Cet antagonisme de façade finit par s’estomper sous le poids du COVID.
En réalité, la convergence idéologique des courants politiques est un processus lent et rampant, débutant avec la fermeture, par le capitalisme, d’une parenthèse démocratique, la période de prospérité économique et de plein-emploi entre 1946 et 1975, les « Trente Glorieuses ».
Ce serait peut-être un début d’explication de la désaffection générale du public à l’égard des partis politiques qui, dès lors, cessèrent de défendre son intérêt, la poursuite du pouvoir et la quête de l’argent faisant partie des aspirations suprêmes de l’être humain et, à fortiori du politique, comme le remarqua l’humoriste français, Coluche : « Les riches et les puissants sont les méchants et les pauvres les gentils et tout le monde veut devenir méchant ».
Ainsi, une fois élu et bien installé, le politique se conforme aux us et coutumes de l’ordre établi, comme le démontre, notamment à partir des années 1980, la convergence des partis politiques de toutes couleurs vers le consensus néolibéral, au même titre d’ailleurs que la bien-pensance générale, entre autres celle des « geeks », « nerds » et autres « drop-outs » des universités américaines des sixties et seventies, à l’origine de la révolution technologique et de la communication des années 2000, qui visa, à ses débuts, un modèle d’entreprise, et pourquoi pas sociétal, démocratique, doté de structures organisationnelles horizontales, purgées des mécanismes de contrôle inutiles au bénéfice de la confiance à l’égard des collaborateurs et des utilisateurs, somme toute l’anarchisme dans le sens littéral du terme, au déplaisir des gardiens du temple.
Si, actuellement, en flagrante contradiction avec leurs idéaux, les réseaux sociaux se mettent à censurer le contenu de leurs utilisateurs, ce n’est pas de leur propre initiative qu’ils le font, mais, comme le remarque le journaliste, Glenn Greenwald, entre autres, sous la pression des médias, piliers de l’ordre établi, qui voient leur monopole sur l’information s’échapper. S’associer ainsi avec le pouvoir et trahir un idéal lointain, pour les GAFA, ce n’est finalement que de l’opportunisme mercantile.
Pour compléter le tableau, ce sont les milieux de la gauche progressiste qui s’associent volontiers à ce genre de chasse aux sorcières, soutenant les efforts de censure sous prétexte de vouloir couper court à la dissémination de « discours haineux » sur la toile, dissémination qui, si elle contrevient à la loi, peut être jugé devant un tribunal. Seulement, une fois de plus dans l’histoire de la lutte des classes, cet « acte de bien-pensance », on pourrait l’appeler « naïveté », se retourne contre eux, se sachant pourtant dans le viseur des censeurs « Google » « facebook » et « twitter » depuis des années déjà.
En effet, sur une question au CEO de « Google », Sundar Pinchai devant le Congrès américain, au mois de novembre dernier, « lequel parmi les profils libéraux (« liberal » au sens américain du terme) le plus en vue il serait prêt à censurer en premier, celui-ci répondit : le « World Socialist Web Site ».
La lettre de protestation envoyée à la direction de « Google » par l’éditeur du « World Socialist Web Site » le 27 août 2017 déjà ne semble pas avoir eu l’effet escompté. (WSWS)
Le 22 janvier dernier, au nom du combat contre le « hate speech », « facebook » désactiva une série de profils d'obédience de gauche, notamment de la gauche progressiste, tels que celui de l’organisation trotskiste américaine « Socialist Equality Party » et de ses membres, celui du parti ouvrier britannique « Socialist Workers Party » et de sa branche « Socialist Worker’s Student Society » et celui de tous ses membres, celui de l’éditeur du « World Socialist Web Site », ainsi que celui d’une une organisation syndicaliste de chauffeurs de bus britannique.
Le « World Socialist Web Site » protesta à nouveau. Citation : « Il doit y avoir une réponse unanime par toutes les organisations de gauche contre ce type de censure. Une atteinte à un est une atteinte à tous ». C’est tellement vrai.
Le partisanisme est loin d’être une particularité des groupes militants, de gauche et de droite d’ailleurs. Il émane surtout du cadre feutré des institutions démocratiques.
Lors des élections américaines de mi-mandat, en 2018, le renouvellement des 435 sièges de la Chambre des Représentants, 35 des 100 sièges du Sénat, ainsi que 39 postes de gouverneurs, en renforcement de l’aile gauche du Parti démocrate, la Chambre des Représentants vit l’entrée de quatre nouvelles députées progressistes, femmes de couleur de moins de cinquante ans, appelées familièrement « The Squad », Alexandria Ocasio-Cortez de New York, Ilhan Omar du Minnesota, Ayanna Pressley du Massachusetts et Rashida Tlaib du Michigan.
