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Billet de blog 11 juillet 2014

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Le journalisme en question.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Christophe Barbier, Directeur de la Rédaction de l’Express, habitué des plateaux de l’émission « C dans l’air » sur France 5, intervenant régulier à Sud Radio et au « Grand Journal » de Canal +, donc parfaitement entraîné à commenter l’actualité au jour le jour,  quasiment en temps réel, « à chaud », recevait ce matin Eric Woerth sur I Télé : pas une seule question, pas un mot, aucune allusion, rien sur les nombreuses affaires dans lesquelles le nom de l’ancien ministre du budget et ancien ministre du travail de Sarkozy est régulièrement cité, affaires dans lesquelles il est soit impliqué, soit mis en examen, soit auditionné sous le régime du témoin assisté ; rien sur l’abattement fiscal de 50 millions € octroyé à Tapie en 2009 dans le cadre de l’arbitrage Adidas ; rien sur l’abus de faiblesse dans l’affaire Bettencourt ; rien sur le trafic d’influence à propos de Patrice de Maistre à qui Woerth a remis la Légion d’honneur pour avoir fait embaucher sa femme, Florence Woerth, par et au service de la riche héritière de l’Oréal ; rien sur l’hippodrome de Compiègne malgré les témoignages très récents de Bruno Le Maire et de Hervé Gaymard  comme l’explique Michel Deléan ce matin http://www.mediapart.fr/journal/france/100714/hippodrome-de-compiegne-deux-ex-ministres-contredisent-eric-woerth

Le 27 mai, Christophe Delay qui officie quotidiennement sur BFMTV refuse purement et simplement de faire et de commenter sa revue de presse comme il le fait habituellement tous les matins : « Dois-je commenter ces Unes ? » puis « Pour le reste de la presse, pour vous dire les choses, je n’ai pas eu envie de la commenter ce matin » et termine par ces mots « Pour le reste de la presse, je me demande si je dois la commenter ce matin, je ne suis pas certain »  

Agacé, irrité, il affiche sa désapprobation face aux Unes de ses confrères, à 3 reprises, à 6h20, à 7h20 puis à 8h20.

Pas de revue de presse donc ce jour là, sa détermination est totale, son intransigeance est à la hauteur de sa colère qui durera toute la matinée.

Quel est le motif de son agacement ? contre quoi, contre qui est-il à ce point en colère ? de quoi se sont rendus coupables ses confrères ?

La réponse est simple : ce matin là, dans une belle unanimité, la presse couvre l’affaire Bygmalion et explique en détail les pistes qui commencent à faire état d’une double comptabilité, Sarkozy aurait utilisé pour sa campagne plus du double de ce qui lui était légalement alloué…

Les exemples de ces prises de positions très marquées, de ce type de journalisme, de ce genre de journalistes se multiplient, car il n’y a pas de journalisme sans journalistes  : Jean-Pierre Elkabbach pour Europe 1, sur Tf1, qui tend des ficelles plus grosses que lui à Sarkozy au lendemain de sa garde à vue : curieuse pratique en vérité, on entend des journalistes remercier un homme politique pour une interview que ce dernier, mis en difficulté, à sollicité et obtenu en moins de 24 heures ! Il reçoit ces journalistes, qui plus est, chez lui, dans ses bureaux, n'empêche, c'est lui qui est remercié, le monde à l'envers ! Le flagrant délit de servilité s’accommode parfaitement d'une courtoisie frénétique autant qu'injustifiée, c'est l'exercice qui veut ça, la loi du genre.

Les questions que posent Elkabbach à Sarkozy sont d’authentiques modèles du genre, jugez-en par vous-même :

Comment vous réagissez au principe et à la longueur de la garde à vue. Elle a été exceptionnelle : 15-16 heures avec les policiers. Vous étiez sans avocat. Quelle est votre réaction ?

Donc il faut bien expliquer aux Français qu’il y a eu d’abord les 16 heures avec les policiers, et à partir d’une heure, deux heures du matin, pendant deux heures, une interrogation par deux juges…

Est-ce que vous pensez que les chefs d’accusation contre vous étaient déjà anticipés ? Qu’elles [les juges] avaient décidé avant de vous voir ?

Elkabbach est au sommet de son art…je vous épargne les autres questions, toutes dans la même veine, il arrive même à interrompre Gilles Bouleau qui tente de faire correctement son métier, lui.

D’autres exemples encore comme ce pauvre Laurent Delahousse qui interroge Sarkozy, encore Président, pas encore candidat, avec  ce livre délicatement posé sur la table, bien en évidence, une autobiographie sur Georges Mandel écrite par…Sarkozy ! quelle coïncidence ! avec ce titre plein d’humilité qui va si bien à l’ex, « Le moine de la politique »…quel bonne élève, appliqué, gentils, ce Delahousse est un exemple pour les élèves de 1e  année à l'EFJ…ses questions avaient la même saveur, la même odeur, elles sentaient le pet des lèche-culs.

Il est inutile de dresser la liste de ces journalistes qui pourraient facilement se recycler partout là ou le cirage de pompes est à la mode : Catherine Nay qui s’étrangle dès qu’un de ses confrères ose énumérer les affaires qui collent à la peau de Sarkozy « je vous fais remarquer qu’il n’a jamais été condamné » entendu dans « C dans l’air » sur France 5, il y a une dizaine de jours ; ou encore cette dérive journalistique incroyable qui transforme en « affaire Taubira » l’affaire Sarkozy dont les écoutes (des aveux) révèlent mieux qu’aucun discours le cynisme, la corruption, le trafic d’influence…une sorte d'hallucination collective ; passons sous silence tous ces « spécialistes » qui passent plus de temps à commenter le droit qu’à s’interroger sur les pratiques mafieuses de ceux qui nous gouvernent, apparemment la forme les concerne plus que le fond, sans aucune compétence juridique ils répètent bêtement, pour la plupart, ce que les avocats de Sarkozy ahanent dans leurs arrières cuisines.

Nous sommes à une époque ou l’information va très vite, internet, les smartphones n’ont pas terminé de redistribuer les cartes entre les acteurs, tout le monde peut devenir « photographe d’un jour » ou "journaliste d’un soir", avec ou sans talent ; la concurrence fait rage entre titres racoleurs, presse écrite, nationale ou régionale, presse audiovisuelle, presse numérique, presse participative et numérique, suivez mon regard…c'est à celui qui va dénicher le scoop le plus glauque dans une surenchère sans limite, la "course" est impitoyable, les morts sont nombreux. 

Avec Elkabbach la recomposition du « paysage audiovisuel » va s’accélérer en commençant, bien sûr, par une inévitable et odorante décomposition.

Pendant cette délicate période de transition il suffit de se boucher le nez.

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