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Billet de blog 1 juillet 2014

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Garde à vue et mise en examen de Sarkozy : quel scandale ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le sort de Sarkozy, décidément, ne laisse personne indifférent : mis en examen après 15 heures de garde à vue ne va pas améliorer le climat, c’est le moins qu’on puisse dire.

Le clivage, pour ne pas dire la crispation, va dorénavant entrer dans sa phase paroxystique que certains vont encourager, attiser jusqu’à’ la rupture, comme une sorte de guerre civile qui aura le mérite, au moins, de masquer et d’éviter les questions de fond posées par le comportement clairement déviant, historiquement déviant de l’ex.

Deux types de réactions se font entendre :

Ceux pour qui « la justice doit suivre son cours jusqu’au bout, en toute indépendance » et qui réaffirment que « Nicolas Sarkozy est redevenu un justiciable comme les autres »

J’en suis !

Depuis longtemps !

Je ne suis pas le seul…

Beaucoup à droite, y compris à l’UMP, surtout à l’UMP, rejoignent ce « camp » par opportunisme et se font une joie de rappeler que « la justice doit faire son travail dans la sérénité », le commentaire est d’une sobriété émouvante, on imagine facilement les sous-entendus politiques, les intrigues et les calculs ne sont pas loin, on connait les ambitions qui motivent cette foi inattendue dans la justice, une « foi » n’est pas coutume…

Et les autres ?

Toujours les mêmes me direz-vous : une poignée d’irréductibles, de partisans, de fanatiques, des vassaux inféodés à leur Seigneur qui avaient tout misé sur le même canasson, ils (et elles) lui doivent leurs « carrières » ; ils ne tourneront pas casaque, en tout cas pas maintenant, c’est encore trop tôt, ils persistent dans une folle surenchère de soutiens qui est à la mesure de leurs soumissions et de leurs désespoirs, ils peuvent tout perdre !

« Les amis de Nicolas Sarkozy », ceux là même qui festoyaient et faisaient bombance une fois par mois depuis deux ans dans un restaurant Parisien sélect avec, au menu, en entrée : une nostalgie aux petits oignons cuits ; en plat principal : une fricassée froide d’éternel recours ; enfin, au dessert : des profiteroles aux Euros sur son lit de talbins frais. Un régal !

Que disent-ils ? que dit, par exemple, la sémillante Nadine Morano, la plus échevelée des Sarkozystes ?  c’est une caricature mais comme toute caricature digne de ce nom elle a le mérite de ne jamais s’embarrasser de nuances, elle est de ce fait encore plus lisible qu’un Guaino, c’est peu dire…Ecouter, non,  entendre Morano c’est entendre toute la Sarkozie d’un seul coup, c’est la voix de son maître si on veut bien rester attentif,  en avoir la patience, le courage…

Que dit-elle ?

Que la garde à vue est indigne de la fonction d’ancien Président de la République.

Que la garde à vue est une mesure vexatoire et infamante pour un tel homme ; elle ajoute, très en colère,  « volontairement infamante ».

Que la garde à vue est une mesure disproportionnée par rapport à la nature des faits.

Que la garde à vue est un complot.

Que Plus Sarkozy, le sauveur, l’homme providentiel, avance vers les Présidentielles de 2017 et plus il est chassé comme on chasse une vulgaire sorcière…

Qu’il n’y a pas de hasard, la manœuvre politique est tellement évidente.

Que les juges lui en veulent, le « mur des cons » en est la preuve.

Quant à la mise en examen elle est tout bonnement ILLÉGALE.

ACHARNEMENT ! HARCÈLEMENT ! 

Chacun de ses amis y va de sa petite touche personnelle pour dire la même chose, les variantes n’ont aucun intérêt si ce n’est d’éviter de rendre trop évidents les fameux « éléments de langage » si chers à la Sarkozie, on ne se refait pas.

La garde à vue serait donc un authentique scandale, quelque chose d’injuste, d’irrationnel, de fou ; sa mise en examen résulterait d'une manoeuvre politicienne inspirée par les cerveaux militants de deux syndicalistes, juges et femmes qui plus est, c'est dire si leur décision est suspecte ! c’est une offense faite au Roi, le procès en sorcellerie pour régicide n’est pas très loin…tel Robert-François Damiens, supplicié à mort en place de Grève en 1757, Sarkozy porte toutes les stigmates de la victime !

C'est d'autant plus incompréhensible que le dossier serait vide, totalement vide ; les deux juges ont tout inventé, elles sont même prises en flagrant délit d'incompétences, leur démarche est qualifiée d'illégale nous disent les avocats de l'ex...

Ce type de défense comporte une dimension psychanalytique assez intéressante, le délire de persécution, la théorie du complot et la « victimisation » s’apparentent à des symptômes qu’il n’est pas rare de trouver chez certains schizophrènes durement affectés.  

Ce n’est pas la première fois que nous assistons à de telles manipulations, la rhétorique est bien huilée, la technique est celle du contre pied, football oblige, ou du tête à queue contrôlé, bref il faut s’indigner sur la forme, sur le procédé mais ne rien dire sur le fond, surtout éviter d’aborder le vrai débat, celui qui est à l’origine, en l’occurrence, de la garde à vue de l’ex et de sa mise en examen.

La forme du flacon, sa couleur et l'emballage comptent plus que son contenu, c'est l'époque qui veut ça.

