Médecins, nutritionnistes, diététiciens, influenceurs et charlatans sont unanimes : l’ail est La plante potagère (vivace monocotylédone) la plus vertueuse qui soit.
Très riche en allicine et adénosine, l’ail est l’ennemi numéro 1 du cholestérol et des triglycérides et lutte très efficacement contre les sinistres plaques d’athérome dans les artères coronaires à l’origine de la plupart des infarctus du myocarde.
Adieu les maladies cardiovasculaires !
Adieu les angines de poitrine !
Ah, quel beau bulbe !
Ses composés soufrés soulagent les douleurs chroniques liées, par exemple, à l’arthrite. Par contre, ils sont sans effet sur la connerie, ce qui ne m'empêche pas d'en parler, preuve d'un éclectisme de bon aloi, je tiens à le souligner.
Inutiles de lister tous les bienfaits de l’ail, trop nombreux, le bulbe et les gousses jouissent (!) d’une excellente réputation depuis des millénaires.
Surtout les gousses parce qu'elles sont nombreuses, quand on aime on ne compte pas !
Sus aux gousses ! s'exclamait joyeusement le preux chevalier du haut de sa monture en lui fouettant la croupe avec concupiscence. Cervantès n'est pas loin. Sancha Panzo non plus.
Pour les plus superstitieux d’entre nous, pour celles et ceux qui se sentent menacés par le Malin, possédés par le Démon, sournoisement attaqués par Belzébuth, on attribue à l’ail des propriétés étonnantes contre le diable. Contre le « mauvais œil ».
Un sujet particulièrement sensible chez moi, j'aurais pu éviter bien des tourments.
Je m’en veux de ne pas en avoir bouffé des kilos lorsque j’étais plus jeune.
Résultat de ma connerie, je reçois des pubs pour des couches-culottes qui ne se voient pas. Pour des escaliers mécaniques simples à installer et pas chers. Pour des assurances obsèques, car il faut penser à ses enfants. Pour des pompes orthopédiques confortables et esthétiques. J’ai même reçu une pub pour des plantes médicinales qui agissent sur la vasodilatation des vaisseaux sanguins dans le cas où je souffrirais d’impuissance… C'est dit avec une franchise déconcertante, ils parlent de troubles de l’érection, ces connards.
Ma grand-mère a une part de responsabilité dans cette affaire, elle mettait de l’ail partout, dans tous les plats, dans toutes les salades, dans toutes les sauces, à midi et le soir à dîner ; je l’ai même vu ajouter de l’ail dans ses yogourts !
Son haleine était irrespirable, on pouvait deviner les pièces dans lesquelles elle était passée la veille rien qu’à l’odeur !
J’ai fini par avoir des soupçons à la mort de mon grand-père parti à soixante-cinq ans : l’aurait-elle forcé à boire une décoction d’ail hyper concentré mélangée à de l’oignon et des orties bouillies, deux autres stars d’une alimentation soi-disant saine ?
J’avais treize ou quatorze ans, je commençais à manifester une curiosité prononcée pour Bénédicte, pour Sophie et Carole : si j’avais suivi les traces de ma grand-mère adorée, d'une part, j'aurais dû me contenter de la sensation éphémère d'un poignet secourable sur un laps de temps beaucoup trop long à mon goût, d'autre part, je serais probablement curé à l’heure actuelle, onanisme et foi entretiennent des relations toujours passionnelles, souvent coupables.
Quel curé aurais-je été, un bon ou un mauvais curé ? Cette question me hante, encore aujourd’hui.
Mon Dieu !
Par exemple, prenons l’abbé Pierre qui est mort à quatre-vingt-quinze ans : doit-il sa longévité exceptionnelle aux gousses d’ail ? Seulement aux gousses d’ail ?
J'ai un peu de mal à le croire.
La question est plus complexe qu’il n’y paraît le concernant : si jamais ses biographes (qui se font de plus en plus rares) confirment qu’il ingurgitait des kilos d’ail, comment expliquer alors qu’il était possédé par le démon du sexe, des femmes en particulier, sans leur demander leur autorisation ?
Il avait le feu à la soutane, l'abbé : je veux comprendre pourquoi et quel a été le rôle exact de l’ail dans ce phénomène d’embrasement criminel de sa robe de burnes bure.
C’est très mystérieux, il y a là une contradiction qui m’intrigue au plus haut point.
Être ou ne pas être curé revient à s’interroger sincèrement et honnêtement sur l’ail, ses bienfaits et sur le sens de la vie ; il en va d’ailleurs de l’ail comme du sport dont on vente les mérites pour la santé physique et mentale : il suffirait de bouffer de l’ail matin, midi et soir, entre deux séances de fitness, trois footings, mille mètres en brasse coulée et cinquante soulevés de terre pour que le monde ail aille mieux ?
No me lo puedo creer.
La crédulité a des limites, les promesses n'engagent que ceux qui y croient.
Du coup, la notion de plante vertueuse et, au-delà, la notion même de vertu sont sujettes à caution : faut-il croire à tous ces miracles ?
C’est vrai pour l’ail, pour le sport, pour la religion, c’est vrai aussi pour la politique, évidemment !
Je tiens cette lucidité froide et rigoureuse de la philosophie, d'Emmanuel Kant en particulier, qui affirmait « On mesure l'intelligence d'un individu à la quantité d'incertitudes qu'il est capable de supporter ».
Si je dois croire Manu Kant, de con, je passerais à génie, or, je dégueule d'incertitudes, j'ai des doutes plein la panse…
Nous sommes manipulés au point que quand un sujet attire sur lui les projecteurs de l’actualité médiatique, il faut avoir le réflexe de prendre ses distances, la connerie envahissante n'est jamais très loin… Par exemple, en ce moment, les médias sont en boucle sur Bernard Cazeneuve, c'est un signe qui ne trompe pas.
À propos de politique : quelqu’un peut-il me dire ici si Emmanuel Macron pue l’ail à plein nez ?
Parce que s’il s’avère qu’effectivement, il bouffe beaucoup d’ail, cela ruinerait l’espérance de vie de la démocratie, il y aurait comme une espèce d'incongruité, j'ai du mal à entrevoir le miracle chez ce fringuant « monsieur » qui me fait trop penser à Lucien de Rubempré : Brigitte se serait-elle affranchie des vapeurs d'ail et de soufre qui le suivent comme une ombre menaçante et entêtée ?
I don't think so.
Depuis sept ans, elle refoule du goulot, sa démocratie, elle pue du bec, elle a une haleine de coyote, non ?
Alors, ail ou pas ail ?
« Avec un saucisson à l’ail, on se sent moins seul » expliquait candidement, bien trop naïvement, en tout cas imprudemment, Paul Claudel, moi, je veux bien, mais avec Macron, j’ai mes limites… à l’ail ou sec, ça fait quand même très mal.
On me pardonnera cette longue digression, pourtant d'une incontestable profondeur, mais un constat d'une logique étourdissante s'impose au bon sens : rien ne ressemble plus à une gousse d'ail surévaluée qu'Emmanuel Macron.