L’agence new-yorkaise de notation financière Moody’s a abaissé la note de l’Ukraine après un examen approfondi de la situation réalisé fin février, c.-à-d au lendemain de l’invasion russe lancée le 24 février dernier.
Aucun doute, ils ont le sens du timing !
Un malheur n’arrivant jamais seul, l’agence prévient qu’elle pourrait encore dégrader la note, « la perspective étant négative ».
« Cette dégradation est motivée par les risques accrus pour la viabilité de la dette publique ukrainienne du fait de l’invasion par la Russie, entraînant un conflit militaire qui s’est prolongé plus qu’initialement anticipé ».
Les spécialistes de Moody’s auraient-ils parié sur une victoire éclair – Blitzkrieg – de la Russie ? Ce qui expliquerait que le conflit se soit prolongé « plus qu’initialement anticipé » ??
Au cas où quelqu’un sur la planète n’aurait pas bien compris les recommandations de l’agence, elle ajoute : « Cela augmente la probabilité d’une restructuration de la dette et de pertes imposées aux créanciers du secteur privé ».
C’est beaucoup plus clair, en effet…
Ah, le secteur privé !
Dernière précision concernant les aides financières internationales qui « contribuent, certes à atténuer les risques de liquidités immédiats, mais l’augmentation significative de la dette publique qui en résulte est susceptible de s’avérer insoutenable à moyen terme ».
« Insoutenable », le mot est lâché, on parle bien de la dette publique et pas d'autres choses, pas des morts en tout cas, les mots ont du sens, tout dépend du contexte...
Nous voilà prévenus : n’investissez pas en Ukraine, bande d’ignares, pas maintenant !
Quant à la perspective négative, elle est parfaitement justifiée, car « elle reflète le degré élevé d’incertitude quant à l’évolution de l’invasion et à ses implications sur le crédit ».
En d’autres termes, Moody’s n’est pas très optimiste sur l’issue du conflit…trop d’incertitudes pèsent sur cette guerre, il est urgent d’attendre…comment les choses vont-elles évoluer ? Mystère !
Moody’s n’est pas la seule agence de notation financière à vouloir abaisser la note de l’Ukraine, Fitch et Standard & Poor's lui ont déjà emboîté le pas, elles ne voulaient pas manquer le train, passer à côté d’une aussi belle opportunité et rester, seules, sur le quai.
Il est vrai qu’en Ukraine, l’ambiance et le moral ne sont pas au beau fixe, le recul des indicateurs de croissances, la dégradation des finances publiques et l'augmentation du déficit n’incitent pas les habitants de Kiev, de Marioupol, de Kharkiv et de Dnipropetrovsk à faire la fête jusqu’au bout de la nuit.
Avec 8 millions d’Ukrainiens déportés, 16 % de la population, c’est un frère, un père, un oncle, une tante, une mère, une grand-mère qui ne lèveront pas le coude avec les joyeux fêtards.
Des dizaines de milliers de morts dont des enfants, beaucoup d’enfants, des villes entières totalement rasées, des charniers un peu partout…tout cela n’est pas d’une gaieté folle, en effet.
Les femmes violées par des militaires russes n’auront peut-être pas le cœur à la fête, ça peut se comprendre aussi.
Dans l’état actuel des choses, à fin mai, 90 jours après le début de la guerre, on estime les coûts de la reconstruction de l’Ukraine à 500 milliards de dollars, car c’est en dollars que se payent les guerres…c’est vrai qu’en termes de « crédit », c’est un peu lourd…
Dépassons une bonne fois pour toutes ces horreurs d’une trivialité aussi indiscutable qu’inutile, ne nous noyons pas dans les détails, ne perdons plus de temps, mais interrogeons-nous.
Sans Moody’s, sans Standard & Poor's, sans Fitch, ces étoiles noires du capitalisme financier, comment ferions-nous pour vivre sereinement, sans remords ?
Et surtout sans honte ?