Entre le discours de Grenoble du 30 Juillet 2010 et l’interview du 2 Juillet 2014, en 4 ans jour pour jour, Nicolas Sarkozy a réussit à détruire tout ce qu’il avait construit en 35 ans de vie politique.
Son élection à la tête de l’état en Mai 2007 couronnait avec brillo une carrière déjà longue commencée médiatiquement en 1983 quand il devint Maire de Neuilly, à l’âge de 28 ans, en écartant in extremis le redoutable Charles Pasqua et son réseau Corse.
Pour les plus jeunes il faut se souvenir qu’Achille Peretti, autre Corse, Maire emblématique de Neuilly, vient de mourir subitement d’une crise cardiaque, Pasqua allait le remplacer, Sarkozy devait l’aider à préparer une élection qui était acquise voire donnée.
On connait la suite…
L’efficacité et le cynisme l’emportaient sur la méthode, la réussite effacerait l’outrage, on oublierait vite la trahison et les promesses faites à ce « terrible Monsieur Pasqua »…déjà !
« Etre jeune gaulliste, c’est être révolutionnaire » avait-il prévenu…on retrouve là les accents de sa campagne de 2007, une campagne « sans tabou », « sans interdit »…Sarkozy prévient car il sait qu’il va transgresser, tout transgresser, c’est plus fort que lui mais il en a conscience, alors il prévient.
Sarkozy est son pire ennemi, c’est pour cette raison qu’il anticipe la réaction de ses amis, de son camp, il sait qu’il va choquer, il tente donc de mithridatiser son entourage à son délicieux poison : lui-même.
Poison mortel !
Devenu Président de la République à 52 ans, au premier « essai », il avait atteint son apogée grâce à des qualités personnelles indiscutables, d’autres que lui s’en seraient contentés mais chez cet homme jamais apaisé, à l’appétit jamais rassasié, le précipice n’est jamais très loin du sommet, la mort rode et le guette, gourmande et excitée à la fois par ce tempérament de feu, le candidat idéal en fait.
Son caractère, sa personnalité, sa vie peut être le poussent à s’agiter frénétiquement jusqu’au point de rupture, jusqu’à la chute, après des courses folles faites de zigzags qu’il ne contrôle pas, la politique de l’action lui tient lieu de programme, il en veut toujours plus, il improvise en permanence.
Le mouvement s'autogénère et s'entretient.
Dans la vallée, à 25 ans ça passe mais arrivé au sommet c’est beaucoup plus périlleux, on connait le refrain « plus dure sera la chute » ; il a 60 ans, les raideurs se déplacent, elles sont là, la crispation aussi, évidemment.
Sa boulimie, ou sa gloutonnerie, n’a pas de limite, c’est son drame, elle est plurielle, elle est multipolaire, les symptômes comme les domaines d’applications sont nombreux : boulimie de pouvoirs, boulimie de reconnaissance, boulimie d’argent, boulimie de femmes, boulimie d’actions…
L’homme est maladivement insatiable, sa frustration remonte à son enfance et à son adolescence, il court après ses blessures qui n’ont jamais pu cicatriser.
Nicolas Sarkozy a eu le parcours le plus brillant qu’un homme politique puisse rêver d’avoir, il aura la fin la plus morbide qui soit, c’est son équation psychologique.
Brillant jusqu’en 2007, morbide depuis 2010, la chute est en train de s’accélérer, il ne va pas tarder à toucher le fond, c’est inéluctable et irréversible.
Il laisse un parti totalement ruiné, une droite déchirée, un espace politique totalement dévasté, centre, centre droit, républicains, gaullistes, nouvelle droite, droite forte, droite décomplexée, chrétiens-démocrates, libéraux…il pensait qu’il suffisait de démultiplier les droites pour en faire un vaste mouvement de reconstruction nationale, une sorte de fourre-tout idéologique dans lequel chacun trouverait son compte, y compris les Le Penistes, c’est tout le contraire qui s’est passé, qui est en train de se passer : l’implosion, l’écroulement, le trou noir qui absorbe tout.
Les conflits, les luttes intestines, les trahisons, les revirements, les cris, la haine, la peur viennent accompagner cette déliquescence qui ne fait que commencer…
Plus le système va s’effondrer sur lui-même (les affaires) et plus sa garde rapprochée va durcir le ton, plus fanatisée que jamais, la surenchère est leur survie, l’unique manière de continuer d’exister, de durer encore et encore. La mort fait peur.
Plus la fin va se rapprocher de lui, plus la stratégie de l’échec va l’envahir, le submerger et plus il va se débattre frénétiquement, désespérément, il n'a pas de limite, il n'y a rien de rationnel dans ce mécanisme, c'est ce que les commentateurs professionnels ne veulent pas voir ni comprendre, ils ont trop besoin de "rationalité" pour exercer leur noble métier.
La tragédie de Sarkozy est là : il sait depuis 40 ans que son aventure devait mal finir, très mal finir…c’est pour cette raison qu’il a essayé de conjurer "le mauvais sort", par tous les moyens, c'est ce qui explique toutes ses casseroles.
A un détail près : il est et reste son pire ennemi.