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Billet de blog 22 octobre 2014

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Le libéralisme et les marionnettes.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La scène sur laquelle se joue la pièce est immense, au centre d'un gigantesque bâtiment en forme de cercle, une sphère de plus de 40 000 kilomètres de circonférence, sur plusieurs étages : le balcon (beaucoup de monde), la corbeille, la galerie, l'orchestre, le poulailler...toutes les classes sociales sont représentées, sans exception, de tous les âges, de tous les sexes, de toutes les couleurs.

Pour toutes les bourses car tout le monde doit payer son siège.

C'est la pièce la plus cosmopolite qui soit.

Son théâtre est le monde.

L'architecte pourrait s'appeler Frank Gehry, le sponsor Bernard Arnault. A Bilbao ou au Bois de Boulogne, peu importe, c'est la même pièce qui se joue avec les mêmes marionnettes. Ici et là.

La climatisation ne fonctionne plus, les pannes se multiplient, le rideau se lève et redescend brutalement, à grand fracas, sans aucune raison apparente, dans un silence gêné, un silence de mort. Les ampoules électriques claquent les unes derrière les autres, comme autant de petites bombes, les ombres finissent de compliquer le spectacle, les micros grésillent, les voix se superposent, la musique reprend prématurément le dessus sur une cantatrice qui n'a plus d'âge malgré le rouge à lèvre qui fait semblant.

Les acteurs se précipitent sur la scène avec des costumes de plus en plus voyant, ils improvisent un texte que personne ne comprend, parlent une langue que tout le monde fait semblant de connaître, la gesticulation et le mime remplacent les mots, la posture tient lieu de programme.

Ce ne sont pas des intermittents qui assurent le spectacle, mais des magiciens, des illusionnistes pour la plupart, habitués à travailler nuits et jours, 365 jours par an.

Eux ne connaissent pas la crise, ils en vivent.

Grassement.

Dans l'assistance il y a ceux qui tentent de donner une explication à ce spectacle décousu, impudique et obscène, des spécialistes sur-diplômés, plus intelligents, plus inspirés les uns que les autres, des Nobels parfois, d'authentiques pédagogues ; eux seuls comprennent, eux seuls savent, ils nous prédisent une fin heureuse malgré les apparences, "les apparences sont trompeuses, c'est bien connu, mais le jeu en vaut la chandelle", "faites-nous confiance" ajoutent-ils, dans une terrible unanimité. 

Ils parlent de "cycles", après le chômage il y a le loto ou le super loto...

Ils sont rassurants. Croient l'être.

Le doute s'impose...

Il y a ceux qui ne comprennent pas, ceux qui ne comprennent plus et ceux, enfin, qui ne veulent plus comprendre, lassés qu'ils sont d'assister à une pièce qui  s'éternise et se répète, une pièce qui se moque d'eux ouvertement, d'une façon de plus en plus grossière, de plus en plus violemment et de plus en plus injustement : ils assistent, impuissants et dociles, à la mise en scène de leur propre mort, spectateurs et acteurs d'une imposture qui les rattrape et les dépasse.

La rupture n'est pas loin ce qui veut dire qu'elle n'est pas là, pas encore...

Le problème est qu'ils ont payé leur place, assez chère, parfois même à crédit...tous ? enfin presque, il y a toujours des resquilleurs, des gens plus malins que les autres ; il y a ceux, aussi, qui viennent au spectacle gratuitement, invités qui par un acteur, qui par le régisseur ; ceux là ont de la chance, ils assistent à deux spectacles pour le prix d'un sans se douter une seconde qu'ils font partie, eux aussi, du décors, car sans rieurs il n'y aurait pas de victimes !

Il n'y a pas de metteur en scène, pas de scénario, pas de suspens, on connait la fin.

Le spectacle ne se déroule pas sur la scène du théâtre, il est dans la salle.

Les ressources financières qui permettent de perpétuer cette gigantesque tragi-comédie, cette superproduction planétaire, sont inépuisables...pas besoin de Georges Soros, de Bill Gates ni de Bernard Arnault pour trouver les fonds.

Ce sont les marionnettes qui régalent.

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