Cyril Hanouna triomphe sur le petit écran, François Rollin disparait des planches.
Un chassé croisé qui en dit long sur l’époque que nous traversons, une tendance inquiétante et révoltante à la fois.
Quelle tristesse ! merde !
Le Professeur Rollin ne peut plus vivre de son métier d’auteur et d’humoriste après 30 longues années passées à débusquer l’absurde en jouant sur les maux, en jonglant avec les idées et en flirtant avec les situations, les personnages et les postures.
Un théâtre à lui tout seul.
François Rollin a mené à sa façon et avec un style inimitable une lutte contre la connerie, un plaisir de l’écouter, de le regarder se donner à 200 % dans chacun de ses spectacles, des litres de transpiration, des tonnes de rire, une voix, une diction...un océan de plaisir.
Intelligent, cultivé, lettré et tellement généreux avec son public.
Il faut s’y résoudre, la connerie ambiante vient de remporter une manche, une de plus, mais la guerre n’est pas encore définitivement perdue, il ne faut jamais abandonner.
Mais ça sent le roussi, ça pue le roussi.
« Les événements m'amènent à arrêter le spectacle vivant parce que non seulement ça ne me rapporte rien, mais ça me coûte de l'argent », explique-t-il.
Il ajoute un commentaire qui confirme nos pires craintes : « Il n'y a pas de place pour le type de travail que je fais dans l'économie de la culture ».
Terrible contradiction, effrayante incompatibilité entre « son type de travail » et « l’économie de la culture »…sale époque !
La majorité du public lui préfèrerait Anne Roumanoff et Bernard Mabille, une façon de réutiliser les vieilles recettes des années 80 de Thierry Le Luron, le talent en moins, c'est peu dire de la régression des esprits.
Ça sent le roussi, ça pue le roussi.
Le libéralisme donnera de plus en plus d’espace à Hanouna, de moins en moins d’oxygène à des auteurs du calibre de François Rollin, c’est sans doute pour cette raison qu’il parle d’économie de la culture.
J’ai aimé ce gars là immédiatement, dès qu’il a commencé ses sketchs dans Palace, à la première seconde, j’avais hâte de le voir, de l’entendre, j’étais impatient à l’idée d’être enfin surpris, encore surpris ; à chaque leçon du Professeur Rollin, on franchissait une étape, une barrière tombait, exactement comme si nous étions face à un vrai professeur, de ceux qu’on aime et qu’on ne peut pas oublier.
Il est à l’origine des guignols de l’info, il avait trouvé sa place auprès de l’excellentissime Alexandre Astier dans sa série culte Kaamelott, un joli pédigrée.
Il y a quelques années il avait reçu le prix Raymond Devos de la langue française, pas un hasard, la reconnaissance d’un style et d’une filiation.
Tout ce que j’aime.
Ça pue le roussi.
Il n’est pas mort, non, bien sûr, fort heureusement, il est là, pas loin, d’ailleurs ses propos me laissent espérer un retour sur un autre mode « Les événements m'amènent à arrêter le spectacle vivant… »
François, reviens ! le plus vite possible !
D’ici là je t’attends.