Comme d'autres j'essaye modestement de donner le maximum de consistance à la défense de Jérôme Kerviel pour une raison simple : il y a bien une "affaire" Société Générale mais il n'y a pas d'affaire Kerviel ; tout ce que nous entendons sur le sujet est le résultat d'une manipulation dont l'objectif est de transférer sur la tête et les épaules du seul Jérôme les erreurs, les fautes et les manquements de la banque qui l'employait.
Comme d'autres je pense que le combat de Jérôme est un peu (beaucoup !) le nôtre : nous faisons face à une organisation extrêmement puissante, très influente qui a démontré son savoir faire en termes de cynisme et de cannibalisme financier, n'oublions pas le contexte bancaire des années 2005, 2006, 2007 et 2008 avec les subprimes, ce subtil mécanisme de spéculation financière qui proposait aux smicards du monde entier d'acheter la rue de la Paix.
Comme d'autres ?
Pas tout à fait.
Pendant 13 ans j'ai dirigé la filiale informatique française d'un groupe bancaire international autrichien qui proposait aux banques son logiciel de "maîtrise des risques marché", une application informatique que ce groupe bancaire avait développé pour ses propres besoins. Les "risques" marché, l'expression n'est pas neutre en effet, couvrent toutes les opérations d'une salle de marché, achat-vente de produits financiers. Les traders jouaient la partition, la banque devait s'assurer qu'il n'y avait pas de fausse note.
Je proposais donc une application dans cet espace si particulier qu'on appelle le "back office salle de marché", vaste sujet !
J'avais eu la Société Générale comme "prospect", à ce titre nous avions eu accès à son organisation, nous avions comparé ses pratiques avec celles d'autres banques, françaises, allemandes, autrichiennes, anglaises...accès aux hommes et aux femmes qui décident du "bon" modèle de gestion, accès aux "process", accès partiel à ses "modèles internes"...accès à tout ce qui contribue à une saine maîtrise de ses risques.
Autant qu'il m'en souvienne la Société Générale n'avait pas à rougir de son organisation tout à fait comparable à celles de ses confrères internationaux contrairement à d'autres établissements français : son concurrent direct (banque de détail organisée en réseau avec un fauve dans le moteur) commençait à entrapercevoir ses carences, ses faiblesses et ses manques, nous y avons remédié post mortem, la banque perdait officiellement 10 milliards d'euro, 4 fois plus en vérité...passons !
Un homme remarquable à la tête de l'informatique de la Société Générale, un homme que j'appellerai "Monsieur René" pour ne pas le gêner même si je sais qu'il est à la retraite aujourd'hui : il avait des raisons d'être fier de son bébé, il avait mis en place un système fiable, performant très orienté "temps réel", aucun défaut dans sa cuirasse.
Depuis je me suis orienté vers d'autres métiers juste avant l'affaire Société Générale, juste avant J.K.
Compte tenu de cette petite expérience, compte tenu de ma connaissance des métiers très techniques, très complexes qui composent les risques marché j'essaye donc de donner un petit coup de main à Kerviel car je ne crois pas une seule seconde aux discours de la banque. Je sais par ailleurs que Kerviel a reconnu ses erreurs, il a écrit un bouquin sur le sujet, d'autres aussi avant lui et après lui y sont allés de leur plume, Jérôme n'est pas une oie blanche, au moins de ce côté les choses sont claires mais de son côté seulement.
Donc pour aider Kerviel, pour aider la justice à comprendre ce qui s'est réellement passé il faut que David Koubi, son avocat, puisse s'entourer de ces compétences multidimensionnelles, ultra spécialisées et "up to date" car la réglementation bancaire a évolué, les ratios prudentiels ont changé, le reporting comptable des banques à largement et profondément évolué au cours des années 2002-2008.
Pour comprendre une telle organisation et ses mécanismes il faut donc connaître l'informatique bancaire et les risques marché, connaitre la comptabilité bancaire, connaître la fiscalité bancaire, connaître les process, les modèles internes...si non Jérôme Kerviel, David Koubi et la justice seront purement et simplement manipulés sur des sujets qu'ils ne peuvent pas comprendre "en profondeur" je fais allusion notamment aux techniques de débouclage des opérations réalisées par la S.G, je fais allusion aussi aux choix fiscaux de la banque suite aux opérations de débouclage...
