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Billet de blog 30 décembre 2020

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Georges Charpak, l’industrie nucléaire et l’éducation au scepticisme

(Texte proposé le 12 janvier 2021 au groupe Facebook "Zététique", refusé le 5 février 2021) Une petite recherches de sources sur les liens que Georges Charpak avait avec l’industrie nucléaire. Liens qui semblent avoir débordé sur son intérêt pour l’éducation aux sciences et au rationalisme.

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Illustration 1
Georges Charpak, jeune résistant

Georges Charpak* a eu des liens d’intérêt avec l’industrie du nucléaire civil dans les années 90, et des liens bien établis pratiquement jusqu’à sa mort en 2010.

En 1989, il lance avec des collègues de l’école de physique-chimie de Paris une start-up, Biospace Instruments, destinée à industrialiser les machines dont ils détiennent les brevets [1], des détecteurs de particule révolutionnaires qui vaudront à Charpak d’être récompensé par un prix Nobel de Physique en 1992.

Cependant, il semble que l’entreprise batte de l’aile, car comme le rapporte Les Echos, Georges Charpak concède que « l’industrialisation ce n’est pas pour les amateurs » [1]. En 1996, la Cogéma et le nouvel acteur du nucléaire Sagem apportent leur soutien à l’équipe de Charpak au travers de leur filiale Eurisys Mesures [1] dont Sagem a racheté 45% des parts à Cogéma en 1995 [2]. Eurisys Mesures acquière 51% des parts de Biospace Instruments qui devient Biospace Mesures, et Charpak et ses associés conservent les 49% restants. L’arrivée de ces « business angels » dans son entreprise n’est probablement pas une surprise pour Georges Charpak puisqu’il siège au conseil d’administration de la Cogéma de 1994 à 1999 [3]. Laisser siéger dans son conseil d'administration un scientifique mondialement reconnu, et racheter sa start-up dont l'expertise dans le domaine médical n'a pourtant rien à voir avec le nucléaire civil, est-ce de cela dont Les Echos parlent dans ces lignes : [Cogéma et Sagem sont] "habitués à traiter avec des scientifiques" ? [1]. 

Les archives de l’INSEE montrent que l’Etat contrôle majoritairement Biospace Mesures jusqu’au 31 décembre 1997 [4]. Il est ensuite difficile de suivre sa trajectoire, car elle change de nom, Biospace Lab se détache de Biospace Instruments qui devient Biospace Med puis EOS Imaging (le dernier changement de nom est annoncé aux alentours du 28 septembre 2010 [5], soit quelques jours avant la mort de Georges Charpak le 29 septembre 2010). Selon Les Echos, lors de l’acquisition de Biospace Instruments par Sagem et Cogéma, les deux groupes étaient « tentés depuis longtemps de se diversifier dans le domaine médical » [1]. Une ambition qui ne se retrouve pas aujourd’hui dans l’actionnariat de EOS Imaging, puisqu’aucun des deux groupes n’est présent [6].

En 2002 Georges Charpak est toujours administrateur à Biospace Instruments et Biospace Mesures [7], et il entretien toujours des liens avec l’industrie nucléaire civile, même si ceux-ci sont moins forts : il est membre du comité scientifique et éthique d’Areva [8].

Il est à noter qu'au cours des années 90 et 2000, Georges Charpak prendra souvent la défense du nucléaire civil publiquement et "courageusement", comme le dit Patrick Landais en son hommage [9]. Et il est vrai qu'il a essuyé beaucoup de critiques à ce sujet, un journaliste de Libération lui pose par exemple la question de cette situation de conflit d'intérêt. La réponse de Georges Charpak montre qu'il pense ne pas être affecté par ses liens avec le nucléaire civil [10] sans qui pourtant son entreprise n'aurait probablement pas survécu [1]. Le livre "Devenez sorciers, devenez savants" (Odile Jacob 2002), qu'il co-écrit avec Henri Broch, directeur du Laboratoire Zététique, contient également plusieurs passages constituant une part non-négligeable du livre, prenant la défense du nucléaire civil.

* malgré les faits qui sont exposés ici, il faut savoir que Georges Charpak a été résistant durant la Seconde Guerre Mondiale, fait prisonnier et interné à Dachau, expérience à laquelle il a miraculeusement survécu, avec suffisamment de résilience pour reprendre ses études, avec le succès qu'on connaît.

[1] Les Echos mai 1996 : Cogema va industrialiser les inventions de Georges Charpak, 17 mai 1996

https://www.lesechos.fr/1996/05/cogema-va-industrialiser-les-inventions-de-georges-charpak-834962

[2] Les Echos mai 1995 : Cogema et la Sagem se rapprochent dans les mesures nucléaires, 18 mai 1995

https://www.lesechos.fr/1995/05/cogema-et-la-sagem-se-rapprochent-dans-les-mesures-nucleaires-858003

[3] CERN Document Server, Georges Charpak (Archives), consultées en novembre 2020

https://cds.cern.ch/collection/Georges%20Charpak%20%28Archives%29?as=0&ln=fr

[4] Archives de l’INSEE, Biospace Mesures apparait dans le fichier des entreprises majoritairement contrôlées par l’Etat au 31 décembre 1997, mais pas dans celui de 1998.

https://www.insee.fr/fr/statistiques/2016461?sommaire=2115627

[5] www.biospace.com : Biospace Med Changes its Name to EOS Imaging (Formerly Known as biospace med) 28 septembre 2010

https://www.biospace.com/article/releases/-b-biospace-med-b-changes-its-name-to-eos-imaging-formerly-known-as-biospace-med-/

[6] Marketscreener consulté novembre 2020

https://www.marketscreener.com/quote/stock/EOS-IMAGING-9949435/company/

[7] Fimalac Document de référence 2002

http://www.fimalac.com/items/files/9b793912db007f69c187f2ce3a640ab6_417458.pdf

[8] Areva : rapport annuel 2002

https://inis.iaea.org/collection/NCLCollectionStore/_Public/35/106/35106414.pdf

[9] Témoignage de Patrick Landais sur la disparition de Georges Charpak

https://www.andra.fr/temoignage-de-patrick-landais-sur-la-disparition-de-georges-charpak

[10] Libération 21 janvier 1997 : Georges Charpak, Nobel de physique, prône une réduction du nucléaire militaire «Quelques centaines de têtes suffisent»

https://www.liberation.fr/sciences/1997/01/21/georges-charpak-nobel-de-physique-prone-une-reduction-du-nucleaire-militaire-quelques-centaines-de-t_193546

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