Après la déroute électorale de dimanche et la nomination de Valls le lendemain, la désillusion gagne du terrain et s'étend désormais au delà du PS, les Verts claquent la porte, Henri Emmanuelli menace...de nombreux parlementaires socialistes commencent à afficher ce qui s'apparente à un début de révolte, il n'y a que Raffarin pour se réjouir.
"A peine nommé, déjà critiqué" titrait Yves Calvi hier soir, Catherine Nay tentait de nous expliquer qu'après tout l'énergie de Valls, son sens de la communication, son autorité naturelle militent pour lui, pour Hollande et contre Ayrault.
On s'en cogne !
Le problème n'est pas là, l'enjeu c'est le contenu, le projet, les perspectives politiques, les solutions concrètes à mettre rapidemment en oeuvre, pas la forme du discours ou la couleur de sa veste, on s'en moque !
Si on veut comprendre pourquoi Valls est le pire choix, la plus grande erreur de casting qui soit il faut mesurer le parcours de Hollande entre son élection aux primaires socialistes qui a précédé celle de Mai 20012 et la gigantesque claque de dimanche, remonter à son discours du Bourget en Janvier 2012, à l'espoir qu'il avait suscité, à son programme, ses propositions ; l'opposition radicale à la personne et au style de Sarkozy avait de quoi séduire, pourquoi s'en priver ?
Si Hollande est l'anti Sarkozy, si Ayrault est l'égal de Hollande, le répliquant confortable de l'homme "normal", que devient Valls, l'anti Ayrault ? Un anti Hollande ou un Sarkozy bis ? Catherine Nay serait-elle nostalgique ?
A force de zigzaguer et de construire, j'allais dire de répliquer, un modèle politique basé sur le mensonge et le flou, sans vision, sans ambition, Hollande va définitivement désespérer son camp sans disposer de solution de rechange immédiate. Hollande est opportuniste, trivialement opportuniste, il veut peut être remodeler le paysage politique Français autour d'un nouveau parti radical socialiste dans lequel Bayrou et Valls seraient les stratèges.
Il les a.
En effet la recomposition passe par une phase de décomposition, l'odeur déjà nous renseigne sur la nature de la tambouille.
L'arithmétique parlementaire peut nous aider à anticiper, la notion de "dosage" n'est pas incompatible avec celle de "cuisine".
La majorité actuelle dispose de 290 députés pour faire avaler la pilule, il suffirait qu'un seul fasse défaut, un "dépressif" ou un honnête homme (Emmanuelli ?), pour que tout l'édifice s'écroule piteusement, la valse de Valls.
On m'objectera que "les hommes sont les hommes" (les femmes aussi) c'est à dire très attachés au pouvoir, aux prérogatives du pouvoir, aux lustres du pouvoir, aux éclats du pouvoir...c'est vrai, jusqu'à un certain point.
Quand on sait qu'on va perdre, quand on sait qu'on a déjà perdu, quand on ne peut plus faire semblant d'y croire encore, arrive un moment ou on peut préférer la défaite électorale collective et volontaire à une bérézina morale.
Transformer un échec inéluctable en projet politique.
Quitte à tout perdre autant que ce soit dans l'honneur. Personne n'est ni ne sera dupe, "honneur"...un bien grand mot !
La désillusion peut conduire à la dissolution pour plusieurs raisons :
- Le quinquennat va paralyser le candidat Hollande à partir de 2016, il n'est pas certain de faire partie de la shortlist en 2017, Le Pen est là et bien là...il ne prendra pas le risque de se Jospiniser, tout va donc se jouer dans l'année qui vient, après "c'est trop tard"...Dissolution !
- Si Valls n'obtient pas de résultat probant d'ici à 12 ou 18 mois, au plus tard à la fin 2015, Hollande saura qu'il ne peut plus rien faire si ce n'est d'appliquer la théorie de la patate chaude en demandant à la droite de se "mouiller", en espérant qu'elle sombre à son tour dans les difficultés d'une crise morbide, d'autant plus morbide que la France tarde à sortir de l'ornière par rapport à ses voisins européens...Dissolution !
- Les parlementaires de la majorité risquent d'avoir des crises de foi, sincères, justifiées ou opportunistes, face à un Valls dont les marges de manœuvres sont très réduites...l'Europe de Barroso s'ajoute aux sceptiques...Dissolution !
- Hollande est opportuniste, calculateur et jamais résigné, il n'abandonnera pas le combat, recherchera toutes les solutions possibles y compris les moins avouables pour sauver sa peau et avoir celle de l'opposition : dissoudre en Juin 2016 serait trop "gros", il sera tenté de le faire avant, le temps de redorer son blason, le temps de compromettre Copé ou Fillon ou...au fait qui accepterait d'être le Premier Ministre de Hollande ? ils ne vont pas se battre mais Copé est assez arrogant pour accepter le piège...Dissolution !
- Une dissolution qui interviendrait vers la fin 2015 pour "manque de résutat" aurait l'immense mérite aux yeux de Hollande de flinguer durablement Valls ! l'écarterait de la course à la Présidentielle de 2017 ! Dissolution !
La dissolution parlementaire est une forme de suicide contrôlé : "Beaucoup plus facile d'admettre le suicide de quelques-uns que l'obstination de la majorité à vivre" écrivait le regretté Jean-Claude Brisville.
DISSOLUTION !!!!!
Les exemples de dissolutions sont là, même si le contexte n'a rien à voir :
- de Gaulle en 62 et en 68.
- Mitterrand en 81 et en 88.
- Chirac en 97.
5 dissolutions en 35 ans, entre 1962 et 1997, 1 tous les 7 ans sur la période ou 1 tous les 10 ans jusqu'à aujourd'hui...la dernière remonte a 17 ans...
Souvenez-vous de ce que disait Michel Debré, le "père" de la Constitution actuelle :
« Est-il besoin d'insister sur ce que représente la dissolution ? Elle est l'instrument de la stabilité gouvernementale. Elle peut être la récompense d'un gouvernement qui paraît avoir réussi, la sanction d'un gouvernement qui paraît avoir échoué. Elle permet entre le chef de l'État et la nation un bref dialogue qui peut régler un conflit ou faire entendre la voix du peuple à une heure décisive »
Alors "Récompense" ou "sanction" ?
Ou "sanction" en espérant "récompense" ?
En tout cas c'est une arme, Hollande est un guerrier et Valls un détail.