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Billet de blog 31 décembre 2014

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Emmanuel Macron : une révélation Française qui en cache bien d’autres…

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Les Français viennent d’élire Emmanuel Macron en tête des révélations politiques de l’année,  devant Marion Maréchal-Le Pen, FN et Bruno Le Maire, UMP.

Un trio qui a de quoi faire réfléchir.

Une hiérarchie émotionnelle et brouillonne dont la lassitude, ou le cynisme, serait la cause ? un mélange explosif dont on attend des solutions décapantes à force de désespoir ? un comité de salut publique ? un non sens comme on en voit couramment dans ce type de consultations ?

Quand on y regarde de plus près afin de comprendre leurs motivations, nos compatriotes expliquent que le ministre de l’économie incarne mieux que tout autre le renouveau, la jeunesse et une rupture –nécessaire–  avec le traditionnel discours politique.

Après un quart de siècle d’échecs, de trahisons, de renoncements et de reniements, on serait enfin tombé sur la « perle rare », l’homme providentiel n’est jamais très loin, en France, dès que l’édifice commence à vaciller sur ses fondements, la pyramide menace en effet de s’effondrer.

D’où ce trio incongru…

Les Français ont donc besoin de sang neuf, on peut les comprendre après 25 ans de Chirac, de Juppé et de Sarkozy, après Guéant, Hortefeux et Pasqua, après des « affaires » de droite contre des affaires de gauche, un nihilisme rampant qui gobe tout sur son passage, les frontières idéologiques seraient dynamitées, c’est, du moins,  ce qu’on essaye de nous vendre, nous n’en sommes plus très loin…

Un homme nouveau avec un style différent, un programme créatif et novateur pour un projet censé répondre aux grands défis de notre société, les « illettrées » de GAD s’en souviennent, il « parle vrai », Emmanuel,  assurément.

La question est de savoir, au-delà du style -et des erreurs de style- et de l’âge, si Macron incarne vraiment la nouveauté et à quel titre, il changerait de paradigme, sortirait du cadre, renverserait la table nous explique Le Figaro dont on connait l’appétit révolutionnaire.  Pendant qu’en Espagne, « El Mundo », autre quotidien agitateur d’idées de droite, désigne Valls comme « homme de l’année », on s’interroge sur la concomitance  de ces sondages, hasard, coïncidence ou calcul ?

Il serait donc l’homme de la situation, pas complètement sorti de l’ombre pour ceux qui se souviennent du Secrétaire Général Adjoint de la Présidence de la République qu’il fut dès le mois de Mai 2012, au lendemain de l’élection d’un Président qui n’a pas tenu, lui non plus, ses promesses, qui n’a pas plus respecté ses engagements que ses prédécesseurs, loin s’en faut !

Macron serait cet homme là.

Et pourtant...

Le chômage continue de cannibaliser l’emploi salarié ; la dette et les intérêts de la dette continuent d’appauvrir l’Etat Français et menace de remettre en cause un « modèle » qui a le mérite, au moins, d’être un des plus solidaires qui soit au monde ; la rigueur et l’austérité imposées par Bruxelles continuent d’aggraver une situation catastrophique héritée d’un Sarkozy dispendieux, inconscient et incompétent ; et accessoirement arrogant ; Macron est le gardien de ce temple européen dans une version néolibérale qui séduit aussi bien Le Figaro que les Echos, aussi bien Merkel que Sarkozy ; Hollande est en retrait, plutôt suiveur, tandis que Valls spécule et fait le pari d’une élection perdue, il s’accroche au mythe du recours, il anticipe l’échec dont il nous expliquera, bientôt, qu’il n’est pas le sien ; Macron, aujourd’hui son plus fidèle lieutenant, deviendra son pire ennemi, son concurrent N° 1 dans une interprétation encore plus libérale, toujours plus libérale de la social-démocratie « à la Française ».

 Mais que disent les chiffres ?

Emmanuel Macron peut-il s’affranchir d’une réalité qui le dépasse ?

Deux données suffisent à comprendre la réalité dont les hommes politiques ne parlent jamais ou pas suffisamment.

