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Nommé au ministère des Communications, par Lula da Silva, en 2023, le multimillionnaire Juscelino Filho est inculpé par la police fédérale (PF) pour des soupçons de participation à une organisation criminelle et un délit de corruption passive.
Le crime est lié au soi-disant budget secret, mis en œuvre à l'Assemblée nationale, à Brasilia, pendant le mandat de Jair Bolsonaro. En tant que député fédéral du lointain Maranhão, Juscelino Filho aurait alors détourné de l'argent provenant des soi-disant amendements du rapporteur pour des travaux effectués par la Compagnie de développement de la vallée du São Francisco et du Parnaíba (Codevasf).
L'argent était destiné à la construction d'une route qui passe devant le haras du ministre dans l'Etat du Maranhão. L'information avait été révélée en janvier 2023 par le journal O Estado de São Paulo.
Après la publication de l'enquête journalistique, l'ancien député fédéral avait confirmé dans une déclaration qu'il avait utilisé des fonds du budget secret pour paver 19 kilomètres de route menant à l'une de ses fermes, dans le Maranhão, à 325 km au sud-ouest de São Luís, la capitale de cet Etat. "Considérer que la route de 19 kilomètres, qui a bien reçu des fonds de l'amendement du député par le biais d'un accord avec la Codevasf, n'a profité qu'à sa propriété est pour le moins frivole, puisque la route relie les villages d'Estirão et de Jatobá", pouvait-on lire dans un extrait de la note du cabinet de Juscelino Filho.
"Il est naturel et prévisible qu'en tant que parlementaire, Juscelino Filho s'engage à apporter des ressources à la région, sa base politique", a ajouté Juscelino Filho dans la note relative à l'appel d'offres, qui a bénéficié à Construservice, la principale entreprise faisant l'objet de l'enquête dans le cadre de ce projet. Construservice a participé seule à l'appel d'offres et a été engagée en février 2022 par la mairesse de Vitorino Freire (MA), Luanna Martins Bringel Rezende Alves, qui n'est autre que ... la sœur du ministre. Elle avait été alors, démise de ses fonctions. Puis réintégrée, le 14/9/2023, à son poste par le ministre Barroso, de la Cour suprême (STF).
Puis, un rapport du contrôleur général du Brésil (CGU) a révélé que 80 % des routes financées par l'amendement ont bénéficié à ses propriétés et à celles des membres de sa famille dans la région. Ce document du CGU avait été révélé par le quotidien Folha de São Paulo.
A l'époque, le président Lula da Silva avait même convoqué le ministre pour qu'il s'explique. Mais quelques heures avant la réunion, Juscelino Filho avait fait l'objet d'un nouveau scandale. Dans une nouvelle enquête, en mars 2023, O Estado de São Paulo avait montré et révélé que l'associé de Juscelino Filho dans le haras, Gustavo Gaspar, a travaillé comme employé fantôme sous le poste d'"assistente parlamentar sênior" depuis 2019" au sein de la direction du parti PDT (socialiste) à l'Assemblée nationale, avec un salaire de 17.200 R$ (3.500 US$). Gustavo Gaspar était dans le cabinet du sénateur Weverton Rocha.
Frères et père Gaspar
Par ailleurs, Gustavo Gaspar est l'associé de la sœur du ministre, la mairesse de Vitorino Freire, Luanna Rezende, dans la société "Parque & Haras Luanna", et le frère de Tatiana Gaspar, engagée par Juscelino Filho comme conseillère spéciale au ministère des communications, avec un salaire de 13.200 R$ (2.600 US$). Le père de Gaspar, âgé de 80 ans, était également employé au cabinet de Juscelino Filho à l'Assemblée nationale, qui a pris un congé en tant que député fédéral pour rejoindre le gouvernement.
Bien qu'il soit employé comme assistant parlementaire principal dans le bureau de direction du PDT à l'Assemblée nationale, Gaspar n'est connu d'aucune des personnes qui y travaillent et n'est pas tenu de s'inscrire.
En septembre 2023, après le début des enquêtes, Luís Roberto Barroso, ministre du Tribunal suprême fédéral (STF), a ordonné le blocage de fonds actifs, d'un montant de 835.000 R$ (167.000 US$), appartenant à Juscelino Filho.
Rappel des suites de l'affaire
Les enquêtes ont permis de détecter des paiements de pots-de-vin à une société liée à Juscelino et d'obtenir des dialogues montrant comment l'homme d'affaires Eduardo José Barros Costa a élaboré l'avis d'appel d'offres.
Le montant du blocage des actifs était basé sur la perte enregistrée par Codevasf dans le cadre d'un projet d'asphaltage réalisé à Vitorino Freire. L'amendement, d'une valeur de 1,5 million de R$, aurait permis de transférer des fonds, par l'intermédiaire de l'entreprise, à la mairie de la sœur du ministre.
A l'époque, Lula da Silva avait demandé au premier ministre Rui Costa de l'appeler poiur qu'ils aient une conversation car il avait le droit de prouver son innocence. "Mais s'il ne peut pas prouver son innocence, il ne peut pas rester au gouvernement", avait déclaré Lula da Silva, soulignant que "je garantis à tout le monde la présomption d'innocence". A l'issue de la conversation, le président de la République avait décidé de maintenir le ministre dans ses fonctions.
Maintenant, en ce mois de juin 2024, Juscelino Filho est accusé par la police fédérale de six crimes : de fraude et de violation du secret lors d'appel d'offres, de déclaration frauduleuse [falsidade ideológica], de corruption passive, de blanchiment d'argent et d'appartenance à une organisation criminelle.
L'enquête va maintenant être soumise au ministère public fédéral (MPF), qui décidera quels comportements correspondent au ministre du président Lula da Silva et s'il y a lieu ou non de déposer une plainte devant les tribunaux.
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