris à ses détracteurs, les qualifiant de « narco-activistes » et affirmant que même la NASA ne pouvait pas intervenir dans les favelas.
Dans un récent article, le chevronné journaliste Luís Costa Pinto, du remarquable site d'informations ICL Noticias, l'a surnommé "l'Eichmann" du gouverneur Claudio Castro.
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Il a justifié l'opération policière du 28/10 par une « planification exhaustive ». Lors d'une conférence de presse, il a réfuté les critiques des mouvements sociaux et des experts, affirmant que ceux qui le remettaient en question « n'y connaissent rien». Il a également qualifié ses opposants d'« ingénieurs de salon » et de «faux experts». Le 2/11, Curi affirmait, à la télévision (video), que la « manœuvre tactique » utilisée par les agents le 28/10/2025 était « parfaite », à l'exception des quatre morts parmi les policiers.
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Marcelo de Menezes Nogueira (1972) a intégré la Police militaire de Rio de Janeiro (PMERJ) en 1991. Diplômé en droit et en génie civil, il a occupé divers postes : 6e Commandement de police de zone de la Police militaire (CPA), 17e Bataillon de police militaire (Ilha do Governador), Commandement de police spécialisée (CPE), Coordination du Programme d’intégration de l’État en matière de sécurité (CPROEIS), ainsi que des fonctions administratives telles que la Coordination militaire de l’Assemblée législative de l’État de Rio de Janeiro (ALERJ) et le Sous-secrétariat militaire de la Maison civile.
Il a reçu une médaille du Conseil municipal de Rio de Janeiro en 2019 et été médaillé de l'Assemblée législative de l'État de Rio de Janeiro en 2022. Sa nomination en 2024 par le gouverneur de Rio de Janeiro serait dûe à la double influence d'un ancien commandant du létal bataillon BOPE et au président de l'Assemblée législative de l'État de Rio de Janeiro, le député du parti bolsonariste PL, l'innomable Rodrigo Bacellar.
Lors des funérailles de deux sergents tués pendant le massacre du 28/10, il a promis : « La réponse sera à la hauteur de ces héros ».
L'avocate Rhaysa Ruas, secrétaire exécutive du Forum populaire pour la sécurité publique de Rio de Janeiro, groupement d'associations, affirme que ces prises de position des autorités démontrent « la brutalité avec laquelle le gouvernement administre les favelas et les périphéries ». Pour elle, « traiter ces territoires comme des espaces de désordre revient à déshumaniser leurs habitants et à nier la vie qui s'y déroule ». Rhaysa Ruas ajoute que « considérer un massacre comme une opération réussie anéantit toute perspective de sécurité publique garantissant les droits » et confirme l'échec du plan de l'État de Rio de Janeiro visant à réduire la létalité policière.