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Billet de blog 10 juillet 2014

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Allégorie de la simulation.

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La toile de Lorenzo Lippi réalisée vers 1640 nous montre une femme, d'ailleurs ravissante, tenant dans sa main droite un masque et dans sa main gauche une grenade ouverte.

Le masque est l'emblème du théâtre et de l'imitation, il symbolise aussi le mensonge, la simulation ou la dissimulation ; c'est l'outils rêvé de tous ceux qui ambitionnent de commettre des vols, des abus, l'outils des criminels ou des usurpateurs ; c'est aussi un ustensile indispensable à tous ces névrosés dont la sexualité ne peut pas s'exprimer au "grand jour", la peur d'être reconnu, la peur du voisin...la peur de soi-même, en fait.

La grenade ouverte, ou dégoupillée si on se laisse impressionner par l'ambiance militariste du défilé du 14 Juillet qui s'annonce, représente une entité bien précise, cohérente, constituée de milliers de petits grains, nous ; c'est un fruit bourré de vitamines et d'énergie qui pourrait récompenser l'effort ou combler un déficit. La grenade ressemble à la démocratie dans sa rondeur, dans son unité apparente. 

Apparente car le problème de la grenade est que tant que vous ne l'avez pas ouverte vous ne pouvez pas savoir l'état réel de ce qu'elle contient, souvent elle est pourrie. Pourrie de l'intérieur !

Le visage de cette femme dessiné il y a bientôt 5 siècles peut correspondre aux canons (encore !) actuels de la beauté, je lui trouve une certaine modernité. Il y a quelque chose de déterminé et d’interrogatif à la fois dans son regard, une certaine gravité, elle semble nous interpeller, silencieusement, discrètement...délicieusement en ce qui me concerne.

Et fort opportunément !

Si le peintre utilise le masque et la grenade dans le même espace ce n'est pas un hasard, il fait dire à la belle quelque chose qui s'adresse à nous directement.

J’interprète son message en Juillet 2014, avec le prisme qui est le mien et du coup je le reçois 5/5, il devient clair, limpide, lumineux et tellement explicite, cette toile nous rappelle une évidence, ou plutôt des évidences, plein d'évidences...elle nous pousse à les faire remonter à la surface, à ne pas se laisser entraîner au fond, comme aspirer par la fange avec le jus immonde qui l'accompagne.

La politique, telle qu'on nous l'impose, est une fausse sceptique.

Je relisais Montaigne dans ses Essais III, en marge de la toile de Lippi qui les illustre à merveille, en voici un extrait :

"La plupart de nos vacations*[*fonctions, occupations] sont farcesques*[*dignes de la comédie]. « Mundus universus exercet histrionam »*  [*« Le monde entier joue la comédie » (Pétrone, écrivain satirique latin)]. Il faut jouer dûment notre rôle, mais comme rôle d’un personnage emprunté. Du masque et de l’apparence il ne faut pas faire une essence réelle, ni de l’étranger le propre*[*ni faire de ce qui nous est étranger ce qui nous appartient en propre]. Nous ne savons pas distinguer la peau de la chemise. C’est assez de s’enfariner*[*se maquiller] le visage, sans s’enfariner la poitrine*[*le coeur]. J’en vois qui se transforment et se transsubstantient*[*terme religieux qui désigne la transformation du pain et du vin en corps et sang du Christ ; Montaigne veut dire ici que certains changent totalement leur être en un autre] en autant de nouvelles figures et de nouveaux êtres qu’ils entreprennent de charges ; et qui se prélatent*[*se prélassent, prennent une attitude satisfaite] jusqu’au foie et aux intestins et entretiennent leur office*[*ils gardent l’attitude voulue par leur fonction] jusqu’en leur garde-robe*[*pièce où l’on se change]....Ils enflent et grossissent leur âme et leur discours naturel à la hauteur de leur siège magistral. Le maire et Montaigne ont toujours été deux, d’une séparation bien claire. Pour être avocat et financier, il n’en faut pas méconnaître la fourbe*[*la fourberie] qu’il y a en telles vocation. Un honnête homme n’est pas comptable du vice ou sottise de son métier, et ne doit pourtant en refuser l’exercice ; c’est l’usage de son pays, et il y a du profit. Il faut vivre du monde et s’en prévaloir tel qu’on le trouve. Mais le jugement d’un empereur doit être au-dessus de son empire, et le voir et considérer comme accident étranger ; et lui, doit savoir jouir de soi à part et se communiquer comme Jacques et Pierre, au moins à soi-même."

Prenons un peu d'altitude et ne nous laissons pas dissoudre dans le pot de chambre de la politicus circus, les hommes qui nous gouvernent ont une diarrhée qui ne va pas se soigner spontanément.

Demandez à Nicolas ce qu'il en pense...à lui et à d'autres. 

Comme le disait Guy Bedos dans un de ses sketchs "je me soigne, docteur, je me soigne".

P.S : Michel de Montaigne fut Maire de Bordeaux mais cela n'a strictement rien à voir avec l'objet de ce petit billet, "toute ressemblance" serait une malheureuse coïncidence ou une sorte d'illusion comique, mais rien de plus, vraiment rien...

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