1°)-Jilles Lazardeux : Dans la vie publique, je pense que le poids des intellectuels s'est beaucoup réduit, en tous cas du point de vue de l'imaginaire collectif. Je ne vois plus de maître à penser, je ne vois plus de guide spirituel, je ne vois plus d'éclaireur de l'avenir comme la grande tradition des intellectuels français a pu le représenter.
Ça accompagne tout simplement le déclin des grandes idéologies et de l'idée de révolution en France qui a une place toute particulière dans la culture de ce pays. Le grand tournant se situe à la fin des années 70 au début des années 1980.
Michael Nahon : Nous sommes à l'époque de la culture sur les réseaux sociaux et des lanceurs d alertes et c est pas mal non plus que le peuple parle au peuple et que des gens s éveillent grâce à une communication nouvelle
3°)-Brigitte Pascall : Oui, il y a les journalistes de réinformation et de contre information, qui font ce qu'ils peuvent. Ce que tu ne dis pas, c'est que tous ces facebookiens, Tweeteristes, VKiens, etc;, ont trouvé un champ intellectuel en déshérence. A reconstruire complètement. Et que, comme dit très bien Jilles, les intellectuels de notre jeunesse avaient une intelligence extra -ordinaire, une capacité à jongler avec les concepts, qu'ils mettaient au service de la défense des classes populaires.
4°)-Marie Luce Mouly : Stéphan Sweig dénonçait déjà la responsabilité de ceux qui devraient éclairer le peuple dans l'Allemagne des années 30
5°)-Brigitte Pascall : Excellent exemple. Shlomo Sand, dans son ouvrage "La fin de l'intellectuel français. De Zola à Houellebecq ,?", édition La Découverte, 2016, dit, en fin de livre, que les réseaux sociaux vont remplacer l'intellectuel total à la Jean-Paul Sartre. Je ne le pense pas : ce n'est pas du tout le même niveau intellectuel ! Une chose est de faire du journalisme politique honnête. Une autre est de philosopher avec talent, donner une boussole philosophique aux gens désorientés par cette machine à mentir qu'est Macron.
Si on veut imaginer une période "après éléments de langage cherchés à l'Elysée", avec de fakes intellectuels médiatiques, cela peut se faire quelques temps. Mais le trône de l'intellectuel total reste vide, et personne n'a la capacité à l'occuper.
Selon certains, "le paradigme de l'intellectuel" doit finir. Pas d'accord. La figure de l'intellectuel critique jouait un rôle politique cardinal dans le "bloc historique" du Peuple de gauche dans les années 70, notamment autour du Programme Commun. C'est lui qui assurait l'alliance entre les classes populaires +classes moyennes + intellectuels de renom, permettant au Peuple d'être majoritaire.
Ce rôle, il ne le joue plus. L'intellectuel 2021 est au service de Macron, des riches et de l'immobilisme social. On a droit depuis 40 ans à une nouvelle "trahison des clercs", celle que dénonçait Paul Nizan dans les années 30.
Ce n'est pas un phénomène isolé, puisqu'elle se doublait hier d'une trahison de la Classe politique de la fin de la IIIéme République, qui a voté les pleins pouvoirs à Pétain. Et aujourd'hui de la gôche, notamment de la France insoumise.