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Billet de blog 23 juin 2022

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Macron, ou la stratégie du scorpion.

La fable « Le scorpion et la grenouille » illustre assez bien, sous la forme d’une allégorie, ce que tente de faire Emmanuel Macron depuis sa déroute législative qui le prive de la majorité parlementaire, son intervention télévisée, hier soir, confirme la manœuvre dont la grossièreté le dispute à l’indécence et, une fois de plus, au cynisme.

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Le scorpion demande à la grenouille de le transporter sur l’autre rive de la rivière.  Effrayée à l’idée de se faire piquer et de mourir, la grenouille finit par accepter en se disant que le scorpion ne serait pas assez fou pour lui injecter son venin, car il mourrait noyé, avec elle.

Au beau milieu de la rivière, pourtant, le scorpion la pique mortellement, elle lui demande alors la raison de son geste, il lui répond « C’est dans ma nature ».

La fable « Le scorpion et la grenouille » illustre assez bien, sous la forme d’une allégorie, ce que tente de faire Emmanuel Macron depuis sa déroute législative qui le prive de la majorité parlementaire, son intervention télévisée, hier soir, confirme la manœuvre dont la grossièreté le dispute à l’indécence et, une fois de plus, au cynisme.

C’est dans sa nature.

Sur 577 sièges, la coalition présidentielle obtient 250 sièges : 327 députés forment un bloc hétéroclite d’oppositions plus ou moins radicales qui va de la gauche (pas extrême) à l’extrême droite en passant par la droite extrême.

Manquent 39 députés pour lui assurer un pouvoir absolu, pour assouvir sa volonté de puissance.

En prenant les Français à témoin, en infantilisant toute la classe politique par le biais d’un ultimatum indigne autant que prépubertaire, Emmanuel Macron tente de piéger les partis politiques élus à la proportionnelle forcée.

Il réaffirme sa légitimité de président fraîchement réélu sans bien se rendre compte à quel point elle est triplement fragilisée : par l’abstention supérieure à 50 %, par le vote anti-Le Pen, deuxième du genre en ce qui le concerne et enfin par la claque législative qu'il vient de se prendre.

C’est bien parce ce qu’il a été réélu contre Le Pen une deuxième fois que les Français n’ont pas voulu lui redonner les pleins pouvoirs !

Pas l’ombre d’un commencement d’autocritique, aucune remise en cause, rien !

Il explique qu’ayant été réélu, c’est son programme qui prime et ajoute que puisque la chambre est maintenant multiple, il faut que les partis politiques se manifestent ouvertement (« à ciel ouvert ») pour lui dire comment ils vont s’organiser pour mettre en œuvre son programme !

La seule vision à long terme qui obsède Emmanuel Macron est Emmanuel Macron. Il est son propre modèle, son unique référence, le point de départ et le point d’arrivée de toute chose.

Ce n’est pas un individualiste, c’est un individu. Égocentrique, qui plus est !

Un acteur de théâtre qui récite son propre texte dans une mise en scène qu'il contrôle de bout en bout.

En fait il ment, il triche, il manipule, il manigance, quand il dit blanc, il ne fait rien et quand il fait noir, c’est en cachette qu’il agit, l’exemple du glyphosate est de ce point de vue très révélateur.

La colonne vertébrale du macronisme que symbolise le « en même temps » à la sauce Jupiter, lui revient comme un boomerang, à pleine vitesse : les vertèbres sont disloquées, la moelle épinière est coupée, ses membres ne répondent plus, alors il cherche des béquilles, ici à gauche, là à droite, il fait la retape dans l’espoir de recruter des « modérés ».

Le modèle macronien qui a fait son succès en mai 2017 explique la débâcle de juin 2022 : Macron a cocufié la faible proportion d’électeurs qui avaient gobé, tout cru, son discours de candidat, entre 2016 et 2017 ; l’abolition de l’ISF en septembre 2017, trois mois après son intronisation, couplée à la baisse des APL peu de temps après ont dynamité sa crédibilité, il était, il est, il restera le président d’une élite économique, financière et politique qui ne pouvait plus se compromettre avec un Sarkozy carbonisé puis fossilisé par une pratique mafieuse du pouvoir.

