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Billet de blog 26 novembre 2014

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Gangrène politique généralisée : sous les pavés, la haine !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La télévision réserve parfois de bonnes surprises.

La série « Un village français » créée par Frédéric Krivine, Philippe Triboit et Emmanuel Daucé, dans l’ordre, scénariste, réalisateur et producteur, diffusée depuis maintenant cinq saisons, fait partie de ces pépites qu’on attend avec impatience, d’une année sur l’autre.

Le climat est pesant, quasiment insoutenable. La menace est partout, elle porte différents uniformes, parle plusieurs langues, dont le Français ; elle peut surgir d’un bois sombre, d’une grange, d’une cour de ferme où au détour d’une ruelle ; elle frappe, torture et répand son venin au moindre doute, à la première alerte.

Elle tue sans prévenir, sans discernement même si les juifs et les résistants restent les cibles prioritaires de la haine nazi et de celle de la Milice Française dont Zemmour semble avoir oublié qu’elle a été créée en Janvier 1943 par le Gouvernement de Vichy pour lutter contre la Résistance, véritable supplétif de la Gestapo qui continue de susciter horreur et dégout 70 ans plus tard, aux relents d’autant plus nauséabonds qu’elle nous touche, nous Français, plus directement.

Il n’a pas le droit, ils n’ont pas le droit !

Une haine qui sait se faire « discrète » voire anonyme dès qu’il s’agit de dénoncer son voisin, son concurrent, son adversaire, parfois son père ou son frère.

Comme les  vampires, les traîtres ont toujours eu peur de la lumière.

Le troupeau les rassure, ils se croient protégés, avancent à pas comptés, comme au ralenti, souvent avec des masques.

Toute ressemblance avec 2014 serait-elle vraiment fortuite ?

On peut identifier des points communs, une ambiance générale, un ciel chargé de menaces déclarées…pauvreté, misère, répression policière, racisme.

La manif pour tous propose des arguments qui font penser à ces masques, nonobstant les inévitables dérapages dont Taubira a été la cible et la victime.

Le racisme et l’homophobie finissent par reprendre la direction des opérations : sous les pavés, la haine !

Mais les moutons ont besoin de leaders comme d’autres eurent besoin d’un « Duce », d’un « Führer » ou d’un « Caudillo ».

Autre temps, mêmes mœurs, les Maîtres à penser de la droite décomplexée sont de retour !

Les moutons ont l’embarras du choix.

Leurs motivations et leurs arguments sont ceux que Zemmour reprend et décrit en Novembre 2014, « une France aux Français », « une France menacée par une invasion massive d’immigrés », « une France qui ne serait plus chez elle et qui doit assumer ses légitimes revendications identitaires, nationalistes, patriotiques et laïques » ; et « apostoliques » si on doit en croire Nicolas Sarkozy, 23e Président de la République Française, né dix ans après la fin de cette horrible guerre dont le parcours politique est clairement calqué sur celui du Front National, virage pris à  Dakar, dès 2007, au lendemain de son élection, on se souvient de son discours : « Le  drame de l'Afrique vient du fait que  l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire. […] Le problème de l'Afrique, c'est qu'elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l'enfance. […] Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine ni pour l'idée de progrès ».

"...la nostalgie du paradis perdu de l'enfance", il parle de la colonisation... "un paradis" ! inimaginable d'oser un tel contre-sens, une telle ineptie en terre africaine !

Dans les fantasmes collectifs, le musulman remplace le juif, le minaret fait beaucoup plus peur que la boutique du Sentier, à Orléans la terreur remplace « la rumeur », il suffit de relire Edgar Morin pour s’en convaincre ; le noir, quant à lui, reste primitif, comme scotché à une misère dont il est l’unique responsable, Pasqua, Foccart, de Gaulle et Mitterrand, toute  la « Françafrique » est oubliée, effacée, la lobotomie est assurée par Sarkozy qui lave plus blanc que blanc…après tout, l’argent Libyen de Kadhafi, les valises du Qatar et celles de la dynastie Bongo ont la même saveur.

Sarkozy profite de l’ambiance, il profite de tout, il n'a peur de rien…et si le pauvre noir voit décoller, sous ses yeux, l'avion d'Air France avec des valises diplomatiques bourrées de billets, en direction de Paris, avec escale technique à Genève, c’est son problème !

