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Billet de blog 21 novembre 2017

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Première transplantation de tête humaine

Un neurochirurgien italien, Sergio Canavero, affirme avoir réussi la première greffe de tête humaine ! Un exploit technique qui fait débat et qui n'est pas sans conséquences pour l'avenir de l'humanité.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Techniquement appelée anastomose céphalosomatique (ACS) l’opération a duré près de 18 heures.

Intervention réalisée en Chine par un neurochirurgien italien, une ambition internationale incontestable et rassurante à la fois.

L'anastomose consiste en la connexion (ou suture) de deux entités du corps, c’est précisément autour de cette définition académique que commence le problème, il y a débat.

S’agit-il de connecter le corps à la tête ou l’inverse, la tête au corps ?

Certains médecins parlent de greffe du corps, d’autres de greffe de la tête…

Tout va dépendre de la priorité que vous donnez à l'une ou l'autre partie du corps que l'on pensait, jusque-là, indivisible, indissociable l'une de l'autre, on faisait fausse route !

Les candides que nous sommes ont intuitivement tendance à renvoyer dos à dos ces chirurgiens qui n’arrivent pas à se mettre d’accord, car le résultat est le même, après tout.

Et pourtant, à y penser de plus près…

Curieusement, la greffe de corps pose moins de problèmes conceptuels qu’une greffe de tête, l’idée paraît techniquement moins compliquée « Je change de corps, mais je garde ma tête. », « Ma tête fonctionne, mais c’est mon corps qui ne suit plus » ou encore « J’ai toute ma tête ».

C’est jouable.

C’est jouable parce que depuis des décennies nous avons été habitués aux greffes de doigts, de mains, de pieds, de visage, de pouces, de nez, de bras et même de sexe…tout ce qui est du ressort du corporel semble facile à connecter.

La dimension mécanique et quantitative du corps humain milite pour une approche triviale, voire simpliste, du problème.

A l’inverse, si vous croisez quelqu’un qui vous affirme sérieusement avoir subi une greffe de la tête, vous avez de légitimes motifs d’incrédulité, personne ne pourrait vous reprocher un bref moment d’hésitation où se mélangeraient interrogations et scepticisme.

Si vous connaissiez, avant l’opération, cet individu qui vous interpelle sans sommation, vous ne pouvez pas le croire ; ce qui est moins vrai si vous croisez cette personne dans le métro pour la première fois de votre vie, car sans références antérieures vous ne pouvez pas faire la part du vrai et du faux, vous ne pouvez pas comparer, mais on comprend mal pourquoi un individu vous apostropherait entre deux stations pour vous dire qu’il vient de subir une greffe de la tête. Cela n’a ni queue ni tête pour rester raccord avec le sujet.

Il y a un « détail » qui change tout, un détail qui inconsciemment nous pousse à privilégier la thèse de la greffe du corps plutôt que celle de la greffe de la tête : une greffe de la tête c’est aussi une greffe de cerveau ! C’est avant tout la greffe d’un cerveau !

Cela change tout !

Le cerveau est le réservoir des souvenirs, des émotions, mais c’est aussi le siège de pulsions plus ou moins bien maîtrisées, l’équilibre psychologique et les dérives comportementales viennent souvent de là, n’en déplaise aux freudiens et autres lacaniens.

Le cerveau c’est aussi une culture péniblement accumulée au fil du temps et/ou des études, une somme de connaissances plus ou moins bien digérées, des expériences heureuses et malheureuses.

Religion, couleur de peau, sexe, goûts, préférences sexuelles, enfance, formation, profession, grand, petit, gros, maigre...

La résultante de toutes ces composantes forment ce qu’on appelle vulgairement l’individu dans toutes ses spécificités, dans toute sa diversité.

L’individu est un atome perdu dans le cosmos d’après Mireille Mathieu.

