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Billet de blog 1 octobre 2024

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Dette publique : faites entrer l’accusé !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis trois semaines, les médias mainstream préparent les esprits à un prochain matraquage fiscal en se faisant les porte-paroles zélés de Michel Barnier pour qui la situation qu’il découvre (sic) est « extrêmement grave ».

Personne ne s’interroge sur les causes précises et factuelles de ce déficit : curieusement la politique économique, fiscale et sociale d’Emmanuel Macron est la grande absente des débats animés par des économistes peu scrupuleux, Dominique Seux, François Lenglet et Pascal Perri pour ne citer que les plus bavards.

Rappelons tout de même à ces « spécialistes » que l’économie est fortement impactée par les décisions de ceux qui nous gouvernent, surtout en France ; rappelons-leur également qu’Emmanuel Macron a été ministre des Finances deux ans et quatre jours, entre le 26 août 2014 et le 30 août 2016, et qu’il est ce président omnipotent de la République qui gouverne la France sans partage depuis plus de sept ans.

Il est grandement temps de rendre à Jupiter ce qui appartient à César.

Fiat lux.

Faites entrer l’accusé !

L’augmentation de la dette publique est souvent justifiée par les crises récentes : « Gilets jaunes », covid-19 et inflation, entraînant des dépenses exceptionnelles. Les « Gilets jaunes » résultent avant tout de décisions fiscales, telles que la hausse de la taxe carbone (doublée en 2017 par rapport à 2015) et des mesures affectant le pouvoir d’achat, notamment l'augmentation de 1,8 point de la CSG en 2017, qui a nui aux retraités.

En 2023, le déficit budgétaire a dépassé les prévisions, causé par une croissance surestimée et une augmentation des dépenses courantes de 29 milliards d’euros, malgré un objectif de déficit fixé à 4,9 %. Cette situation compromet les engagements de la France de ramener le déficit sous 3 % d'ici à 2027, en partie à cause des hypothèses économiques fragiles dès 2022, fragiles et habituellement volontairement trompeuses.

En 2024, le déficit des comptes sociaux, prévu à 10,6 milliards d’euros, atteindra finalement 17 milliards, dû à une détérioration des recettes, amplifiée par la surestimation de la croissance économique.

Encore une fois, l’optimisme le dispute à la malhonnêteté. Avec un intermédiaire lui aussi zélé, l’omission ou la rétention d’informations, comme on a pu le constater face à Charles de Courson et Éric Coquerel venus demander les lettres-plafonds à Le Maire et à Barnier qui ont décidé de fermer la porte à double tour.

Les politiques budgétaires, en réponse à ces crises, n’ont pas amélioré la situation : de 2017 à 2024, le chômage en France a baissé de 9,2 % à 7,4 %, mais la zone euro a fait nettement mieux, passant de 8,7 % à 6,5 %. Pendant ce temps, le ratio dette publique/PIB français est passé de 97 % à 112 %, creusant l’écart avec la zone euro (90 %). L’endettement devrait atteindre 80 milliards d’euros en 2027.

Les économistes suggèrent que la France a privilégié des dépenses considérées « saines », mais qui ne génèrent pas assez de croissance. Par exemple, les exonérations de cotisations pour les compléments de salaire, estimées à 87 milliards d’euros, ne sont compensées qu’à 35 %. De plus, l'augmentation de l’épargne (15 % à 18 %) a contribué à une sur épargne de 240 milliards d’euros, représentant plus d’un quart de l’augmentation de la dette publique de 800 milliards sur six ans.

Enfin, l'emprunt européen Next Generation EU de 750 milliards d’euros est défavorable à la France, qui contribuera à hauteur de 40 milliards, mais ne recevra que la moitié de cette somme pour ses entreprises, contrairement à l'Italie et l'Espagne. La France doit réaliser 20 milliards d’économies en 2024 et 25 milliards en 2025 pour respecter ses engagements budgétaires, un défi difficile à atteindre. Le déficit structurel élevé (plus de 3 % du PIB) et la hausse des taux d'intérêt exigent 50 à 80 milliards d’économies d'ici à 2027 pour maintenir la dette publique sous contrôle.

  1. Mouvement des « Gilets jaunes » :
  • « Comptons tout d’abord parmi elles la forte augmentation des prix de l’essence et du fioul pour tous les Français (y compris ceux ayant des revenus faibles et devant se déplacer en voiture en raison de l’absence de moyens de transport en province), due à un relèvement très important de la taxe carbone (taux doublé en 2017 par rapport à 2015) à un moment où le prix du baril de pétrole est remonté. Au legs de Ségolène Royal d’une bombe à retardement s’est ajoutée la décision de son successeur (Nicolas Hulot) de relever un barème qui venait d’être augmenté… »
Impact de la réforme de la taxe d’habitation et de la CSG :
  • « Comptons ensuite le mouvement brownien de suppression de la taxe d’habitation, d’allègement de certaines cotisations sociales supportées par les salariés et d’augmentation de 1,8 point de la contribution sociale généralisée (CSG), qui s’est traduit par une augmentation du pouvoir d’achat des salariés au détriment des retraités… »
Augmentation des dépenses publiques sous le quinquennat Macron :
  • « Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu par certains, la politique budgétaire menée pour traverser les deux crises (Covid et inflation) n’a pas amélioré notre situation ; elle l’a même détériorée. En effet, l’écart entre notre taux de chômage et celui de la zone euro s’est accru, passant de 0,5 à 0,9 point, et l’écart entre notre taux d’endettement et celui de la zone euro a augmenté de 12 points de PIB. »
Suppression de l’ISF, taxe d’habitation et autres allègements fiscaux :
  • « Si une part de cette augmentation [de la dette publique] résulte de la suppression de la taxe d’habitation, de celle de l’ISF, de l’allègement de l’imposition des revenus du capital, de la réduction de l’impôt sur les sociétés et d’un allègement des impôts de production, elle est surtout la conséquence d’un considérable accroissement des dépenses publiques. »
La politique de soutien à la demande :
  • « L’augmentation du déficit du commerce extérieur et du stock d’épargne montre qu’on a principalement assisté, en réalité, à une politique de soutien de la demande des ménages : suppression de la taxe d’habitation et de la redevance télé, de l’impôt sur la fortune (ISF), prélèvement forfaitaire sur les revenus financiers, indexation des retraites et des traitements des fonctionnaires, recrutement de 60 000 fonctionnaires supplémentaires, primes défiscalisées et exonérées des cotisations sociales, exonération des heures supplémentaires… »

Ces éléments démontrent d’une façon factuelle et indubitable la responsabilité de la politique fiscale et économique menée sous Emmanuel Macron et ses gouvernements, notamment en ce qui concerne les réformes fiscales, les dépenses publiques et la gestion des crises récentes.

Ce billet s’est très largement inspiré du remarquable travail d’analyse de Patrick Careil, inspecteur général des Finances, ancien directeur de la Législation fiscale, banquier, haut fonctionnaire, qui nous pardonnera cet emprunt : nous avons essayé de résumer son analyse en essayant de rester fidèles à ses dires, quitte à reprendre l’essentiel de son verbatim.

Merci à lui.

Quoi qu'il en soit, chacun peut mesurer l’écart abyssal qui le sépare de ces bonimenteurs inféodés et autres vendeurs de soupe que nous citions auxquels on peut ajouter, sans hésiter, Marc Touati et l’inénarrable Nicolas Bouzou.

Accusé, levez-vous !

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