D'une part les salariés du privé et des entreprises publiques, en Equivalent Temps Plein, en France, voient leur salaire stagné depuis 10 ans, sur la période 2002 à 2012, cf http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1471

D'autre part si dans les années 80 les actionnaires des entreprises non financières se distribuaient 30 % des bénéfices, en 2012 ils se distribuaient pas moins de 85 % or dans le même temps le résultat net de ses entreprises baissait de façon très significative, entre -6 et -8 % ; 80 % des profits réalisés par le CAC 40 partent dans la rémunération des actionnaires…cf http://alternatives-economiques.fr/blogs/chavagneux/2014/03/10/les-distributions-de-dividendes-plombent-l%E2%80%99investissement-des-entreprises/

Cette tendance est confirmée sur les 25 dernières années.

Contrairement à ce qui se dit et contrairement à ce qui se pratiquait dans les années 70, « les profits ne sont plus les investissements de demain » : l’investissement a chuté, l’emploi aussi.

Les actionnaires de ces grandes entreprises se distribuent des dividendes de plus en plus importants avec des salaires de plus en plus confortables (demandez à Gattaz pour sa rémunération fixe chez Radiall) sans payer d’impôts grâce à des mécanismes d’optimisation fiscale parfaitement iniques.

Des primes colossales aussi lorsqu’ils arrivent à démanteler l’industrie Française comme ce fut encore le cas récemment avec Patrick Kron, 4 millions € empochés pour se débarrasser de la branche énergie d’Alstom.

L'incivisme est d'inspiration néolibérale. Un exemple à suivre ?

Il faut également intégrer un constat que l’OCDE vient de publier : dans les pays occidentaux, entre 1975 et 2014, sur 40 ans,  la croissance économique est passée de 5.6 % en moyenne à moins de 0.8 %.

La Russie entre dans la crise, Ukraine et pétrole obligent, la Chine voit sa croissance ralentir, les USA vivent à crédit, on commence à reparler de « bulles spéculatives »…

Ces deux tableaux expriment mieux qu’aucun discours ce que le « marché » demande à Jean-Claude Juncker et impose à Emmanuel Macron : tout faire pour perpétuer un système qui  favorise individuellement la caste des dirigeants avec des nominations qui ressemblent à de la cooptation entre initiés, la consanguinité, et des rémunérations qui se dissocient-désynchronisent totalement des résultats, le tout dans un bunker fiscal qui révolte à juste titre les gérant de PME-PMI et les salariés.

Sans préparer l’avenir, sans se préoccuper des emplois mais en revendiquant de plus en plus clairement l’alignement sur un modèle anglo-saxon qui va encore nous réserver de très mauvaises surprises comme en 2008 avec les subprimes : les « bons » spécialistes, Steve Keen notamment dont on recommande chaudement la lecture de son excellente analyse « L’imposture économique » prévoit une nouvelle crise dans un délai de 5 à 10 ans, c'est-à-dire demain.

Un système économique qui n’arrive plus à redistribuer les richesses qu’il produit, car il en produit, qui fonctionne en circuit fermé, en vase clos, et qui refuse obstinément de se réglementer.

Le profit, tout le profit, rien que le profit !

Un système qui reste indifférent à l’écologie, le règne du court terme s’impose à tous et partout mais qui sait faire appel, le moment venu, au soutien étatique et à nos impôts quand la machine s’emballe et que les pompes fonctionnent à vide après une folle enchère : on « socialise » les pertes en cas de crise, on privatise les gains quand tout va bien.

Malheureusement il y a une sorte de consensus : la gauche (Française mais pas que…) reprend à son compte cette culture néolibérale et ses principes, elle s’avoue vaincue, impuissante à proposer autre chose, elle n’aime pas l’entreprise, elle aime le libéralisme…

Elle capitule en tournant le dos à une histoire Française qui avait le mérite de résister avec plus ou moins de bonheur.

Un consensus, une « druckérisation » des esprits dont Macron est le porte-étendard.

La gauche est en train de disparaître des écrans.

Les marionnettes viennent de prendre le pouvoir et veulent nous faire croire qu’il n’y aurait plus d’alternative.

Elles se trompent, c’est le libéralisme qui va nous le prouver : dans sa course folle aux profits il a oublié de s’immuniser  contre son propre poison.

Une chance !

Mais une victoire à la Pyrrhus pour la gauche.

Soyons patients !

Bonne année 2015 à tous ceux et à toutes celles qui rêvent encore d'autre chose.

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