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Billet de blog 5 déc. 2022

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Les bases du langage animal …

D'après Milan Kundera, le véritable test moral de l'humanité, ce sont les relations qu'elle entretient avec les animaux, voilà pourquoi il est vital de repenser intégralement nos relations avec eux, c'est un enjeu politique majeur.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Aussi loin que remonte ma mémoire, j’ai toujours eu des chiens.

Petit à petit, je me suis constitué une grille de lecture et d’interprétation du langage corporel canin, une sorte de « mode d’emploi » – expression totalement inappropriée, on ne parle pas ici d’une machine ou d’un appareil, mais qui a le mérite au moins d’être explicite – qui s’enrichit avec le temps au fur et à mesure des liens affectifs très forts qui se sont tissés avec mes toutous, je n’hésite pas à parler de complicité ; l’amour et la confiance sont le ciment de cette relation exceptionnelle qu’il faut savoir entretenir avec patience, avec tendresse. Mes enfants, comme moi, ont baigné dans ce flot d'amour depuis leur naissance.

Même chose avec les chats, sur un autre registre avec d’autres codes, j’ai du mal à comprendre ceux qui comparent les uns avec les autres, ce sont leurs différences que j’aime comprendre. J’adore mes chats.

Idem pour les poules qui savent, elles aussi, exprimer une envie, un besoin, une peur ou un malaise.

Quand cette communication entre l’animal et l’humain devient une connivence, avec quelques automatismes, des rites, on atteint une espèce de félicité à nulle autre comparable, un regard suffit, un geste suffit.

Il m’est souvent arrivé d’anticiper, eux aussi, nous nous comprenons par signes infiniment discrets, un changement d’intonation, un geste plus rapide, une hésitation …eux ne se trompent jamais, ils ont une grille d’interprétation très fine, très opérationnelle, très précise et ultra rapide que l’on peut confondre avec l’intuition. Mais très très proche de l’intuition !

Un partage, des échanges.

Beaucoup d'émotions réciproques. Quel cadeau quand on y pense !

Jamais de déception, sauf quand ils partent, ces animaux ont une durée de vie beaucoup trop courte par rapport à ce qu’ils nous donnent, s’ils savaient …

Comme beaucoup d’enfants, j’ai eu des poissons rouges, Toto et Cléo …une tortue, un lapin …j’étais trop jeune pour profiter de leurs enseignements, mais je les aimais plus que tout, je me souviens des poissons qui venaient au bord de l’aquarium, à la surface de l’eau, pour manger dès que je revenais de l’école.

Premier très gros chagrin quand Toto est parti …

Plus tard, après l’adolescence, je me suis senti attiré par la forêt, j’y allais très tôt le matin, en été, à l’aube, vers 5 heures, seule au milieu d’une multitude de bestioles que j’entendais sans jamais les voir ; même chose le soir, au crépuscule quand chevreuils et sangliers savent qu’ils ne croiseront pas la route d’un fusil.

J’ai vite compris ce qu’il fallait faire et surtout ne pas faire pour les voir, pour les observer, les entendre, agenouillé derrière un arbuste, tapi dans l’ombre, immobile, la respiration contrôlée, frissonnant de curiosité ; en prenant soin de me positionner à contre-courant du vent pour éviter, bien sûr, qu’ils me reniflent.

Il y a une bonne trentaine d’années, j’ai été récompensé : j’ai vu une biche brouter les feuilles d’un arbre …elle s’est rapprochée de moi, petit à petit, sans me voir, sans me sentir, elle était là, à un mètre de moi ! Je me suis littéralement statufié !

J’ai vu sa langue qui m’a fait penser à celle d’une girafe, j’ai entendu sa mastication, j’ai vu son poil court, roux, magnifique, j’ai senti son odeur, son pelage fumait. J’avais les larmes aux yeux, encore aujourd’hui, le simple fait d’en parler …

J’ai pu observer, chose assez rare, plusieurs renards, il n’y a pas plus craintif et plus prudent qu’un renard qui passe son temps à écouter, s’arrêter, observer, renifler, redémarrer après s’être assuré qu’il peut continuer sa balade ou sa chasse, tranquillement, sans gêneur.  Les chats partagent avec les renards cette extrême prudence, des animaux en alerte permanente.

Mes armes : une paire de jumelles photosensibles, beaucoup de patience et l'expérience acquise au fil du temps.

Au cours d’une de ces balades, j’ai recueilli une petite chouette blessée, tombée de son nid, au pied d’un arbre : elle a claqué de son petit bec pour me prévenir qu’elle n’allait pas se rendre sans combattre, elle tenait à peine dans ma main recouverte d’un mouchoir pour ne pas laisser d’empreintes olfactives ou chimiques. Je l’ai amené dans un centre spécialisé qui a réussi à la remettre sur pieds (?) pour ensuite la relâcher, il y a des gens qui font ce merveilleux boulot à Rambouillet, notamment à la Bergerie Nationale, je suis allé la voir pendant un mois, semaine après semaine.

