Marie-Antoinette, dite Marinette pour les intimes, ma grand-mère adorée, avait eu le béguin pour Michel Barnier, coprésident du comité d'organisation des Jeux d'Albertville de 1992, avec Jean-Claude Killy, le triple médaillé olympique des jeux d’hiver de Grenoble de 1968.
Marinette nous a quittés en 1998.
Du haut de ses cent dix-neuf ans (elle était née en 1905) je suis certain que là où elle se trouve, elle est heureuse de la nomination de son amoureux et que, si elle le pouvait, elle remercierait chaudement Emmanuel Macron de l’avoir désigné pour assurer la charge de Premier ministre.
J’en parlais avec mes enfants, Victoria, âgée de trente-huit ans, Margaux née en 1994 et Louis qui vient de fêter ses vingt-cinq ans, fin août, mais je me suis abstenu d’aborder le sujet avec Paul, leur frère américain, qui vit depuis près d’un quart de siècle aux É.-U., j’anticipe sa réaction : « Who is this guy, dad ? » : c’est exactement la même question que m’ont posé ses sœurs et son petit frère « Mais c’est qui, ce type, papa ? », décidément, ils se ressemblent, mes chéris.
Nathalie, ma femme, et moi nous souvenons encore assez bien de Michel Barnier, de Jean-Claude Killy et des jeux d’Albertville, je me rappelle même que mon père roulait dans une DS 21 Pallas à cette époque : ma femme a soixante-quatre ans, j’en ai soixante-dix, l’âge nous avantage, évidemment, mais nous avons toutes les peines du monde quand même à leur proposer une synthèse éclairée et compréhensible du curriculum vitae et du parcours politique de cet homme âgé de soixante-treize ans.
Question de générations.
Barnier avait voté contre la dépénélisation de l'homosexualté, un projet de loi déposé par Robert Badinter et Gisèle Halimi en décembre 1981, c'est bien la preuve que c'est une question de génération, non ?
Je leur ai finalement expliqué qu’après avoir nommé le plus jeune Premier ministre – Gabriel Attal a trente-cinq ans – le président a voulu compenser… quelque chose… en nommant à ce poste le plus vieux Premier ministre de la cinquième République.
C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes : c’est en ces termes chaleureux et plein d’optimisme qu’Alexis Kohler a accueilli Michel Barnier à midi, sur le perron du Palais avant son rendez-vous avec Emmanuel Macron.
Il paraît que c’est Kohler qui est allé à la manœuvre pour Barnier.
Je ne vais pas faire la soupe à la grimace lui a répondu le nouveau Premier avec un sens de l’à-propos et une pointe d’humour qui en dit long sur la plasticité cérébrale et psychologique de Michel Barnier, on imagine que cela a dû compter pour son recrutement.
- Surtout, mon Mimi, tu ne touches pas à ma réforme des retraites, c’est ma ligne rouge, tient à lui rappeler le président de la République.
- Promis, juré, Emmanuel, si je mens, je vais en enfer.
- De toi à moi, heureusement qu’on a le Rassemblement national et qu’on peut compter sur eux, Marine Le Pen me l’a encore certifié ce matin ! s’enthousiasme le président.
- Oui, le front républicain a été un peu injuste avec eux, confirme Mimi Barnier, la mine faussement affligée.
Il faut se souvenir que Michel Barnier est natif de La Tronche, en Isère, et qu’il a été ministre délégué aux Affaires européennes dans le gouvernement Balladur avant de faire les frais, en 1997, de la dissolution de l’Assemblée nationale.
Voilà, tout s’explique…
C’est du solide, mes enfants !
Mes pitchounes éclatent tous de rire, Paul ajoute « This guy is a chicken, dad » qu’il est inutile de traduire.
Mais oui, Paul, tu as raison, Macron a mis du temps pour trouver son « chicken » !
N’oublions pas que selon un proverbe français « La poule ne doit jamais chanter avant le coq ».
Tout cela est d’une cohérence folle !