J’ai été très enthousiasmé par le discours d’Emmanuel Macron, avant-hier.
Lorsqu’il a abordé le thème du « réarmement démographique », je me suis senti particulièrement concerné, visé même.
À un moment, probablement à cause de la fatigue, j’ai cru entendre mon prénom dans la bouche du président !
« Bruno, il faut que tu te réarmes, c’est urgent ! ». En matière de « réarmement démographique », l'emploi du tutoiement s'impose.
Le « réarmement » en termes de natalité est une notion assez nouvelle pour moi, je dois bien le reconnaître, même si mon intuition me dit par quel chemin passer.
Mon premier réflexe – instinctif, primaire, voire animal pour ne pas dire bestial – me poussait à en parler, séance tenante, à ma femme, Nathalie, avec qui je partage tout depuis plus de 32 ans, mais je me suis vite ravisé.
« Mon utérus n’est pas une arme », « Laisse mon utérus en paix », « Il se mêle de quoi, au juste, ce connard ? ».
La prendre à rebrousse-poil aurait été contre-productif, certes l’enjeu est de taille, la patrie est en danger, mais je n’envisage pas une seule seconde de me passer du consentement de ma femme.
Sans compter que dès qu’elle entend la voix de Macron, elle s’énerve, « c’est physique » me dit-elle, « je ne peux plus supporter ce type », elle se braque, fermée comme une huitre.
Moi non plus, je ne le supporte pas, mais la cause est noble.
Sur le plan strictement psychologique, et sans parler de la dimension politique, les conditions ne me semblent pas réunies pour que notre couple envisage de contribuer au « réarmement démographique » de la France. D’autant moins que nous avons déjà élevé quatre enfants …
À ces premiers obstacles s’en ajoutent deux autres.
Je vais fêter mon 70e anniversaire le 7 février prochain, dans moins de trois semaines : je reste vaillant, énergique et j’aime ma femme, c’est certain, mais …comment dire …enfin …euh …je suis moins …fertile ? Oui, c’est ça, je suis moins fertile !
Le deuxième obstacle est que Nathalie a bientôt 64 ans …sauf à imaginer une fécondation in vitro très aléatoire, il est assez probable que malgré les efforts conjugués de la science et de l’amour, nos tentatives de réarmement démographique seront un échec. Échec du strict point de vue de la natalité, s’entend, le reste fonctionne très bien.
Je tiens quand même à préciser que ce qui est vrai pour Nathalie l’est aussi pour Brigitte, de ce strict point de vue, je trouve la démarche de monsieur Macron un tantinet légère, en termes de natalité, il ne donne pas vraiment le bon exemple, non ?
Les personnes âgées d'au moins 65 ans représentent 20,5 % de la population française, ce qui fait porter tout le poids du réarmement démographique sur les tranches d’âges inférieures.
Et comme il faut exclure aussi du périmètre du réarmement démographique tous les 15-19 ans et moins, il faut soustraire au total pas moins de 23 millions de Français …
Sachant en plus qu’un couple sur quatre souffre d’infertilité …cela n’arrange rien aux affaires du réarmement …
On le voit bien, il est impossible de demander à 20 millions d’adultes consentants de redresser la barre et d’inverser à eux seuls la courbe décroissante de la natalité en France.
Ce serait inhumain. Et immoral, mais ce n’est pas le plus important, car comme le dit Emmanuel Macron, il faut s’adapter.
Face à ce décompte qui semble avoir échappé à la légendaire sagacité du président Macron et tristement confrontés, Nathalie et moi, à notre misérable biologie, j’envisage plusieurs solutions :
Profiter du Service National Universel – SNU – rendu obligatoire pour exiger que les jeunes copulent sans retenue dans le sillage de ce que feu Adolf Hitler appelait très maladroitement un lebensborn ; la droite trouverait là un motif consistant susceptible de l’inciter à voter, les yeux fermés, toutes les lois proposées par Gabriel Attal, sans passer par le 49.3.
Chaque chômeur et chaque chômeuse qui feront des enfants (4 minimum) verront leurs droits prolongés de 5 ans, le temps de les inscrire au collège puis au lycée Stanislas ce qui aurait au moins le mérite de bouter hors du pays ces intrépides musulmans qui menacent de nous envahir, peut-être même de nous remplacer si j'en crois les Michels, Onfray et Houellebecq.
Systématiser la fécondation in vitro – FIV – pour toutes les jeunes retraitées, il y en a encore, mais il faut faire vite !
En ce qui concerne l'infertilité qui frappe si injustement et si douloureusement 25 % des couples français, il faut profiter de la loi immigration et demander au Conseil constitutionnel de donner un petit coup de pouce au gouvernement en ciblant prioritairement les jeunes femmes qui demandent asile, ce qui conduirait Catherine Vautrin a revoir sa position (très théorique, beaucoup trop théorique) sur la GPA, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.
Demander à Gérard Depardieu, à Dominique Strauss-Kahn, à Patrick Poivre d’Arvor et enfin à Georges Tron de parrainer systématiquement toutes les jeunes femmes qui hésiteraient encore à faire don de leurs corps à la France ; un film de promotion (ou de propagande, n’ayons plus peur des mots comme dirait Pascal Praud) pourrait être réalisé par Roman Polanski.
Pour tous les autres Français de pure souche qui feraient plus de 2.3 enfants : un chèque repas pour le 3e enfant, une croisière sur la Loire pour le 4e, une Clio hybride pour le 5e. On ne sait jamais, sur un malentendu, cela pourrait fonctionner.
Je crois que le point fort du président de la République réside dans sa capacité à essayer de faire de chaque français les acteurs de son incommensurable médiocrité.