Le Novarupta – nouvelle éruption – est un volcan américain dont la seule et unique éruption est considérée, aujourd’hui encore, comme l’une des plus puissantes du XXe.
Eruption qui a provoqué ce que les spécialistes appellent une « surge volcanique », ou déferlante pyroclastique, c'est-à-dire une coulée de « nuée ardente de très grandes dimensions résultant de l'effondrement d'une partie ou de la totalité d'une []colonne plinienne ou vulcanienne »
L’analogie avec l’élection d’Emmanuel Macron est tentante si ce n’est pertinente : le pays d’origine, les USA, « centre du monde capitaliste » et du libéralisme, la France n’échappe pas à son phototropisme ; l’effet de surprise, gauche et droite confondues ; enfin un paysage durablement modifié par l’effondrement totale ou partiel des sous-sols idéologiques.
On me reprochera d’accorder trop d’importance à ce « Joli Monsieur », critique que je risque d’entendre aussi bien à gauche qu’à droite, toutes tendances mélangées, qu’elle soient anciennes ou nouvelles…précisément ! l’unanimité me donnerait plutôt raison.
Il faudrait que Macron soit une anecdote et rien d’autre, un épiphénomène dénué de tout sens.
Pour le combattre il faudrait l’oublier, nier son existence et ne jamais s’interroger sur les origines – ou les causes diront les sceptiques – de son élection.
Pas si sûr. Pas aussi facile. Pas aussi simple.
Le PS tel que nous l’avons connu – et pratiqué, pour certains comme moi – a commencé sa lente agonie avec Pierre Mauroy en mars 1983 sous la Présidence de Mitterrand pour s’achever en mai 2017 avec Manuel Valls (qui ne me fait pas pitié) sous la Présidence de Hollande.
La rigueur, le réalisme, bref le capitalisme, l’économie de marché et le libéralisme avaient déjà commencé leur travail de sape.
Né en 1971, mort en 2017, 46 années de luttes, d’espoirs, de déceptions, de compromis, de virages, de renoncement et enfin de trahisons.
Macron ne peut pas s'en souvenir, il n’avait que 3 ans lorsque Mitterrand est arrivé aux « affaires », terme dont l’ambigüité me fait toujours sourire, presqu’autant que Patrick Balkany.
Il n’y est donc pour rien, pourtant « quelque chose » est né en même temps que lui…la mort du programme commun de la gauche est actée en 1977, Françoise Macron-Nogues accouchera d’Emmanuel en décembre de la même année, le bambin deviendra le 8e Président de la république, 39 ans et demi plus tard.
Macron est né avec le social-libéralisme sur les décombres d’un PC naïf.
Effectivement Mitterrand a enlacé le PC jusqu’à l’étouffer, une étreinte mortelle pour ce parti né en 1920 au congrès de Tour après l’éclatement de la SFIO, le parti du FFI d’Henri Rol-Tanguy, chef de l’insurrection parisienne de 1944 pour les plus jeunes. Parti historique dominant la gauche, incontournable dans les années 50 et 60, devenu la 5e roue du carrosse d’une social-démocratie qui ne veut pas dire son nom.
Le marxisme, en particulier celui de Gramsci , celui auquel je tiens, celui qui résiste encore, est mis de côté, comme oublié et pourtant il aurait tant à dire "la crise consiste justement dans le fait que l'ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés"
En effet !
Nous y sommes.
Hollande et Valls achèvent le massacre idéologique, technique et moral du PS, le projet de déchéance de la nationalité constituant le point d’orgue d’un suicide collectif irréparable, les efforts de Benoît Hamon n’y changeront rien.
La droite dite « républicaine » et multiforme héritée de Charles de Gaulle, de Georges Pompidou et de Giscard d’Estaing est vérolée depuis mai 2007.
Le discours de Dakar prononcé en juillet, deux mois seulement après l’élection de Sarkozy, marque le début d’une surenchère droitière, d’une remise en cause implicite de la laïcité et, au final, de l’éclosion d’une droite « décomplexée et sans tabou » qui fait la course avec un FN qui se hasarde maladroitement sur le chemin de la « normalité » et de la bienséance.
L’Ex braconne sur les terres de l’extrême droite pendant que Le Pen fait les yeux doux aux vautours de la droite républicaine, plus tard l'inceste donnera naissance à un "petit monstre" du nom de Dupont-Aignan, Dupont Lajoie.
Nicolas Sarkozy braconne de plus en plus ouvertement, de plus en plus grossièrement, il appartient à la race de ceux qui « osent tout », même langage, même logique, même programme.
La bête immonde…qui sait ? elle n’est jamais très loin.
Nauséabondes manœuvres politiciennes freinées voire empêchées de justesse par des affaires de gros sous, de pots-de-vin et de détournements en tout genre.
Drôle de censure !
Les turpitudes de Sarkozy laissent place à un Fillon moralisateur, catho tradi anti avortement et accessoirement fripouille parmi les fripouilles. Il se fracasse sur le mur du pognon, des mensonges et de la forfaiture car tout fonctionne en bloc.
Le mur des cons existe, n'en déplaise à la bien pensance.
Le 1er juin 2005 les français disaient « non » au traité de ratification d’une constitution européenne si chère à un VGE vieillissant et maître d’œuvre de sa rédaction, il se rêvait Président des Etats Unis d'Europe...
La parole du peuple est violée par Sarkozy en 2007, il reparlera du referendum pour nous expliquer, 12 ans après, pendant les primaires, à quel point il est attaché à ce type de consultation : les mots n’ont plus de sens, l’amnésie devient un outils de communication, une arme de guerre.
Sarkozy est le fossoyeur de la droite républicaine, il aura mis 10 ans pour la détruire.
