Qu’il est difficile de vivre sereinement dans cette société. L’âme en paix. Sans rien avoir à se reprocher.
Une société si dure, si injuste, si violente, et qui semble accumuler les tensions, les agressions et les outrages comme d’autres collectionnent les porte-clefs.
Les femmes sont les plus exposées, en tant que fille, en tant qu’épouse, en tant que mère…en tant que femme !
Comment s’épanouir parmi le genre humain quand on sait qu’elles ont été ignorées, méprisées, défigurées, violées, battues ou tuées comme des chiens galeux dont ils ne savent plus comment s’en débarrasser.
Elles sont de trop, comme toi, mon ami, comme toi, mon frère, comme moi, mais ce sont des femmes, elles devront donc en payer le prix.
Jusqu’à la mort.
Beaucoup de larmes, trop de souffrances endurées.
Quand elles sont belles, ce sont des salopes. Inaccessibles !
Quand elles sont moins belles, ce sont des putes. Trop faciles !
Le QI du prédateur est comparable à celui d’un verrat en rut. Précisons, tout de même, que le verrat ne parviendra à ses fins avec la femelle que lorsque cette dernière y sera disposée…c’est ce qui différencie l’homme du verrat qui, pour cette raison, pourrait lui servir de modèle.
Les femmes seraient condamnées à vivre sous la menace d’un regard qui en dit trop, qui déshabille, sous la menace d’une main qui prend, en fait, qui vole sans attendre autre chose que le silence qui vaut consentement, à les entendre.
Les lâches n’assument rien. Ils mentent.
Ces viols ne ciblent pas que les corps, la violence a de multiples visages, les cris sont étouffés, les blessures de l’âme restent tragiquement discrètes, trop longtemps muettes.
C'est une guerre totale qui s'éternise.
Ce qui est en cause, c’est la force, la contrainte, le pouvoir, les menaces, la peur du scandale, c’est l’expression d’une domination qui ne supporte pas l’attente et qui refuse l’hésitation.
Et ne connaît pas les nuances.
Ne reconnaît pas le désir.
Ignore tout de l’amour.
Une femme qui hésite à dire non dit oui.
Une femme qui ne dit pas non dit oui.
Une femme qui a peur, dit oui.
Une conclusion s’impose : quelles que soient les circonstances, les femmes disent oui.
Alors, forcément, au bureau, par exemple, une femme dont l’essentiel est de dire « oui » aux hommes avec qui elle travaille, dit oui aussi au reste.
N’y a-t-il pas une différence, pourtant, entre une femme qui te prend la main, qui tend ses lèvres vers les tiennes, qui te sourit, qui se rapproche tout doucement de toi et ces femmes qui ne bougent pas, qui restent figées, pétrifiées et qui se taisent en prenant conscience qu’un piège odieux est en train de se refermer sur elle ? Pas moi, non, pas moi, ce n'est pas possible ! Le temps de se poser la question, le mâle saute sur sa proie, le mal est fait !
Ils ne font pas la différence, font semblant de ne pas comprendre, rien ne compte plus que cette pulsion dominatrice et animale qu’il faut assouvir coûte que coûte et qui transforme cette femme en objet. Sexuel, mais pas seulement sexuel, cette femme, sa vie, son enfance, son adolescence, son histoire, sa famille lui appartiennent.
Là, maintenant, sur le coin du bureau, moins de trois minutes pour tout prendre, tout souiller, tout casser.
Il est rassasié, elle est dévastée. Il ne fait pas la différence…alors, c’est ça l’amour, monsieur ?
Comment cela est-il arrivé ?
Par un regard trop appuyé ?
Par des plaisanteries potaches répétées ?
Par des sous-entendus salaces ? Des questions déplacées ?
Par une accumulation de frustrations si typiquement machistes ?
Par habitude, peut-être...
Cette société a sacralisé le « Besoin » en menant une guerre acharnée au sentiment de frustration, c’est un modèle économique et politique. Tout y passe, les femmes aussi.
Cette société a été pensée et faite par des hommes, pour les hommes, il faut relire Rousseau dans Émile ou de l’Éducation, il explique clairement les limites qu'il met à l'éducation des femmes qui doivent rester à la place qui est la leur, celle d'épouse et de mère. Une femme se doit de consacrer l’essentiel de son temps « non par abstraction l’esprit de l’homme en général, mais l’esprit des hommes qui l’entourent, l’esprit des hommes auxquels elle est assujettie, soit par la loi, soit par l’opinion. »
Rousseau, oui, Rousseau !
Nous sommes au XVIIIe, c’était hier…
J’ai une certitude, je ne pourrais pas vivre sans les femmes, sans les respecter, sans les écouter, sans les attendre, sans les accompagner et, surtout, sans les aimer. Toutes, sans exception.
Les aimer, c’est accepter le droit inaliénable et en toutes circonstances qu’elles ont de choisir entre le « oui » et le « non ».
Sans le « non », le « oui » n’existerait pas.
Si elles ne sont pas libres, nous sommes tous en prison. Y compris l’amour ! Quel non-sens !
Je n’ai pas peur du « non » parce que c’est le « oui » qui nous engage, elle et moi. Et c’est probablement une des plus belles aventures qui soient. Mes enfants en témoignent.
Quand tous les peuples seront rassasiés
je n’aurai plus faim
Quand l’eau douce sera à la portée de tous
je n’aurai plus soif
Quand tous les enfants iront à l’école
et ne seront ni esclaves ni guerriers
je serai scolarisé
Quand la femme ne sera ni asservie ni battue ni violée
alors je serai civilisé
Quand les Terriens se feront la guerre avec des fleurs
de toutes les couleurs
ce jour-là j’enterrerai le Malheur
De Kamal Zerdoumi, 2021
Je vous embrasse, les filles, vous pouvez compter sur moi, vos combats sont mes combats, un jour, je vous le jure, nous serons civilisés…