La semaine dernière, je me suis rendu à Varengeville-sur-Mer, sur la côte d'Albâtre, en Seine-Maritime, près de Dieppe.
C’est là que je passais une bonne partie de mes vacances d’été. Mes grands-parents possédaient une magnifique maison surplombant la plage de Vasterival.
Les membres de la famille, les cousins, la mer à marée basse, la pêche à l’épuisette — ou « booktou » — pour débusquer la crevette rose quand le soleil darde ses timides rayons... La crevette rose apprécie la lumière, mais se cache derrière les aspérités des rochers.
La crevette grise, elle, est plus facile à pêcher sur le sable. C’est moins intéressant.
Je me souviens de nos balades en fin d’après-midi. Nous allions au phare d’Ailly à pied ou à bicyclette, avec mes sœurs.
Mes grands-parents reposent désormais au cimetière marin de Varengeville, ainsi qu’une de mes tantes et quelques vieux cousins.
Avant de repartir vers Roanne, je décide de me rendre sur la tombe de mes grands-parents. Je ne peux imaginer quitter Varengeville sans passer par le cimetière ; je l’aurais probablement regretté.
Personne ce jour-là… à l’exception d’un homme.
Emmanuel Macron ! En chair et en os !
Frappé de stupeur, je m’arrête net : Emmanuel Macron est en train de nettoyer la tombe de mes grands-parents ! Je n’en crois pas mes yeux.
Il porte un bleu de travail, des bottes et des gants, mais pas de chapeau. Je reconnais sa coiffure étrange : des cheveux soigneusement peignés vers le front, avec cette petite mèche qui rebique sur la droite.
Pas très grand : un mètre soixante-dix, soixante-quinze au maximum, avec des yeux bleu délavé et un sourire triste scotché sur les lèvres. Plutôt mince.
— Vous êtes… euh… vous êtes bien Emmanuel Macron ?
— Je suis désolé de vous décevoir, monsieur, mais je ne suis pas le président de la République élu démocratiquement en 2017 avec 66,10 % des voix et réélu en 2022 avec 58,55 %. Les apparences sont trompeuses…
Je suis encore plus stupéfait : je reconnais sa voix et ses intonations. Il semble sur ses gardes, déjà un peu agacé. Et ces chiffres qu’il rappelle, cette insistance sur « élu démocratiquement » … comme si je contestais ses élections.
— Je ne vous ai rien reproché, moi !
— Non, monsieur, mais je suis habitué à ce que l’on me fasse constamment des reproches, alors j’anticipe. C’est humain, non ?
Son regard est froid, dur, mais il continue de sourire…
— S’il vous plaît, calmez-vous, monsieur… monsieur, comment ?
— Monsieur, je crois préférable que nous en restions là. Vous êtes persuadé que je suis celui qui a décidé de la dissolution dans son splendide isolement, qui a mené une politique en faveur des entreprises et des plus nantis… bla bla bla… Et, dans la mesure où je ne suis pas Emmanuel Macron, soyez aimable de me laisser terminer mon travail tranquillement.
— Et comment se prénomme votre femme, par exemple ?
— Je ne suis pas marié avec une femme. Et si vous voulez tout savoir, je suis pacsé avec David Douillet, l’ancien champion du monde de judo, catégorie poids lourd.
— Avec Douillet ? Mais non, voyons, pas lui !
— Eh bien si, avec Douillet ! Je suis son David, il est mon Goliath. J’espère que notre fin sera plus harmonieuse… c’est tout ce que je peux dire.
Je vois une larme couler sur sa joue gauche. Il est ému. Peut-être y a-t-il de l’eau dans le gaz entre eux…
Je me laisse happer par cette scène invraisemblable et tente de le piéger.
— Vous voyez qui comme Premier ministre, jeudi prochain, comme ça, pour voir, même si vous n’êtes pas le vrai Emmanuel Macron ?
— Je verrais bien quelqu’un de gauche capable de séduire la droite, y compris Marine Le Pen ; une personnalité flexible qui ne remettra pas en cause la réforme des retraites de monsieur Macron. Ou alors quelqu’un de droite qui saura séduire la gauche non mélenchoniste et fera un peu de social… à la marge. Il va falloir inventer une majorité minoritaire. L’inverse est, bien sûr, plus facile, c'est une question de dosage.
— Et, honnêtement, vous croyez que ça existe de tels profils ? Une telle stratégie politique ?
— Je vais vous dire, monsieur : quand je nettoie les tombes, je ne me demande jamais si les gens enterrés ici étaient de gauche ou de droite !
Décidément, cet homme ressemble terriblement à Macron !
Quand je pense qu’il vient se ressourcer dans un cimetière…
Et il fallait que ça tombe sur moi !