Les fact-checkeurs nous l’ont dit : les vols d'organes, c'est juste un vieux mythe urbain, ce que confirme Véronique Campion-Vincent dans son article "Les récits et la légende des vols d'organes, expression des réticences face à la greffe" qui date de 2000. Bon, voyons voir ce que j'ai trouvé chez les platistes et les reptiliens, qu'on déboulonne ça vite fait !
1. Une abondance relative d'organes dans certains contextes : une affirmation discutable ?
L'un des arguments centraux avancé est que, dans certains pays ou régions, il existerait une abondance de donneurs volontaires ou de "vendeurs", réduisant ainsi la nécessité de recourir à des pratiques illégales comme le vol d'organes. Mais cette affirmation est-elle réellement valable à l'échelle mondiale ?
À une époque où les statistiques montraient une pénurie d'organes dans de nombreux pays, cet argument semble difficile à défendre sans prendre en compte les spécificités locales. En effet, des études de l'époque documentaient une crise mondiale de pénurie d'organes, où la demande croissante dépassait largement l'offre disponible. Des articles comme "Organ Transplantation: The Overwhelming Demand" (1997) - JAMA, "The Organ Shortage Crisis in the United States: A National Issue" (1994) - The Annals of Thoracic Surgery, ou encore "Ethical Issues in Organ Transplantation" (1988) - The Hastings Center Report mettaient en évidence ce déséquilibre crucial. En France, le constat était similaire, avec une baisse significative du nombre de greffes au cours des années 90, comme l'avait souligné le député Edouard Le Jeune dans une question parlementaire en 1996, alertant sur les milliers de patients en attente de greffes.
2. Des contraintes techniques majeures : des obstacles suffisants ?
Les vols d'organes sont jugés improbables en raison des contraintes techniques telles que la conservation des organes, la nécessité d'une équipe médicale qualifiée, et la synchronisation précise entre le prélèvement et la greffe. Egalement, déterminer la compatibilité est une étape qui requiert un savoir-faire technique avancé et un outillage spécialisé, mais, à part exception, cela ne demande du donneur et du receveur qu'un simple échantillon de sang. Cependant, là où il y a de l'argent à se faire, il y a toujours des moyens de contourner les obstacles. Par exemple, les tests de compatibilité et la transplantation pourraient se faire dans un hôpital avec une équipe médicale légitime, tandis que l'origine de l'organe serait falsifiée pour masquer son acquisition illégale.
En fait, plusieurs cas concrets montrent que ces pratiques existent malgré les obstacles. En Israël, Yehuda Hiss, ancien directeur de l'institut médico-légal de l'État, a admis avoir prélevé des organes sur des corps sans consentement pendant les années 1990, alimentant ainsi le trafic d'organes. Ces organes étaient ensuite utilisés dans des hôpitaux légitimes. De même, en Inde, à Gurgaon, un réseau de trafic d'organes a été démantelé en 2008. Pendant six à sept ans, ce réseau opérait dans une clinique locale, où les "donneurs" étaient parfois opérés de force après avoir été drogués. Les reins prélevés étaient ensuite transplantés dans des cliniques privées, par des médecins qualifiés, pour des patients fortunés, souvent sans que l'origine illégale des organes ne soit détectée.
Rien de clandestin ni d'illégal ici, sauf l'origine des organes. Les transplantations se faisaient dans des établissements médicaux légaux, avec des professionnels de santé, ce qui montre que, malgré les obstacles, ces pratiques peuvent exister sous couvert de légitimité.
3. Les chirurgiens auraient trop à perdre : mais cela suffit-il à dissuader ?
L'article affirme que les chirurgiens auraient trop à perdre en participant à des opérations illégales, les conséquences potentielles sur leur carrière étant dévastatrices : sanctions légales, perte de réputation, et implications éthiques. Cependant, cet argument peut être nuancé. Déjà, peut-être qu'ils n'en savent rien, s'ils ne sont pas "dans le coup". Pour ceux qui le savent : certes, les risques sont élevés pour les professionnels de santé corrompus, mais l'appât du gain peut parfois l'emporter sur ces considérations. Dans de nombreux cas de corruption, les individus prennent des risques considérables comparés aux gains espérés. Ainsi, bien que les risques pour les chirurgiens soient réels, cela ne garantit pas qu'ils soient toujours suffisants pour dissuader des pratiques illégales, surtout si les gains escomptés sont élevés.
Ainsi, bien que Véronique Campion-Vincent offre une réflexion nuancée sur les raisons pour lesquelles les vols d'organes seraient improbables, ses arguments se heurtent à plusieurs réalités troublantes. Au-delà de la pénurie d'organes à la fin des années 90, des cas concrets montrent que, malgré les contraintes techniques et les risques encourus, des pratiques illégales existent bel et bien. Ces exemples révèlent que même les médecins qualifiés et les hôpitaux respectables peuvent être impliqués, camouflant l'origine douteuse des organes sous une apparence de légitimité.