Le clivage « pour » ou « contre » le traité européen crée une nouvelle et puissante ligne de démarcation qui dépasse le traditionnel clivage droite-gauche ; il y a des « non » à gauche et à droite, il y a des « oui » à droite et à gauche. Fabius et Chevènement avec de Villiers et Séguin ; Sarkozy et Chirac avec Jospin, Rocard avec Hollande, Mélenchon avec Hamon.
L’extrême droitisation entamée par Sarkozy et confirmée ensuite par le programme et la posture ultralibérale de Fillon placent Alain Juppé, Benoist Apparu, NKM et d’autres républicains « de progrès » ( ? ) dans une position plus que délicate.
A la rupture européenne s’ajoute maintenant une rupture idéologique.
Pour Alain Juppé, les mots ont encore un sens.
La manif pour tous et Sens Commun ne peuvent pas franchir ses barrières et sa laïcité.
NKM est plus proche de Macron que de Ciotti ; Juppé ne se reconnait plus dans ces dérives fascisantes et ultralibérales.
Pendant que droite et gauche passent à côté des démunis, des sans-grades, des obscures et des pauvres, le FN sème son poison démagogique, il n’est pas le seul, nous y reviendrons.
La classe dite « moyenne », pierre angulaire de l’édifice capitaliste, est dans la ligne de mire de technocrates sans imagination (c’est même à cela qu’on les reconnait), l’endettement public des états ajouté à la crise des subprimes finissent de les démolir, les riches ne donnent rien, les pauvres ne peuvent pas donner ce qu’ils n’ont pas alors on va raser ces moutons qui consomment à grand renfort de crédits.
Mais maintenant les caisses sont vides, les moutons sont tondus.
La barraque craque de partout et menace ruine.
Emmanuel Macron arrive sur ce terrain dévasté, par opportunisme, bien sûr mais aussi grâce à un incontestable talent manœuvrier, il veut remettre « en marche » une France claudicante lassée, dépassée, écœurée.
Il ne sait pas encore avec qui ni comment mais il avance dans un brouillard qui le sert.
Et ça « marche » !
Sa victoire est celle du libéralisme.
Sa victoire n’a d’égale que la déroute des partis traditionnels qui se partageaient alternativement le pouvoir depuis 1974 dans un cynisme des plus arrogant.
Il fallait cette crise morale et financière, il fallait ce désastre social, ces trahisons tout azimut pour qu’un gamin de 39 ans arrive en si peu de temps à la tête de la cinquième puissance économique mondiale.
C’est dire si le malaise est profond et le désespoir quasi-total.
A droite Le Pen.
A gauche Mélenchon.
Entre les deux Macron…
Quelques convergences entre le F.N et les Insoumis : l’OTAN, les traités européens, le libre échange, Schengen, la loi El Khomri, la retraite à 60 ans, les 35 heures…pas rien !
Beaucoup de divergences, bien sûr. Heureusement !
Il y en a un qui aurait pu et l’autre qui ne devrait pas. Il y en a un qui aurait du et l’autre qui pue.
Je n’hésite pas une seconde, j’ai croisé Mélenchon chez un ami commun, ostéopathe de profession, il a de l'humour, il a du charme en effet, son dos est aussi cassé que le mien, ça rapproche !
Deux partis qui chassent parfois sur les mêmes terres : on se prend à rêver à l’idée de voir ces ouvriers revenir « à la maison », en l’occurrence chez Mélenchon ; Le Pen qui sent la défaite (relative) arriver essaye, entre les deux tours, de convaincre les Insoumis de la rejoindre.
C’est une partie de la gauche qui est lepéniste depuis 12 ans, tout le monde le sait, Mélenchon y compris, Le Pen reste donc dans sa logique en cherchant à recruter des électeurs chez Mélenchon, une toute petite minorité se laissera attraper, négligeable.
Face au populisme nauséabond de l’extrême droite se plante un populisme de gauche qui a de (bons) arguments magnifiquement défendus par un orateur hors pair.
Entre les deux Macron…
Le L.R explosera, la tendance NKM s’opposera frontalement à la tendance Wauquiez, c’est inéluctable.
Entre les deux Macron…
La vocation d’Eric Ciotti est de rejoindre le FN, il s’apposera à Apparu, durement, bêtement, vulgairement, il ne sait pas faire autrement.
Entre les deux Macron…
Les autres se feront phagocyter, tôt ou tard, par le talentueux « Mr Macron », c’est une question de temps, une question d’arguments…
Il faut revisiter le « Plein soleil » de René Clément, Tom, Alain Delon, me fait penser à Macron, la supercherie est là.
L’équation n’était pas aussi simple que le pensaient Ruth Elkrief, Yves Calvi (très dépité) et Jean-Pierre Elkabbach : comment faire triompher le libéralisme en ces moments de crise politique aigüe ? comment transformer une très probable déroute en victoire ? comment reprendre le « pouvoir » ?
Emmanuel Macron est arrivé…le MEDEF n'en revient toujours pas.
A sa gauche Mélenchon.
A sa droite Le Pen.
On ne peut pas résumer ce qui vient de se passer, ce qui risque d’arriver à la seule victoire d’Emmanuel Macron.
La vie politique des 5 ou des 10 prochaines années va s’articuler autour de ce triptyque avec une équation d’un tout autre genre : quelle véritable alternative au libéralisme ?
C'est la seule question qui vaille.
Mélenchon ou Le Pen ?
De la réponse à cette question dépendra la durée du mandat social-libéral d'Emmanuel Macron.
Certains vont me dire que c’est très réducteur voire manichéen…d’autres me diront que cette alternative était inespérée avant le 7 mai dernier…
« Le vieux Monde se meurt, le nouveau tarde à apparaître et dans le clair-obscur surgissent les monstres. »
Quand je vous disais que Gramsci me manque…