LE DENI DU DECLASSEMENT DES JEUNES DES CLASSES MOYENNES !
"Une génération sacrifiée ? Jeunes des classes populaires dans la France industrialisée", sous la direction de Stéphane Beaud et Gérard Mauger
Marianne du 10 au 16 mars 2017
1)-Article Marianne :
Sous la direction de Stéphane Beaud et Gérard Mauger, sociologues, spécialistes de la jeunesse, vient de sortir un ouvrage aux éditions Rue d'Ulm : "une génération sacrifiée ? Jeunes des classes populaires dans la France industrialisée". Marianne s'entretient avec Florence Weber, Directrice du département de sciences sociales de l'ENS, qui a rédigé la postface de ce livre. Voilà ses interventions les plus importantes :
"Les premières générations à souffrir appartenaient aux classes populaires françaises et immigrées dans les années 2000. Puis les cadres français ont découvert qu'ils n'intéressaient plus le patronat international, et à partir de 2008, de nouvelles catégories de population ont été touchées, dans des zones et dans des secteurs restes dynamiques, car la crise a été d'une profondeur et d'une durée inégalées (...) Ce que disent les statistiques, c'est qu'un démarrage difficile peut détruire toute une vie. Les choses s'intensifient après 2008. Pendant 8 ans, le taux de chômage des moins de 25 ans oscille constamment autour de 20%. Chaque nouvelle cohorte butant sur les cohortes précédentes, dont les perspectives ne se sont jamais améliorées.
La crise de 2008 joue un rôle particulier, parce qu'elle a touché des zones restées dynamiques après la première désindustrialisation, tout un tissu méconnu de petites entreprises performantes en dehors des métropoles, dans les villes moyennes et les bourgs industriels. La carte des emplois perdus dans les premières années qui ont suivi la crise de 2008 est impressionnante : elle touche précisément les zones où le taux de chômage est le plus faible ! C'est une catastrophe d'une très grande ampleur, qui contribue à la polarisation territoriale, puisque, de plus en plus, il faut migrer pour trouver du travail. Le territoire français est devenu une mosaïque de lieux effondrés et oubliés avec, dans les interstices, des aires qui s'en sortent (...) Notre livre exprime justement la volonté de placer la désindustrialisation au coeur du débat sur la crise des banlieues, alors que la tendance générale est de l'enfermer dans une question urbaine, politique, sociale, voire religieuse.
De larges portions du territoire français sont dans la même situation, la crise y est aussi violente. Dans certaines régions, il ne reste plus rien, que des vieux, des handicapés, des bourgs qui s'effondrent, des ruines au sens matériel du terme, des tabacs fermés, des bureaux de poste fermés, et des routes départementales parcourues par d'immenses camions d'Europe de l'Est. Pourquoi personne n'ose parler de ces territoires dans les mêmes termes que ceux employés pour la Grèce. S'agit-il de pudeur ou d'aveuglement ? Ou ces territoires sont abandonnés par les sciences sociales ? C est une question (...)
Les sciences sociales commencent à reconnaître la "peur du déclassement", pour reprendre le livre d'Eric Maurin de 2009. Mais il faut attendre 2016 pour que la revue Politix examine sérieusement le problème. Il y a un déni de la part des chercheurs en sciences sociales, sauf Louis Chauvel qui parle du déclassement des classes moyennes.