On attribue également au cerveau les causes de la connerie et l’origine de l’intelligence, on passe vite d’un état à un autre, jamais dans le bon sens, mais c’est un autre sujet.

Pour faciliter la compréhension de cette thèse que nous soutenons ici, à savoir celle de la greffe du corps qui nous semble plus consistante que celle de la greffe de la tête, il suffit d’illustrer le propos :

Imaginons qu’on greffe le corps d’Usain Bolt sur la tête du pape François. Un pape imaginatif, cultivé, intelligent, sympathique, progressiste, plein de compassion, qui irait d’un point du Vatican à un autre en 19 s 30 (record du monde du 200 m) avec un vent défavorable de 0,9 m/s car l’esplanade du Vatican est souvent le théâtre de rafales de vent capricieuses et désordonnées.

Franchement cela aurait de la gueule !

Un bon exemple pour la jeunesse catholique même si les origines jamaïcaines du pape pourraient poser problème à Laurent Wauquiez, à Nadine Morano et à Christine Boutin car Usain Bolt, faut-il le rappeler, est noir, très noir, beau, puissant mais noir.

Dans ce cas de greffe du corps on a tous les avantages de l’anastomose cephalosomatique, c’est évident, un pape beau et charismatique, un pape costaud qui coure très vite mais un pape juste et bon, intelligent, humain, solidaire.

La totale !

Prenons maintenant l’hypothèse inverse, la greffe de la tête du pape sur le corps d’Usain Bolt…alors là, ça n’a plus aucun sens puisqu’on est certain de perdre un sportif de haut niveau car le champion risque de ne plus vouloir courir, ou très rarement, son cerveau le lui interdirait, on assisterait à de curieuses scènes de baptêmes ou de béatifications en plein meeting herculis à Monaco…

On perd un sportif mais on perd aussi un pape !

Injouable.

Il y a d’autres problèmes techniques :

Il faut respecter le genre du corps, ou de la tête, le corps de Monica Belluci avec la tête de Gérard Filoche poserait beaucoup de problèmes au futur propriétaire, ce serait très contreproductif même si, dans cette hypothèse, j’en connais plus d’un qui ne se sépareraient jamais de leur grande taie d’oreiller. Des pervers.

Nous évitons aux lecteurs sensibles de MEDIAPART un autre cas de « figure » vraiment insupportable : la tête d’Harvey Weintein sur le corps de Carla Bruni.

Respecter aussi les origines ethniques : peut-on imaginer le corps de Marine Le Pen avec la tête de Dieudonné ? même si la cohérence politique et culturelle est respectée on voit bien la faiblesse du projet.

Question aussi de langue.

Veiller également au parcours de vie du receveur par rapport à celui du donneur : mettre la tête de Charles Manson sur le corps de Mère Thérésa serait très mal vu par un très grand nombre de gens honnêtes. L’inverse aussi mais ils sont moins nombreux.

L’impératif de cohérence et de compatibilité est une énorme contrainte pour les neurochirurgiens, une approche multicritères nous semble indispensable mais cela n’est pas toujours compatible avec la notion d'urgence médicale.

Pire : il peut arriver que le médecin n’ait pas le choix et qu’il soit obligé de greffer la tête de Mimi Mathy sur le corps de Michel Drucker… double peine !

Au-delà de ce débat entre spécialistes l’espoir reste le plus fort, nous ne sommes plus très loin de véritables miracles.

Une prouesse peut en amener une autre.

Par exemple prendre le cerveau d’Edwy Plenel et le greffer dans la boite crânienne de Laurent Sourisseau, dit Riss, avec le corps de Monica Belluci et la tête de Carla BrunI.

Avec un bon verre de Chambolle Musigny 2006.

Vive le progrès !

Pour en savoir plus :

http://www.parismatch.com/Actu/Sciences/Sergio-Canavero-clame-avoir-reussi-la-premiere-greffe-de-tete-de-l-histoire-1398299

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