Un soir, à la nuit tombée, sans m’y attendre, pour la première fois de ma vie, j’ai croisé la route d’un blaireau …c’est assez gros un blaireau …il n’a pas eu peur, il m’a regardé d’un œil assez indifférent, sûr de lui. Rencontre très rare avec cet animal qui subit un véritable carnage de la part des agriculteurs et surtout des chasseurs, rien ne justifie un tel acharnement, rien !

Quand on me parle d’animaux nuisibles, je pense à l’homme, prioritairement.

Je ne fais pas partie de ceux qui vont emmerder les cerfs en période de brame, je comprends qu’on veuille écouter ce cri rauque plein de violence et de désir, mais je sais que ces animaux ont besoin de solitude, surtout à cette époque de l’année et que les regards indiscrets des voyeurs les dérangent au plus haut point, à chacun son territoire !

Par contre, j’ai déjà observé des cerfs, par hasard …hors période de brame …spectacle unique ! Il n’y a pas plus beau, dans nos forêts, enfin tout est beau, mais le cerf est spécialement beau, énorme, vif, incroyablement intelligent sur son territoire, il sait où aller pour rester seul. Respectons ce besoin de solitude puisqu’il le demande !

Je vis en zone rurale, pas loin de Roanne, dans la Loire, quand je vais faire du sport, je m’arrête assez souvent au bord de la route pour observer cette vache et son petit, pour observer cette jument avec son poulain. Tellement d'amour et de gestes délicats !

De semaine en semaine, je les vois grandir, se muscler, mais la maman n’est jamais très loin, discrètement attentive, prête à intervenir ; la vache avec sa lenteur, sa nonchalance et sa lourdeur, la jument avec son pas alerte, délié, les oreilles en batterie, l’œil vigilant, la tête haute si tout va bien.

Ces animaux ne me laissent jamais indifférent, il suffit de prendre le temps de les observer, sauvages ou domestiques, ils sont porteurs de vies, d’une sensibilité et d’une intelligence que j’entends respecter jusque dans leur intimité y compris familiale, oui familiale, la vache avec son veau, la jument avec son poulain, la laie avec ses marcassins.

Nous nous situons entre les Monts de la Madeleine et les Monts du Lyonnais, nous sommes à 470 mètres d’altitude : on voit passer des éperviers, des buses, des faucons, on les entend aussi …parfois on les surprend en train de chasser, sauvage et beau !

A Paris ou à Lyon, on entend les oiseaux et les pigeons tousser.

Se dire que ce que l’on aime chez nos chiens et chez nos chats correspond en tout point à ce que l’on pourrait découvrir et aimer chez le cheval, chez la vache, chez la poule, mais aussi chez tous les animaux qui peuplent la planète et sans lesquels il sera impossible de survivre.

Je croise un gros camion bétaillère, je vois dépasser la tête des vaches …j’imagine les veaux, demain, à leurs places.

Que vont-ils subir comme atrocités ? Ils auront peur, j’en suis certain, ils auront mal …j’ai mal !

Hier, dimanche, j’ai entendu des coups de feu …un chevreuil ? Un sanglier ? Un pauvre blaireau qui passait par là ?

Tu vas planter tes dents carnassières dans les flancs de ce petit veau ?

Tu vas croquer le cuissot de ce chevreuil qui n’a pas pu, pas su échapper à ses assassins ? Rouge ou à point ? Saignant ! va pour saignant, alors !

Les viandards aiment le goût et la vue du sang.

Mais tu es qui, misérable petit avorton, qui prétend diriger le monde et imposer ta violence, tes frustrations, ta haine et ton appétit insatiable et archaïque pour la mort ?

Quand j’avale un bon hachis parmentier végétarien, en plus de me délecter, j’ai le sentiment d’être un peu plus utile, la viande me fait maintenant horreur.

Et si ces salauds s’en prenaient à mes chiens ? J’ai déjà vu (une fois) des chasseurs tuer un chat … je vous épargne les détails, c’est un spectacle que je ne suis pas près d’oublier …les chats sont des prédateurs naturels, c’est pourquoi les chasseurs entrent en concurrence avec eux, la mort infligée aux autres leur appartient, ils demandent l’exclusivité !

« La vraie bonté de l'homme ne peut se manifester en toute pureté et en toute liberté qu'à l'égard de ceux qui ne représentent aucune force. Le véritable test moral de l'humanité, ce sont les relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux. » de Milan Kundera déjà cité dans un autre billet, mais qui dit tout sur la race humaine peuplée par le plus dangereux prédateurs sur terre.

Et, comme le dit un proverbe africain :

« Aussi longtemps que les lions n’auront pas leur historien, les récits de chasse tourneront toujours à l’avantage des chasseurs ».

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