L'interview se termine sur cette question : "ne pensez-vous pas qu'une partie des problèmes politiques et sociaux de la France est liée à ce déni du déclassement ? Réponse : sourire : "ce n'est pas impossible" (fin du topo)
2)-Brigitte Pascall : La crise de 2008-2009 forme une césure majeure. La désindustrialisation touche à présent des secteurs dynamiques, où le taux de chômage jusque là était bas. Si les jeunes des classes populaires sont touchés, il en va de même pour les jeunes des classes moyennes. Comme dit Florence Weber, "LES CADRES FRANCAIS ONT DECOUVERT QU'ILS N'INTERESSAIENT PLUS LE PATRONAT INTERNATIONAL"(sic). Résultat : le territoire français est devenu un mosaïque de lieux effondrés et oubliés. Dans certaines régions, il ne reste plus rien, que des vieux, des handicapés, des bourgs qui s'effondrent, des ruines au sens matériel du terme, des tabacs fermés, des bureaux de poste fermés, et des routes départementales parcourues par d'immenses camions d'Europe de l'Est. Un triste constat qui tempère avec les cocoricos du Figaro de ce matin, trompétant sur un taux de croissance de 2017 établi à 1,9%, mais sans création simultanés d'emplois.
On assiste à un déclassement des classes moyennes. Mais en dehors des livres de Louis Chauvel, il y a un déni de la part des autres chercheurs en sciences sociales. Il y a aussi un déni de vérité de la part des responsables politiques comme JLM, qui préfère écrire un livre sur la pauvreté en Allemagne, plutôt que de parler d'une pauvreté française, qui hélas, n'est pas mal non plus. Il y a surtout un déni de nos "élites" nationales, qui refusent de parler du déclassement des classes moyennes, soutien depuis les années 80 de toutes les classes dominantes au pouvoir !
Pourtant ce phénomène est incontestable aux États Unis, qui a toujours 10 ans d'avance en malheur sur la France. L'économiste Philippe Béchade montre comment les classes moyennes sont licenciées massivement aux États Unis, histoire de faire monter le cours de l'action en bourse.
Les slogans d'une jeunesse éduquée dénoncent clairement la situation qui les attend : "notre futur" a été rayé et remplacé par "no futur". "Pour ceux d'en haut des couilles en or, pour ceux d'en bas, des nouilles d'abord ! ". "PS : chose promise : chomedu", "Qui sème la misère récolte la tempête", etc...30% des jeunes ont voté Mélenchon au premier tour des élections présidentielles. Comme l'explique Alain Badiou, "il existe de la part des jeunes éduqués une demande d'offensive politique se situant clairement contre le système" (sic). (cf entretien dans "Les Inroks" du 17 mai 2017).
Or, la nouvelle stratégie de la FI se limite à quelques expériences parlementaires. Nos 17 élus jubilent à l'idée de parvenir à obtenir quelques amendements du système : par exemple, la demande de la dépénalisation du cannabis effectuée par Corbière, établissant une stratégie par des moyens purement légaux. Sans pousser le Peuple dans la rue et dans le combat social. Alors que bien évidemment, c'est tout le contraire qu'il faut faire...!
Dans une vidéo échangeant avec Laurent Bouvet, Alain Badiou définissait "la gauche" comme "la capacité à représenter les non représentés, l'irreprésentable" (sic), ce qui implique nécessairement de dépasser sa seule fonction parlementaire (cf émission "Contre-courant", mars 2016). De la même façon, et dans le sillage d'Alain Badiou je dirai que la FI doit représenter les non représentés : ouvriers, chômeurs, jeunes, retraités. Et qu'elle doit mettre sur la table tous les sujets interdits : chômage et pauvreté de masse, frigo vide à compter du 12 du mois, déclassement silencieux des jeunes de la classe moyenne...
Notamment cette petite bourgeoisie "barragiste", qui a appelé à grands bruits à voter Macron, a voté clairement pour la poursuite de la désindustrialisation et du chômage de masse, contre son intérêt bien compris. L'appel à voter Macron (par exemple, Corbière appelant à voter Macron dès le 17 avril à 20 heures, comme le montre le film de Gilles Perret), qui rend possible la poursuite de la paupérisation de la société française doit être clairement dénoncé. Une nouvelle stratégie résolument anti système et en phase avec les attentes de la jeunesse éduquée doit être définie au sein de la FI, sur la base de la réécriture critique de notre programme "L'avenir en commun" ....!