On le sait : nous vivons le degré zéro de la Politique. Avec des sujets apolitiques, a sociaux, diffusés en boucles par des chaînes d'actualités obéissant servilement aux ordres de l'Elysée. Craintivement "fixées", au sens psychanalytique du terme, sur le futile, l'insignifiant. Occultant volontairement la question d'un Peuple Français paupérisé, exclu par une petite-bourgeoisie politique du débat politique officiel.
C'est le Peuple français qui est exclu, son comportement abstentionniste n'est que sa réponse à des programmes politiques, qui ont mis la question sociale au rancart. Certes, Camille Peugny, Maître de conférences en sociologie, nous donne des chiffres sur l'abstention massive des classes populaires en France. Notamment son article intitulé "La participation politique des ouvriers et des employés", publié dans la Revue Française de Science Politique, Vol 65, n° 5-6, 2015.
Au delà des chiffres connus (50% d'abstention des classes populaires aux élections), cette étude est sensée nous montrer deux choses :
1)-Un phénomène d'auto-exclusion du débat politique des ouvriers et des employés.
2)-De fortes différences de comportements à l'intérieur même du groupe des Classes populaires, qualifié par l'auteur d'"artificiellement homogène"(sic).
1)-Il n'y a pas d'auto-exclusion des Classes populaires du débat politique :
Peugny écrit : (l'auto-exclusion des ouvriers et des employés) "ne s'exerce pas uniquement le jour des élections : il peut être perçu comme le résultat d'un processus d'auto exclusion du débat politique beaucoup plus profond, fait d'indifférence et d'incompétence subjective"(sic).Contrairement à ce qu'affirme Camille Peugny, il n'y a pas "d'auto-exclusion" des ouvriers et des employés du débat politique, sauf à en rester à l'écume des apparences.
Certes, historiquement, on assiste à un phénomène d'exclusion des classes populaires de l'élection dite au suffrage universel. Mais on rappelle que le suffrage universel est une invention de la culture de l'élite au XIXème siècle : Odilon Barrot, Ministre de Louis-Philippe, Tocqueville, Louis-Marie de Lahaye de Cormenin et Isambert, constitutionnalistes. Le suffrage universel est donc une "orthopédie sociale"(sic), pour pour "normer" le Peuple dans un consensus mou, comme écrit Alain Garrigou, professeur de sciences politiques, auteur de l'ouvrage : "Le vote et la vertu. Comment les français sont devenus électeurs", cf ouvrage : édition Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, Paris, 1993).
Sauf à réécrire une histoire enchantée du suffrage universel, il n'y a jamais eu de success story du suffrage universel : pas d'emballement des paysans, ouvriers et employés face à une liste des candidats imposée d'avance. Excluant tout autre espace des possibles. Dès les élections de 1848, Daniel Stern notait que beaucoup de paysans, dans les campagnes reculées, s'étonnaient de cette liste de noms imprimée, qu'on leur remettait et disaient naïvement : "mais puisque le gouvernement a déjà choisi, pourquoi nous fait-on voter ? "(sic) (Alain Garrigou, op cit).
Mais ce n'est pas tout. Avec le tournant de la rigueur en 1983, le PS a tristement abandonné les classes populaires sur le bas-côté de la route. Les questions sociales (emploi, amélioration du pouvoir d'achat) furent sèchement oubliées au profit de questions "sociétales". Jospin, qui avait poursuivi pendant trois ans une politique véritablement réformatrice, (1997-2000), fut contraint, par Blair et Schroeder, d'abandonner sa politique de création d'emplois, couper les enveloppes sociales de façon drastique : cf anecdote racontée par J-L Mélenchon dans son ouvrage : "En quête de gauche", édition Belin, 2006.
Inversement, le programme très social de "L'avenir en commun" défendu par Mélenchon au premier tour de l'élection présidentielle de 2017, a limité fortement le nombre d'abstentions au premier tour : 25% d'ouvriers et autant de jeunes choisirent JLM. Mais en 2019, suite au virage PS bis de la FI opéré par Corbière en juin 2017, les ouvriers et les jeunes ne furent plus que 7 et 4% à voter FI aux élections européennes de 2019.
On voit donc comment la participation des classes populaires au vote est "indexée" sur l'existence ou non d'un programme véritablement social. Donc, l'attitude des ouvriers et des employés vis à vis du suffrage universel révèle un intérêt véritable pour le débat politique : s'il existe une offre politique prenant véritablement leur défense, ils participent au vote. Il est donc inexact d'affirmer qu'ils se sont "auto-exclus", comme le soutient Camille Peugny.
Certes, il peut aussi s'agir d'une "exclusion forcée" du débat politique, par une petite-bourgeoisie, nous disant hypocritement : "ce n'est pas la peine de parler de pauvreté, puisque les jeunes et les ouvriers s'abstiennent !"(sic)
De plus, le mouvement des Gilets Jaunes depuis le 17 novembre 2018, d'origine véritablement populaire, est bien la preuve que les classes populaires ne s'excluent pas du débat politique national, bien au contraire.
2)-Une Classe populaire abstentionniste globalement homogène :
Certes, il existe des différences de participation entre groupes sociaux des classes populaires : ainsi, les ouvriers de la métallurgie, ayant une culture des luttes, figure parmi les plus politisés des classes populaires. Les salariés des services à la personne votent peu, (cf analyse de C. Peugny).
Mais, malgré ces écarts, le "score d"intégration politique" des employés administratifs du privé (0,51) ou du public (0,43), les employés de réception (0,63) les vendeurs (0,47), les ouvriers de la métallurgie (0,43), les chauffeurs (0,75), les ouvriers du bâtiment (0,39), oscillent dans un taux moyen assez homogène de 0,50. Il n'y a que le petit groupe des employés des services à avoir une intégration politique très faible : 0,16%, très à l'écart des autres groupes formant la Classe populaire.
A ce jour, avec les Gilets Jaunes, et les militants anti-réforme des retraites depuis le 05 décembre 2019, la révolte populaire ne peut que s'amplifier. Nous vivons une forme de très long Mai 68, avec des asymptotes, des périodes de repli. Mais le temps est effacé, échec et réussite aussi : seule compte l'envie de se battre et de poursuivre jusqu'au bout....