J'ai donc commencé à chercher parmi mes relations celui ou celle qui pourrait utilement compléter le dispositif de défense.
J'ai appelé "Bernard", mon ancien boss, agrégé d'économie, un homme remarquable, brillant qui connait la Société Générale et ces sujets mieux que la plupart des consultants classiques, un homme dont la sensibilité politique le classe plutôt à gauche.
Voici sa réponse, je ne change pas une virgule sauf le nom du cabinet de consulting (américain) dans lequel il bosse :
"Bruno,
Merci pour cette opportunité mais, vu mon implication et celle de XxX à la SG post Kerviel il m'est malheureusement impossible, sur le plan éthique et confidentialité, de participer à ce travail.
Cordialement"
Une fin de non recevoir, sèche, froide, définitive. Depuis plus de nouvelle...
J'ai appelé une copine, Elisabeth, une autre consultante tip-top qui m'explique que ce sera très difficile de trouver quelqu'un, que j'ai raison de vouloir compléter le dispositif de David Koubi, "c'est indispensable" me dit-elle, nous avons rendez-vous le 17 Avril à 13 heures pour en reparler, nous envisageons un déjeuner de travail, elle doit me confirmer le lieu du rendez-vous...j'attends encore qu'elle veuille bien me rappeler, nous sommes le 18 Mai, un mois déjà...
Je contacte ensuite l'ex mari d'une femme politique très connue, une femme de gauche, un expert du domaine, ultra compétent, un tantinet rebelle, un électron libre en semi retraite, le type qu'il me faut car il ne rechignera pas à "taper dedans" me dit-on...j'attends encore et toujours...
Je ne veux pas me décourager devant le mur, en désespoir de cause j'appelle un de mes amis d'enfance devenu l'un des meilleurs dans sa spécialité, à la tête d'une grande banque d'affaire américaine, je ne l'ai pas vu depuis une vingtaine d'années, ou trente, mais le jeu en vaut la chandelle, il se prénomme Jérôme...il n'a pas voulu me répondre !
Quatre personnes contactées, résultat nul !
On notera toutefois la réponse de Bernard "...vu mon implication et celle de XxX à la SG post Kerviel..." il est bien intervenu sur le périmètre qui nous intéresse David et moi mais voilà...si d'aventure il avait accepté de travailler, même anonymement comme je le lui avais proposé, il était rayé de la liste, black listé, Bernard est en semi retraite, il a 63 ans, il va définitivement partir de sa boite en Juin ou Juillet prochain mais il ne veut pas, il ne peut pas...
Vous comprenez mieux maintenant Jérôme quand il demande à Hollande de garantir à un certain nombre de témoins clefs de pouvoir témoigner en toute indépendance et en toute sécurité...je sais pourquoi il le demande car même vu de ma toute petite fenêtre je suis confronté à une omerta absolument incroyable ! La Générale fait peur !
Pour comprendre les raisons qui poussent tout ce petit monde à se serrer les coudes il faut revenir aux enjeux fondamentaux de cette affaire :
Pour se défendre la banque affirme qu'elle n'avait pas eu connaissance des agissements de Jérôme, elle s'est placée depuis le début dans la position de la victime, Kerviel, simple petit trader, est son bourreau.
De deux choses l'une : soit c'est faux, soit c'est vrai.
Si c'est faux cela veut dire qu'elle savait (ce que tout le monde pense) ce que Jérôme faisait, elle l'a laissé faire en espérant qu'il se "refasse" ; dans ce cas elle est complice, sa défense s'écroule, elle n'est plus victime.
Si c'est vrai, qu'elle ne savait pas, c'est encore pire car cela prouverait qu'elle n'était pas en mesure d'assurer pleinement et correctement son métier de banque d'affaire, il faudrait lui retirer son habilitation ; sa défense s'écroulerait, sa réputation aussi...
Voilà pourquoi elle cherche par tous les moyens à faire porter le chapeau à Jérôme, elle n'a pas d'autre choix, au delà des sommes d'argent la S.G est face à un enjeu vital au sens propre du terme.
Bon je vous laisse, j'ai d'autres "pistes" à contacter pour aider Jérôme mais ça risque d'être très dur...je n'ai pas de temps à perdre.