L'avion d'Air Algérie qui vient de s'écraser au sol avec près de 120 personnes à bord, suscite légitimement émotion, compassion et solidarité.
Sincèrement.
54 Français dont une famille entière de 10 personnes, du grand-père jusqu'à ses petits enfants...ça fait mal, très mal, un tel sort réservé à toute une famille ajoute de l'horreur à l'horreur, comme si une main invisible avait décidé de s'acharner sur cette famille là, en particulier. Incompréhensible, hors des limites, tellement injuste !
Horrible, triste, révoltant. Dramatique.
Que le Président de la République, qui incarne la Nation et avec elle tous les Français, s'implique, témoigne et s'émeuve du drame est non seulement logique mais nécessaire, on ne comprendrait pas qu'il soit tiède, on lui reprocherait de ne pas s'impliquer suffisamment, personnellement.
Il l'a fait, il le fait. Il va continuer encore un peu...
Incontestablement bien d'après ce qu'on entend ici ou là. Je reste quand même toujours prudent avec ce type de commentaires, je ne gobe pas systématiquement tout ce qu'on veut bien nous servir, on ne se refait pas.
Quelques heures après le drame je regarde les chaînes d'infos, LCI, I < Télé, BFMTV : 2, 3, 4 heures de direct, des spécialistes, des pilotes, des experts, des journalistes spécialistes-experts-pilotes et des animateurs qui posent les mêmes questions au même moment et qui obtiennent les mêmes commentaires "on ne sait pas encore", "il faut attendre", "on en saura plus quand on retrouvera les boites noires", "il est encore trop tôt pour comprendre ce qui a pu réellement se passer"...le même discours, la même impuissance, le même direct qui dure, qui s'éternise, qui se répète, indéfiniment.
Jusqu'aux 20 heures des chaines traditionnelles, TF1, France 2, France 3...
Le même vide, la même frustration.
Je zappe car je suis à la recherche d'une info plus précise, plus originale, celle qui me donnerait un avantage dans la bonne compréhension de ce drame, j'ai besoin de savoir, besoin de comprendre...vite, vite ! plus vite que les autres, plus vite que mes voisins, plus vite que mes amis...je veux devenir expert ! je suis un spécialiste de ces questions, je vais vous expliquer, tout vous expliquer, tout peut s'expliquer...
Quelle illusion ! quelle arrogance !
Je suis donc victime d'une double imposture couplée à une double dictature : le direct et l'audience pour ce qui est de l'imposture ; l'émotion et mon ego pour ce qui est de la dictature.
Prenant conscience de ma vanité, pas brutalement mais progressivement, le temps d'avaler quelque pub, j'écoute Hollande, je vois Hollande, je le trouve bien concerné, la mine triste, sérieuse, il est concentré, il fait son job, "pour une fois", c'est mon commentaire car je ne rechigne jamais à me commenter quitte à me répéter.
Une conférence de presse le matin.
Une le soir.
Au lendemain du drame même rythme, même scénario, même mine, même tristesse, même sérieux.
Idem le surlendemain.
J'entends des ministres, Fabius en tête, parler du Président "qui a demandé...", "qui a souhaité..." "qui a exigé...", "qui veut...", puis j'entends l’intéressé qui parle à la première personne du singulier, "j'ai décidé...", "j'ai...", "je..." et qui surligne son intervention par de nombreux "j'ai personnellement..."
La personnalisation devient, comment dire ? systématique, ininterrompue, totale, linéaire, trop linéaire...il prend les choses en main et veut que cela se sache !
Ce Président à qui on reproche d'être hésitant, approximatif, sans vision, trop consensuel, amoureux du compromis, fervent supporter du "nous" mou devient tout d'un coup ce "JE" omnipotent, le "père", celui qui va tout prendre en charge, tout résoudre, tout organiser, tout prévoir, tout faire...
Celui là même...
Il donne le sentiment de combler un vide.
Je ressens comme un malaise indéfinissable.
C'est quand même extrêmement délicat de reprocher au Président son implication personnelle dans ce drame qui nous touche tous, non, c'est impossible mais le problème n'est pas là.
Il y a comme une "rupture comportementale" dans son attitude, dans celle qui est mise en scène à l'occasion de ce drame. On le connait moins impliqué, plus distant, plus prudent, plus effacé dans d'autres domaines que je ne vais pas énumérer ici par respect pour les 118 morts du crash.
Hollande me donne le sentiment d'appliquer un protocole de communication que sa nouvelle équipe lui a proposé, j'ai l'impression d'assister à une mise en scène huilée, pensée, bien orchestrée.
Pas certain que ce soit naturel, sincère, pas complètement.
Pour moi, il en fait trop, je vois un décalage, il y a quelque chose qui me gène, encore une fois j'éprouve une sorte de malaise, un peu comme si j'étais en face d'un acteur, d'une "posture", de quelqu'un qui joue une partition soigneusement apprise.
Après tout ce n'est qu'un homme politique.