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Du Traité de Maastricht de Septembre 1992 au Référendum de Mai 2005 sur le traité établissant une constitution pour l'Europe (rejeté par près de 55% des voix) l'Europe divise et provoque des clivages que la bipolarisation quadripartite vieillissante ne traduit pas.
Pas encore.
Le 3 Septembre 1992 Mitterrand et Séguin s'opposent dans un débat télévisé qui laissera des traces dans les deux camps : Mitterrand est favorable au "oui" et entraîne derrière lui une grande partie du PS, Hollande, Royal, Valls... il dispose aussi du soutien inconditionnel de Giscard, de Chirac, de Balladur et de Barre...cause commune, même combat.
Tous se déclarent "Européens convaincus".
Séguin, partisan du nom, porte drapeau des "souverainistes", est soutenu par Pasqua, par de Villiers auxquels s'ajoutent une grande partie du PC, Chevènement, Emmanuelli et les Verts (Dominique Voynet) ils ne sont pas d'accord avec le calendrier de mise en oeuvre, pas d'accord non plus avec le caractère "non négociable" du traité imposé par Mitterrand.
Le FN est également un ardent défenseur du "non", une constante.
Une (grande) partie de la gauche et une (grande) partie de la droite sont favorables à la ratification ; une partie de la droite et une partie de la gauche y sont opposées.
Le "oui" l'emportera de justesse avec 51.04 % des voix : très courte victoire dans le pays de Robert Schuman (à ne pas confondre avec Maurice Schumann, gaulliste opposé au traité) et de Jean Monnet dont on s'accorde à dire qu'ils sont les "pères de l’Europe".
Les commentateurs parisiens et néanmoins inspirés expliquent que les partisans du "oui" sont parvenus à dénaturer le débat, selon eux, la question n'était plus "oui ou non pour le traité de Maastricht" mais "êtes-vous pour ou contre l'Europe".
Soit !
Mai 2005, le référendum sur la constitution Européenne voulu par Chirac est nettement rejeté par les Français à une majorité de 54.67 % ; Fabius, Mélanchon et Emmanuelli sont les opposants notoires au sein d'un PS plus divisé que jamais, les Verts aussi ; une toute petite partie de l'UMP s'y oppose également.
Mais la grande majorité des partis représentés au Parlement est en faveur du traité.
Le FN, le MPF, le RPF, la LCR, LO, le PCF l'ont rejeté.
Les partis, les"apparatchiks" et les professionnels de la politique de tous bords ont perdu, le peuple a voté ! Chirac, une fois de plus, n'a rien vu venir.
En 13 ans, à l'occasion de ces 2 référendums, les Français manifestent de plus en plus de réserves, ils passent d'un timide "oui" à un "non" franc, l'Europe fait peur.
On connait la suite, le 13 Décembre 2007 la France de Sarkozy signera le Traité de Lisbonne tournant ainsi le dos à une opinion publique majoritairement sceptique.
Le référendum c'est bien mais à petite dose...voire à "pas de dose" du tout. Le fossé entre les français et ceux qui les gouvernent commence à se creuser, dangereusement. La consultation démocratique (inscrite par de Gaulle à l'article 11 de la Constitution de 58) sur des questions clefs n'a plus la cote, trop dangereuse, le peuple ne comprend rien...il faut faire sans lui !
L'Europe divise la gauche et divise la droite, le bipartisme PS/UMP se fissure ; PC et FN campent sur leurs positions mais restent constants. Le Pen n'en finit plus de dénoncer l'UMPS, elle note les convergences...il y en a, en effet.
Après une crise financière mondiale provoquée par Lehman Brothers et Merrill Lynch, l'Europe de Merkel impose son austérité à l'Espagne, à l’Irlande, à l'Italie, à la France, à la Grèce...le modèle libéral fait consensus, Goldman Sachs reste au Pouvoir, en Italie ou en Espagne...partout là où ses officines lui ouvrent des portes ; c'est quand même complètement extravagant de constater qu'on fait appel a deux anciens associés de Goldman Sachs, Mario Monti et Mariano Rajoy, pour sauver l'Italie et l'Espagne, Goldman Sachs ayant été mouillé jusqu'au coup par les subprimes, ils ont même réussi l'exploit de spéculer contre leurs propres clients à qui ils venaient de refiler des portefeuilles infectés !! Bingo ! double jackpot !
