Depuis les élections européennes et la dissolution de l’Assemblée nationale, après les résultats des dernières législatives surtout, Emmanuel Macron s’enfonce dans un marécage sémantique où il n’a pas pied.
Les mots et les expressions qu’il utilise pour justifier ses décisions ou pour expliquer sa posture étonnent puis consternent l’auditoire, exception faite des médias habitués à accompagner le président de la République dans ses délires, avec zèle et entrain.
Plus le temps passe, plus il boit la tasse, la noyade est probable, les symptômes d’une syncope hypoxique se multiplient dangereusement, on craint le pire.
Le bouche-à-bouche de Brigitte, spectaculairement relayé par une presse passée maître dans les massages cardiaques présidentiels, ne fait que masquer une agonie politique déjà très avancée.
Les exemples se multiplient avec une dimension tragique et comique à la fois.
« Clarification : action qui a pour but de rendre limpide un liquide qui contient des particules en suspension ».
Le liquide peut être une « sauce » ou un « bouillon » précise très opportunément le dictionnaire qui ne sait pourtant pas qu’il s’agit, effectivement, des choix politiques de Macron et de leurs conséquences au moment où nous l’interrogeons.
La notion de « particules en suspension » est particulièrement bien adaptée à la situation créée par le locataire de l’Élysée : on pense évidemment au Modem de François Bayrou, à Horizons d’Édouard Philippe et à Renaissance, le parti présidentiel ; Renaissance est une merveilleuse trouvaille si on compare les performances électorales du camp présidentiel depuis 2022, les unes après les autres : renaître synonyme d’agoniser, un exploit sémantique !
Les particules en suspension, les sus-cité, s’agitent frénétiquement à l’annonce du prochain gouvernement Barnier, la sauce a du mal à prendre, le bouillon est inévitable.
Synonymes de « clarification » : éclaircissement, élucidation, explication.
Dans le contexte politique que nous connaissons depuis le 9 juin dernier, l’emploi du mot « clarification » dont nous venons de rappeler le sens, a quelque chose de contre-intuitif, un je-ne-sais-quoi de paradoxal, un petit rien de contradictoire.
« Brouiller », « embrouiller », « obscurcir » seraient plus appropriés pour décrire le désordre généralisé qui accompagne fidèlement et avec entêtement toutes les décisions d’Emmanuel Macron depuis.
« Bordélisation », action de bordéliser, est le mot un tantinet familier qui pourrait assez bien caractériser l’impression que le « peuple d’en bas » se fait du chaos macronien.
La « pensée complexe » du président n’est décidément pas accessible au vulgum pecus : ne nous en plaignons pas ! Si par malheur, tu le comprends, tu es malade, va vite consulter !
Dans le même registre, une expression utilisée par le futur président de la République, alors simple candidat à la magistrature suprême, en 2015 et 2016, refait surface avec une acuité qui laisse songeur : le très fameux, le très fumeux « ancien monde ».
Méprisé, raillé, tellement dénigré, l’archaïsme des vieilles pratiques politiques politiciennes était dénoncé avec ardeur, qu’on en juge :
« Il faudrait que la vie politique continue de fonctionner comme dans les années 50 ? Beaucoup de gens disent cela : pour être dans la vie politique, pour être ministre ou président de la République… il faut se faire élire député. Mais ça, c'est le cursus honorum d’un ancien temps ! ».
Quelques années plus tard, à bout de souffle et d’arguments, dans un de ces têtes-à-queue dont il a le secret, le nouveau monde accouche d'un Michel Barnier des plus old school qui a commencé sa carrière politique en 1973, il y a cinquante-et-un ans.
Un Michel Barnier qui fleure bon la naphtaline et l’UDR — L’Union des démocrates pour la République — du général de Gaulle et de Georges Pompidou, un parti fondé en 1967.
Les mots n’ont plus de sens : les synonymes sont des antonymes et inversement.
On se renie, on se contredit, on se désavoue avec autant de désinvolture que de morgue, au mépris d’une mémoire collective et néanmoins populaire qui sait bien qu’on se moque d’elle ; avec un cynisme sans limites qui ne reconnaît ni les mensonges ni la honte, encore moins la dignité.
Le revirement est son sport de prédilection.
Sur le plan strictement programmatique, c’est le même constat.
Le « Mozart de la finance » est un cousin issu de germain de Madoff, peut-être son fils spirituel ou un de ses héritiers ; on pense aussi à l’escroquerie Enron ou Wirecard, mais aussi au scandale du Libor (London Interbank Offered Rate) : la faillite est patente, le désastre est immense, « la situation est très grave » confirme ce pauvre Barnier, pris en étau entre Macron et sa dette abyssale qui signe son incompétence. On parle tout de même d’un trou de mille milliards d’euros, ce pourrait être le titre d’un mauvais polar.
À celles et ceux qui pensent que la comparaison est osée, ou disproportionnée, nous leur conseillons de comparer les chiffres…
Sans parler d’une affaire dont personne, exception faite de Médiapart, ne veut parler : l’affaire McKinsey.
Alors qu’il avait juré ses grands Dieux que les impôts n’augmenteraient pas sous son règne, puisqu’il s’agit d’un roi, il le confirmait encore hier, c.-à-d. le 11 avril dernier en ces termes : « La ligne est simple et a été réaffirmée : on garde le cap […] et on ferme tout de suite l’hypothèse de dire qu’on va régler ce choc conjoncturel par plus d’impôts, maladie française ».
On le sait maintenant, les médias soumis préparent déjà le terrain si tôt la nomination de Barnier : les Français vont devoir payer les pots cassés de Macron par une augmentation massive de leurs impôts.
Après le revirement, le reniement.
Un proverbe dit : « Quand le mensonge prend l’ascenseur, la vérité prend l’escalier. Elle prend du temps, mais finit toujours par arriver ». Après l’escalier, en bas à gauche, en sortant de l’immeuble, il y a la rue et au coin de la rue, l’aventure…
Le mot de la fin à Vladimir Jankélévitch qui écrit dans « Le je-ne-sais-quoi et le presque rien », un titre qui colle étrangement bien à la peau et au style d’Emmanuel Macron, ces quelques mots :
« Comment le mensonge ne serait-il pas une tentation quand l’homme faible et puéril est si vite ébloui ? ».