Mais la rhétorique ne suffit pas, il faut ajouter un certain nombre d’ingrédients : le culot, le cynisme, le mensonge, l'amnésie…je dois en oublier, vous me pardonnerez.

Les exemples pullulent, Copé, l’autre caricature de l’UMP, est passé maître dans l’art du contre-pied.

Après avoir magouillé tous les comptes de l’UMP pour dissimuler les dépassements abyssaux de la campagne présidentielle de Sarkozy, poussé à la démission par le scandale Bygmalion, il vient de déposer, non pas une mais deux propositions de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale pour renforcer la transparence financière de la campagne présidentielle et des partis politiques !  

Ça ne s’invente pas !

Revenons aux amis de Sarkozy, revenons à Morano :

La garde à vue est « ignoble » mais elle ne dit rien sur les motifs qui justifiaient de prendre une telle mesure :

  • Trafic d’influence,
  • Violation du secret de l’instruction,
  • Recel de violation du secret de l’instruction.

Pour ces infractions Sarkozy risque 5 ans de prison et 500 000 € d’amende (Art 433-2 du Code pénal)

En cas de corruption active (Art 433-1) auprès d'une personne dépositaire de l'autorité publique, la peine est doublée, 1000 000 €, 10 ans de prison...

La nature de la mise en examen révèle qu'aux yeux des juges Sarkozy était le maître d'oeuvre, l'inspirateur et l'instigateur des manigances qui impliquent deux magistrats de la Cour de cassation et son conseil.

N’oublions pas un argument que Nadine M la Maudite nous sert pourtant sur un plateau sans bien se rendre compte de ce qu’elle avance :  Nicolas Sarkozy était Président de la République ! incontestablement ! et plutôt que de lui servir d’excuse ou de paravent, c’est une circonstance clairement aggravante.

Oublions la Maudite Morano, revenons aux écoutes Bismuth-Herzog qui ont suscité tellement de critiques sur Taubira !

Plus sérieusement revenons au contenu de ces écoutes : dans une des bandes l’avocat de l’ex espère « que la justice n’appliquera pas correctement la loi si non… » si non il sera condamné, c’est certain, ça vient d’un connaisseur, Me Herzog est pénaliste, ça tombe bien !

Les commentaires  des amis de Sarkozy ne portent que sur la technique qui consiste à écouter à son insu un ex Président de la République converser avec son avocat : « c’est scandaleux », « c’est illégal », « c’est une honte », « c’est la Stasi »…rien sur l’aveu, rien sur le contenu, rien sur le trafic d’influence, rien sur la violation du secret de l’instruction, non, ce qui choque c’est le moyen utilisé par la justice pour la manifestation de la vérité : « indigne » s’offusquent-ils  !

En revanche personne  ne s’indigne que la Cour de cassation, la plus haute juridiction Française, soit perquisitionnée suite à ces révélations fracassantes, je n’ai pas entendu les amis de Sarkozy faire le moindre commentaire sur ce qui s’apparente à un authentique drame pour les magistrats de cette noble institution qui souffrent de compter deux brebis galeuses en leur sein.

Les pauvres, ils l’ignoraient…

Merci Sarko !

Même recette, même technique dans l’affaire Bettencourt : l’important n’est pas de savoir ce que contiennent  les bandes enregistrées par le majordome de la vieille dame, à l’insu de  François- Marie Banier et de Patrice de Maistre, ce qui est vital c’est d’empêcher coûte que coûte, par tous les moyens, que ces bandes soient utilisées par la justice ; le contenu ne pose pas de problème…

La question n’est pas de savoir si oui ou non il a reçu de l'argent liquide, l’enjeu est de savoir si oui ou non elle était en situation de faiblesse, cela s’est joué à…deux semaines près ! de l’argent et du financement de sa campagne il n’est plus question, on se bat à coup d’experts, de médecins, d’avocats, d’articles de droit…rien sur les valises bourrées à craquer de billets dont l'assistante parle en détail…

Vices de forme, vices de procédure, contestation systématique sur le protocole mais jamais rien sur le fond.

Ils ne disent rien non plus sur quelque chose de fondamental, fondamental pour vous, pour moi, pour les Français et pour la justice qui nous représente :

L’affaire Karachi, l’affaire Kadhafi, l’affaire Bettencourt, l’affaire Bygmalion, l'affaire Tapie, l’affaire des fadettes du Monde, toutes ces affaires parlent de la même chose : un gigantesque trafic d’argent, un énorme trafic d’influence au profit de l’ambition d’un seul homme depuis 20 ans, depuis 1995.

C’est d’ailleurs pour cette raison que les juges découvrent ici ou là, dans une affaire puis ensuite dans une autre, des papiers, des documents et des enregistrements qui convergent vers le même homme, autour du même « système » avec la même mécanique car tout est lié, en fait c'est la même affaire !

Entendre un ex Président de la République (et ses principaux ministres) critiquer et dénigrer la justice de son pays et ses principales institutions devrait conduire le Conseil Constitutionnel à se saisir du problème, Sarkozy en est membre, qu'il le veuille ou non, à ce titre il a des comptes à rendre, me semble-t-il, je ne parle même pas de l'exemplarité due à son rang, c'est un mot dont il ignore jusqu'à l'existence.

Quand la justice fera les comptes de toutes ces affaires cela m’étonnerait qu’on évalue les dépassements à 18 millions d’euros seulement comme on à l’air de le dire aujourd’hui pour la seule campagne de 2012.

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