Pour Sarkozy, c'est bien connu, le noir est con et c'est la raison pour laquelle il se laisse dévaliser paisiblement par ses gouvernants ou par ces "chers amis Français", il peut même se payer le luxe d'aller sur place pour le lui dire en face, sous les micros et caméras !

Pour ceux de ces moutons qui cherchent un support intellectuel à tous ces discours de haine et de peur, une justification plus consistante, plus élaborée, plus argumentée et plus structurée (????) que celle que propose Henri Guaino pour le compte de Sarkozy, ils peuvent  toujours aller se ressourcer chez  Finkielkraut, « L’identité malheureuse » que l’Académicien a osé devrait les combler.

A l’extrémité  de ce spectre, c'est à dire tout à côté, comme un absurde non sens, un odieux tête à queue idéologique, Soral et Dieudonné répondent par la création d’un parti politique dont les juifs sont, et redeviennent, les cibles naturelles, la « conspiration  judéo-maçonnique » reprend du service…la télévision, la presse, la radio sont phagocytées et infestées par Cohen sur France Inter, par Elkabbach sur Europe 1, par Ockrent, par Anne Sinclair…les femmes sont pointées du doigt par Zemmour.

Soral et Dieudonné, à leur tour, occupent un espace politique laissé vacant par des partis traditionnels qui ont échoués.

Ils entendent concurrencer Sarkozy et Le Pen !

La boucle est bouclée.

Les tabous sont tombés, les digues ont sauté, l’extrême droite est de retour.

Un symbole -ou un symptôme- assez lourd de sens doit nous interpeller, loin de l’anecdotique : les humoristes des années 1970, les Coluche, les Desproges, les Professeurs Choron ne pourraient plus s’exprimer aujourd’hui comme ils s’exprimaient hier, c'est-à-dire avec la même liberté de ton, avec les mêmes provocations, avec la même imagination, les mêmes pitreries : la pression de l’extrême droite, le conservatisme ambiant ont bridé jusqu’à l’humour.

Coluche, Desproges et Choron meurent une deuxième fois, restent les Restos du Cœur qui, là encore, comblent un vide tragique que n’arrivent pas à combler les institutions d’Etat avec nos impôts qu’on préfère utiliser pour panser les plaies béantes et abyssales de nos chers banquiers…

La régression est totale.

Sarkozy est le symbole de cette dérive droitière, il en est même la caricature la plus triviale, minable reflet d’une ambition personnelle qui cherche à s’affranchir des lois qu’il n’a eu de cesse de contourner à son profit.

Hier le pouvoir pour l’argent…maintenant l’argent et le pouvoir !

Sur fond de crise économique, sur fond de récession, de chômage, d’appauvrissement généralisé. Les écarts entre riches et pauvres se creusent dangereusement, de plus en plus vite, de plus en plus larges, les milliardaires américains parmi les plus célèbres et les plus riches, Buffet, Gates, Soros, s'en émeuvent car ils savent qu'ils pourraient devenir des contre-exemples ; et donc des "cibles".

C’est le fond de commerce des Le Pen depuis des lustres…mais l’échec de Hollande qui fait suite à celui de Sarkozy redonne des couleurs au Front National, les partis traditionnels sont discrédités moralement et techniquement, Sarkozy se croit donc obligé de prendre l’extrême droite sur son propre terrain, de chasser le même « gibier » ; il joue à qui perd gagne, veut échapper à la critique de « l’Etat UMPS », et se différencier, se démarquer de ses concurrents directs de l’UMP sans bien se rendre compte qu’il est, en fait, le fils illégitime de Jean Marie Le Pen, son âne bâté…ou son petit bâtard.  

La surenchère a commencé en 2007, au Sénégal, elle se poursuit, s’accélère, enfle, gonfle et finit par prendre le dessus sur toute autre considération morale et politique.

Le libéralisme a pris le pouvoir, car il s’agit de lui, Sarkozy, Fillon, Juppé, Le Pen, Hollande, Valls et Macron sont les épigones d’un système économique qui fabrique des usines à frustrations, industrialise et sanctifie les inégalités, sans payer d’impôts, avec des dividendes et des retraites qui suffiraient à nourrir tout Un Village Français.

Nous sommes en 1943, à Villeneuve, petite sous-préfecture du Jura.

La baston est inévitable.

Aux armes citoyens !

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