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Billet de blog 1 février 2025

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Les 20 heures de TF1 et de France 2 : le silence des agneaux

Les mots sont des armes. Les silences aussi !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis le 6 janvier, Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, comparaît devant la justice à Paris aux côtés de Claude Guéant et Brice Hortefeux, tous deux anciens ministres de l’Intérieur, ainsi qu’Éric Woerth, ancien ministre du Budget. Leur procès doit se conclure le 10 avril.

D’autres prévenus sont également jugés, parmi lesquels l’avocat Thierry Herzog, l’intermédiaire Thierry Gaubert, amis intimes de Nicolas Sarkozy.

Ils sont poursuivis pour corruption, recel de détournements de fonds publics, financement illégal de campagne et association de malfaiteurs.

On parle bien d’un « pacte de corruption » au somme de l’État !

Mais une circonstance particulièrement aggravante entoure ce dossier : le pacte de corruption aurait accordé une immunité totale à un criminel condamné pour terrorisme, Abdallah Senoussi (c'est la contrepartie au financement de la campagne électorale de Sarkozy accordé par le dictateur libyen),  Responsable de l’explosion en vol d’un DC-10 de la compagnie française UTA — un attentat ayant causé la mort de 170 personnes, dont 54 Français —, Senoussi avait été condamné par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité par la justice française.

Chef des services secrets libyens et beau-frère de Mouammar Kadhafi, il était impliqué dans plusieurs actes terroristes majeurs. Des documents attestent de son rôle direct dans les attentats ayant visé un Boeing 747 de la Pan Am à Lockerbie, en Écosse (21 décembre 1988), et le DC-10 d’UTA au-dessus du désert du Ténéré, au Niger (19 septembre 1989). Ces attaques ont coûté la vie à 440 personnes.

Ce pacte de corruption, aux ramifications multiples, met en cause un président de la République et plusieurs de ses ministres les plus proches, ainsi que des intermédiaires aux profils sulfureux, libanais et libyens. C’est un système organisé, documenté, qui implique des liens troubles entre des membres du gouvernement français et des figures du crime international.

Or, en vertu de ses fonctions, le président de la République est censé garantir l’indépendance et le bon fonctionnement de la Justice, tandis que ses ministres sont chargés de faire respecter la loi. Pourtant, les faits évoqués suggèrent qu’il aurait pactisé avec un État identifié comme terroriste par la communauté internationale – et ce, pour des intérêts personnels.

Le conditionnel s’impose, car les prévenus bénéficient de la présomption d’innocence. Mais il est notoire que Nicolas Sarkozy n’est pas un innocent comme les autres : déjà condamné en première instance dans deux affaires, il a fait appel, mais n’a pu éviter une première condamnation à de la prison ferme.

Un « innocent » condamné.

Face à cette affaire d’État hors norme, impliquant des figures politiques de premier plan — tous adeptes d’un discours sécuritaire inflexible, proche de l’extrême droite dont ils reprennent les mots, les idées et les postures —, la couverture médiatique est étonnamment discrète.

Sur TF1 et France 2, Gilles Bouleau et Anne-Sophie Lapix, comme leurs rédactions respectives, font preuve d’une retenue troublante. Une prudence qui interroge. Qui inquiète.

Car depuis trois semaines, les témoignages entendus à l’audience sont accablants. Ce qui se joue ici dépasse un simple scandale : c’est tout un système politique qui est mis en cause, du sommet de l’État jusqu’à ses ramifications les plus profondes. C’est une pratique mafieuse du pouvoir qui révèle l’agonie d’une démocratie à bout de souffle.

Alors, que disent ces silences médiatiques, organisés et volontaires ? Deux des plus grandes chaînes d’information, dont les journaux télévisés touchent chaque soir près de 10 millions de Français, choisissent-elles de taire, pour la minimiser, l’ampleur de cette affaire ?

Ce n’est pas seulement la politique qui est malade. C’est la démocratie elle-même qui vacille. Et les médias dominants, par leur silence, en deviennent les complices actifs.

« Garde-toi des idoles, marche, danse, écris et lis, mais surtout garde la parole, sinon ce sera demain le silence des agneaux. » — Paul Virilio.

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