Personne mieux que Goldman Sachs ne peut incarner à ce point le cynisme financier généralisé, les prétendants au titre supreme étaient nombreux, l'élection s'est jouée sur la discrétion, tant pis pour Merrill Lynch qui sera vendu avec l'eau du bain.
On parle quand même d'une crise qui aurait déjà coûté plus de 5000 milliards de $, 2700 milliards pour les USA et 1200 milliards pour l'Europe, ces chiffres viennent d'être publiés il y a 2 mois.
Les banques et les assurances américaines ont générés et entraînés à leurs suites des pertes égales à 2.5 fois le PIB de la France, 5e PIB mondial !
Une "paille" !
Les contribuables du monde entier sont largement sollicités, ils n'ont pas le choix, on "socialise" les pertes de 2008, on n'en finit plus de purger un système financier cynique et fou, les profits retrouvés, dès 2011, restent là ou ils ont toujours été, dans les poches de ces Associés...
Depuis le 15 mai 2012 Hollande propose une gestion qui tranche avec son discours du Bourget, c'est le moins qu'on puisse dire, du jour au lendemain son ennemi d'hier, la "finance" devient son amie ; Merkel n'avait qu'à bien se tenir...il s'allonge pitoyablement...son impuissance, sa résignation font tâches, pas impossible d'ailleurs que cela explique son impopularité naissante, dès Juin 2012 !
Une grande partie de la gauche, en tout cas au PS, partage avec la droite un modèle économique, une vision européenne qui ont les mêmes racines et les mêmes objectifs. Les programmes se ressemblent, les mots sont les mêmes, les postures identiques. Jusqu'aux Roms, jusqu'au discours sécuritaires, Valls le confirme depuis 2 ans maintenant, sa nomination ne doit rien au hasard.
En y regardant de plus près on observera que les pro Maastricht et ceux qui, ensuite, ont milité pour la constitution Européenne sont également favorables à un modèle de gestion économique de type libéral, la rigueur, qui ne sait pas et qui ne veut pas s'opposer au capitalisme financier qui, pourtant, est à l'origine de l'austérité que nous subissons.
Une grande partie de l'UMP et une grande partie du PS sont alignées sur ce modèle. Centre gauche, centre et centre droit. Sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens unis par les liens sacrés d'un consensus mou européen qu'il est hors de question de faire évoluer, on ne cherche même plus à l'influencer.
A contrario ceux qui étaient opposés à Maastricht et opposés également au projet de constitution Européenne sont plutôt favorables à un modèle de relance économique par la croissance qui permettrait de redistribuer des richesses, aussi maigres soient-elles. Les "économies" générées par une certaine rigueur permettraient de financer la relance. Sans une politique volontariste de relance l'économie s'étouffera, l'austérité pour l'austérité n'a aucun sens, pire elle serait suicidaire.
Voilà ce qu'ils nous disent ; ce discours est d'ailleurs relayé par un certain nombre de spécialistes dont Joseph Stiglitz, Nobel d'économie.
Les frontières classiques entre gauche et droite ont bougé, les lignes ne sont plus là où elles étaient ; déjà en 1978 Chirac dénonçait "le parti de l'étranger" depuis l'hôpital de Cochin, amnésique comme d'autres avant et après lui, il a fini par se renier au début des années 90. Plus le temps passe et moins l'Europe a les faveurs d'une opinion publique qui a des raisons objectives de douter de cette Europe la, 28 états si éloignés les uns des autres sur des sujets importants, la santé, l'éducation, la recherche...Lituanie, Lettonie, Roumanie, Slovénie, Allemagne, Suède, Luxembourg, Pays-Bas, Danemark... sans parler du mode de fonctionnement de l'UE, de son organisation...compliqués, technocratiques, abstraits, opaques.
A tort ou à raison.
A raison.
Cette redistribution des cartes vient de commencer, elle n'est pas encore complètement perceptible parce qu'elle avance pas à pas, très discrètement, on préfère s'arrêter (trop longtemps et trop souvent) sur ce Valls qui ressemble tellement à Sarkozy, la partie émergente de l'iceberg qui finira par se retourner.
Tellement plus simple !
On a raison.
Mais cela ne suffit pas.