Incroyable !
Récompensé au concours général en Grec ancien et en latin, Normalien, agrégé de lettres classiques - ENS 1967 - diplômé de Sciences-Po - IEP Paris 1968 - ancien élève de l'ENA -1970-1972- Juppé a la panoplie complète du grand commis de l'Etat.
Bon partout, excellent même.
Il intégrera l'Inspection Générale des Finances -1972-1976, le nec plus ultra - noble institution réservée aux meilleurs avant de répondre aux avances de Chirac en 1977.
Ministre de ceci, ministre de cela, Premier Ministre, sa réputation d'économiste rigoureux n'est plus à faire.
Patatras !
Le 6 octobre 2016, vers 21h30, cette belle mécanique commence à gripper sous la pression des questions d'un David Pujadas souriant et pourtant bien disposé, sous la pression technique d'un François Lenglet qui n'en revient pas et qui lui lance des "mais Monsieur Juppé...mais Monsieur Juppé" pour aider le candidat à la primaire de la droite à reprendre sa respiration, son souffle et ses idées.
En vain.
Puis arrive Léa Salamé et l'invité surprise, Jérôme Kerviel...
Patatras !
Les hésitations se transforment en déroute.
Léa Salamé insiste pour lui expliquer que les baisses d'impôts réservées aux revenus les plus élevés ne garantissent pas une rédistribution automatique vers les plus pauvres : "c'est toute ma stratégie qui repose sur cela, Madame".
Pathétique et totalement inconsistant. Incroyable légéreté.
Léa Salamé ne peut pas s'empêcher de le pousser dans ses retranchements, il finit par s'énerver, bien conscient que sa stratégie repose sur une hypothèse qui ne s'est jamais vérifiée, ni ici en France, ni aux USA, nulle part, jamais.
Coincé par des chômeurs qui lui expliquent qu'ils n'y sont pour rien, à la grande surprise de Pujadas il finit par lacher du leste, la dégréssivité des indemnisations chômage dépendra du succès de son plan, c'est à dire de l'hypothétique redistribution des richesses dont il fait la pierre angulaire du redressement économique.
L'ISF disparaîtra, cela devrait permettre de "faire rentrer de l'argent frais dans les caisses de l'Etat", curieuse logique intellectuelle qui consiste à dire que l'ISF ne sert à rien, qu'il ne rapporte rien et d'affirmer dans le même temps que sa suppression va résoudre l'impossible équation économique Française.
La fuite des capitaux, l'évasion fiscale ? il répond par la Suisse...sa maîtrise des délocalisations fiscales semble dater des années 2000, passons !
Mais le plus beau arrive lorsque Jérôme lui demande si la finance est son ennemi en faisant référence à qui vous savez. "Oui" répond Juppé qui précise que les Banques sont maintenant strictement encadrées et doivent disposer de fonds propres en quantité suffisante. Jérôme poursuit son idée et l'intérroge sur le shadow banking, une technique juridique et fiscale, parfaitement légale, qui permet - notamment - à des banques d'échapper aux "ratios prudentiels" dont vient de parler Juppé...pas de dépôts à gérer donc pas de contrôle, des opérations "hors bilan", c'est ce que veut expliquer J.K à l'inspecteur des finances Juppé.
70 000 milliards de dollars, plus de 30 % du système financier mondial en 2008, on s'approche aujourd'hui des 50 %. Quand on sait que la défaillance d'une seule banque peut entrainer, en cascade, la chute de toutes les banques mondiales comme on peut le craindre, en ce moment même, avec la Deutsch Bank pour beaucoup, pour beaucoup beaucoup moins...
Et là...patatras !
"Je dois vous avouer que je ne connais pas ces activités" quelque chose comme cela..."je ne suis pas un spécialiste de ces questions comme Monsieur Kerviel"
Derrière le compliment une vacherie.
Peut-on raisonnablement prétendre aux plus hautes fonctions de l'Etat et déclarer publiquement qu'on ignore tout d'un système financier qui menace tout l'édifice économique mondial ? c'est un risque connu de tout le monde, il suffit de cliquer sur "shadow" comme le fait mon fils qui a 15 ans !
Je n'ai jamais vu un homme politique se discréditer de cette façon, aussi spontanément, aussi profondément.
Et qu'on ne vienne pas nous dire que c'est le moins mauvais des candidats de la droite...
Pas un pour relever les autres.
Et dire que l'un d'entre eux a de réelles chances de devenir...
Je vais me coucher.