Ne parlons pas de Hollande, non, n'en parlons pas...

Un Sarkozy qui, sous la pression de la justice, est devenu, petit à petit, le principal supporter, à droite, de Macron qui a pris soin de nommer, deux fois, et malgré d’évidents conflits d’intérêts, au poste de garde des Sceaux, le meilleur ami et néanmoins confrère de Thierry Herzog, l’avocat-ami-confident de Sarkozy, maître Éric Dupond-Moretti qui n’exclut pas, cerise sur le gâteau, de mêler ses votes à ceux de l’extrême droite.

Valls aurait bien voulu soutenir Macron, lui aussi…

Cette gauche-là est morte, celle qui renaît grâce au talent de Mélenchon (et malgré ses défauts ou ses faiblesses) ne viendra pas à son secours.

Éric Woerth, LR, pourtant rallié à la macronie depuis peu, vient de refuser le perchoir de l’Assemblée nationale, on voit mal comment, dans ces conditions, d’autres députés LR, moins « modérés » que lui, pourraient voler au secours du Roi nu.

Le LR, comme les autres partis, bien sûr, vont se mettre en ordre de marche dans la perspective des prochaines présidentielles, hors de questions, donc, de se compromettre avec un président dont la flamme s'éteindra définitivement au printemps 2027.

Chirac, Jospin, Sarkozy, Hollande et consorts ont dévoyé puis torpillé la structure logique de la Constitution actuelle voulue par le Général de Gaulle en 1958 en alignant le calendrier électoral législatif sur le calendrier électoral présidentiel - le quinquennat - dans le but d’éviter coûte que coûte une troisième cohabitation qui avait laissé un goût amer à la gauche comme à la droite.

Ils s'entendent comme larrons en foire, car la politique est une foire, pour ces gens-là, ils fonctionnent en vase clos, coupés des réalités auxquelles les Français sont confrontés tous les 5 du mois. Et de plus en plus durement avec l'inflation galopante et l'augmentation des taux d’intérêts, et donc d'emprunt, qui vont faire exploser la Cocotte-minute.

L’Assemblée nationale est ainsi, mécaniquement, devenue une simple chambre d’enregistrement des décisions prises par le président (le parti « godillots ») ; cela a généré un profond désintérêt des électeurs concernant des parlementaires dont on ne comprend plus très bien ni le rôle ni l’utilité. En d’autres termes cette réforme commencée en 2000 a créé une crise de la représentativité nationale face à un pouvoir présidentiel qui s’est exagérément centralisé et renforcé au détriment de la représentation parlementaire.

En 2007, quand Sarkozy tourne le dos aux résultats du referendum de 2005 aux termes duquel une grande majorité de Français avait rejeté le traité établissant une constitution pour l'Europe, la vie démocratique et la vision qu’ont donné les politiques de ce contournement, de ce viol, a été purement et simplement catastrophique. De ce point de vue, Sarkozy n’est pas seulement un délinquant, c’est aussi un criminel politique.

L’exercice solitaire du pouvoir, l’autocratie élitiste et arrogante pratiquée par Macron sur fond de double discours et de mensonges politiques ont achevé de saper la confiance des Français dans leurs institutions politiques.

La constitution de la Ve République est définitivement morte.

Ces trois moments politiques, le nouveau calendrier électoral, le refus du referendum européen que Sarkozy a violé, la pratique du « en même temps » à partir d’un exercice solitaire et technocratique du pouvoir sans aucune vision à long terme autour d’une mystification politique qui colle à la peau de Macron, expliquent en grande partie la crise démocratique que nous vivons, explique aussi l’abstention grandissante.

Alors ?

Pas de compromis !

Il faut aller au bout de la logique en partant du constat que Macron n’est pas l’homme de la situation pour construire une nouvelle constitution que j’appelle de mes vœux en s’inspirant, en partie, de ce que propose la FI qui a beaucoup travaillé sur le sujet.

Pas de compromis possible, monsieur Macron.

Pas de cons promis pour sauver votre peau, ni à gauche ni à droite !

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