A chaque fois que j'entends parler de la fuite des cerveaux je me pose la même question : mais de quoi parle-t-on exactement ?
De tous ces jeunes gens à la tête bien fourrée, frais émoulus de telle ou telle école de commerce, petite ou grande, en quête d'un job qui à Londres, qui à Dubaï, qui a Pékin, à Singapour ou à Moscou (prononcez "Moscaao") ?
Ou bien, pire encore, d'une maladie qui attaquerait le cerveau malade d'un certain nombre de nos con-citoyens célèbres ? des hommes politiques, par exemple ? une fuite de matière grise, de neurones, d’intelligence, une pandémie de connerie, de malhonnêteté ?
Car si la presse en parle c'est que l'affaire est sérieuse, à n'en pas douter, si non pourquoi tant d'inquiétude ? pourquoi autant d'articles, d'émissions de télévision, de Unes ?
Que les jeunes souhaitent s'expatrier pour trouver un emploi descent me semble d'une extrême banalité : après 5 ans d'études, parfaitement bilingue, se retrouver réceptionniste de nuit dans un hôtel glauque au bord de la nationale 20 n'est pas franchement emballant...en plus avec un CDD.
Ou le Pôle Emploi, au choix...
Pas grisant.
C'est ce qui avait motivé les premiers mouvements estudiantins en Grèce il y a quelques années, les "1000 €".
Que les jeunes aillent autre part pour vivre (et rêver) plutôt que survivre péniblement au milieu d'un troupeau de Lepenistes bêlant ne mérite pas autant de curiosité, pas autant de commentaires, c'est tellement évident ; d'ailleurs qu'ils soient formés ou pas l’émigration est la réponse qui s'impose à tous et partout, ça ne date pas d'hier : quand on s'en va de quelque part c'est pour atterrir autre part dans de meilleurs conditions ! même quand on se sait pas où aller pour trouver un job, il suffit de connaître l'enfer pour se motiver à partir ; sauf à se tirer une balle dans la tête, ce qui arrive quand on ne parvient plus à se nourrir et à nourrir ses enfants...les jeunes cerveaux s'en vont, d'autres arrivent...on est toujours le pauvre de quelqu'un, demandez aux Italiens ce qu'ils en pensent ; à ceci près que quand les vagues d'immigrants arrivent sur les côtes Italiennes on s'offusque, on crie au scandale, on dénonce l'envahisseur, on veut repenser les accords de Schengen ; mais quand se sont nos "propres" enfants qui s'en vont de l'autre côté de la Manche on trouve cela normale, logique, humain...on accepte d'un côté, résigné et triste, de l'autre côté on se Lepenise.
La City de Londres l'emporte sur les plages de Lampedusa sans se rendre compte que le mécanisme est le même, on assiste au même phénomène : l'herbe est plus verte...quelque part ! Après c'est une question de nuances.
On préfère les cerveaux fourrés à la graine de maïs et aux équations à plusieurs inconnues (c'est la moins qu'on puisse dire), pas les cerveaux secs, maigres, ceux là sentent mauvais...
Une conclusion s'impose : la fuite des cerveaux concernent essentiellement la déficit d'intelligence qui appauvrit la classe politique ; surtout depuis 2007, la trivialité des "casse-toi pauvre con", la violence des attaques "au Karcher", le défi physique d'un "Descends un peu pour voir", les affaires de pognon, les détournements de fonds tiennent lieu de programme politique.
Les Balkany, les Copé, les Morano, les Gueant, les Hortefeux...les Cahuzac aussi, un ministre du budget qui donne des leçons de civisme fiscal en planquant 600 000 €, faut le faire !
Vous vous souvenez des Demoiselles de Rochefort "Et si je suis condamné, je me fais réélire" et "si je fais de la tolle nous serons réelus"...une folle surenchère de cynisme...dis-moi combien tu as détourné et je te dirai qui va t'élire...et où tu as des chances de l'emporter : Levallois ? Chantilly ? Meaux ? on a l'embarras du choix.
L'amnésie aussi : "moi antisémite mais vous plaisantez, jamais, vous interprétez mes propos d'une façon insidieuse" "Durafour-crématoire est un détail, comme la Shoah est un détail de l'histoire"...ou "ma campagne électorale s'est déroulée dans le plus strict respect des lois"...Tu as raison, Nico, tu peux continuer à nous prendre pour des cons tant qu'il y aura des cons pour te croire.
C'est incroyable de voir à quel point ces hommes et ces femmes sont capables de se renier du tout au tout ; même pris en flagrant délit avec les plumes qui dépassent du bec, ils vous jurent que "non, c'est faux, je n'ai jamais dit cela, vous sortez une phrase du contexte...", les journalistes sont des cons , parfois c'est vrai...souvenez-vous de l'affaire Taubira à la place de l'affaire Sarkozy.
La parole, les mots, les idées n'ont plus aucune espèce de consistance ni de valeur, le verbe est tué si tôt qu'il est prononcé et enregistré ; il vous rend potentiellement coupable car il vous expose, le mot, le verbe sont devenus des ennemis !
Et tout cela se passe devant nous, sous nos yeux à une époque ou on dispose de tous les moyens et de toutes les technologies les plus sophistiquées pour vous tracer partout et tout le temps avec un degré de précision et de fiabilité que personne n'envisageait il y a 30 ans.
Mais on s'en fout !
Souvenons-nous des indignations successives de Copé, ses surenchères de "ce n'est plus supportable" et appelons Nietzsche à la rescousse « Nul ne ment autant qu’un homme indigné ».
Il n'est pas le seul.
Les cerveaux sont malades car les hommes politiques ont tué tout ce qui nous différenciait de la bête : les mots, le langage, la parole, la pensée, la mémoire.
Alors oui, la robinetterie fuit, le cerveau fuit.
Et puisque plus rien ne nous sépare de la bête alors on se comporte comme des animaux et on se met à voter pour les Le Pen. Il parait même que nous pourrions choisir entre la fille et le père...embarrassante alternative.
Car en vérité mes cher(e)s ami(e)s qu'il soit cochon ou qu'il soit laie le porc grouine toujours deux fois.
Et si vous le laisser entrer ne vous étonnez pas de l'odeur : c'est la vôtre !