Interrogé sur le podcast de la militante de gauche, Briahna Joy Gray, ancienne secrétaire de presse du malheureux candidat démocrate à la présidentielle, le sénateur Bernie Sanders, l’homme politique et activiste, Ralph Nader, dresse un portrait peu flatteur de la jeune gauche progressiste américaine.
Candidat à la présidentielle à quatre reprises, en 1996 et 2000 sous la bannière du Parti écologiste américain, en 2004 pour le Parti réformateur et en 2008 en tant qu’indépendant, précurseur des mouvements écologistes et avocat des droits des consommateurs depuis les années 1960, il s’adressa aux quatre heureuses élues en leur proposant ses services, notamment son expertise en politique et son immense réseau d’organisations militantes à travers les Etats-Unis. « Vous êtes sous une immense pression, (de la part du DNC ndlr) et vous manquez d’expérience. Je suis prêt à vous aider. »
Après avoir laissé quatorze messages à la députée new yorkaise, coqueluche des médias américains et européens, Alexandria Ocasio-Cortez et visité les bureaux des autres députées du « Squad », il attend toujours un retour.
Le changement viendra d’en bas diront certains.
En effet, il fallait l’intervention d’une horde incontrôlée de « nerds » et de « geeks » « nouvelle génération », ce mois de janvier 2021, pour défier l’establishment, « Wall Street » en l’occurrence, depuis leurs consoles de jeu, suscitant l’effroi des commentateurs boursiers des chaînes de télévision établies, réclamant soudainement davantage de régulation. Cela ne manque pas de sel.
La surveillance des activités boursières est confiée, depuis le Krach de 1929, à la « Securities and Exchange Commission » SEC, dont le premier Président fut l’ex ambassadeur et business man Joseph Patrick Kennedy, père du président du même nom, contrebandier de Whisky canadien pendant la période de prohibition et spéculateur boursier, dont les méthodes de trading peu orthodoxes, subséquemment interdites, furent précisément co-responsables de l’effondrement de la bourse, ce qui plante le décor.
Follow the money se sont dit les « geeks » et petits boursicoteurs, trouvant le temps, confinement COVID oblige, d’analyser les statistiques des transactions boursières des « hedge funds », acteurs principaux à « Wall Street », des fonds d’investissement dont le terme « hedge » décrit un investissement dont le risque de dépréciation est limité par une opération inverse, ce qui n’est presque jamais le cas, un comble.
La preuve ? Le fonds d’investissement « Melvin Capital » étant spécialisé dans les opérations de ventes à découvert, ce qui consiste en la vente de titres avec livraison dans le futur, dans l’espoir de pouvoir les racheter, avant la date de livraison, à un prix plus avantageux. Pas de « hedge » dans le sens littéral du terme donc, mais une pure spéculation.
Ce genre d’opération peut se faire d’un côté au marché à terme, où c’est une chambre de compensation qui veille au bon déroulement de la transaction, pas moyen de tricher, (Société Générale, Kerviel) ou de gré à gré ou il est possible de tricher, mais seulement pour certains.
En effet, les boursicoteurs se sont rendus compte que le fonds « Melvin Capital » avait vendu à découvert 140 % des actions existants de la société « GameStop ». En règle générale, pour ce genre de transaction, on fait appel à des investisseurs institutionnels qui détiennent les titres en question en les louant contre rétribution jusqu’à la date de rachat et livraison, coût de location qui réduit le profit.
« Melvin Capital » ne semble pas s’être encombré de ce genre de procédure, comptant sur l’inculture à la fois de la SEC et des petits investisseurs, ce qui était sans compter avec les « geeks ». Utilisant une plateforme genre « facebook » pour communiquer et une maison de courtage du nom de « Robin Hood », cela ne s’invente pas, pour acheter massivement des titres « GameStop », ils provoquèrent ce qu’on appelle dans le jargon boursier un « corner », déclenchant une hausse du titre de 2'500 % en l’espace de quelques semaines et une perte de valeur de 30% pour le « hedge fund « Melvin Capital », sauvé in extrémis par un autre « hedge fund », « Citadel » qui, depuis le 16 avril 2015, peut compter sur l’expertise précieuse de l’ancien Président de la Réserve Fédérale FED, Ben Bernanke, en tant que conseiller spécial.
Le défenseur des veuves et orphelins « Robin Hood » de son côté, cessa subitement d’accepter des ordres d’achat de titres « Gamestop » de la part des petits investisseurs. Le fait que « Citadel » détienne une participation dans le capital de « Robin Hood » est mentionné accessoirement.
Ceci pour le verrouillage du système et la convergence des intérêts. « There is a big club, but you ain’t in it » avait pour coutume de dire le défunt humoriste américain, George Carlin.
 
                 
             
            