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Billet de blog 23 juin 2022

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Stacey Kent, trop bien pour le jazz ?

La chanteuse de jazz née à New York en 1968, ajoute ce printemps 5 titres à son album « Songs From Other Places ». Consacrée par le public (et par les ventes), nommée aux Grammies en 2009, l’artiste rejoint la popularité de Diana Krall ou de Norah Jones. Pourquoi, comme certains spécialistes de jazz, observer des réticences devant son projet musical ?

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Illustration 1
Stacy Kent © Benoît Peverelli

Quand Stacey Kent - après une douzaine d’albums - enregistre en 2007 Breakfast on the Morning Tram, le premier de ses disques sur le label Blue Note, plus aucun doute ne persiste. Adoption par le cénacle. Le monde du jazz sacralise le label Blue Note. Entrée fracassante. Des avis incontestés saluent le travail de la chanteuse. Les déclarations se multiplient : Clint Eastwood se déclare fan absolu. Le succès de l’Américaine, au registre de voix de source naturelle, ne justifie plus aucune discussion sur la qualité de ses interprétations. Affaire classée? Presque. À l’époque, plusieurs spécialistes chipotent encore, font la fine bouche.

C’est alors que sort un article  de critique musicale sur le site internet (2007) du quotidien anglais The Guardian. Celui-ci remet les pendules à l’heure (Stacey Kent vit au Royaume-Uni). John Fordham énonce la question : Stacey Kent est-elle trop bien pour le jazz ? (Is Stacey Kent too Nice for Jazz ?). Finement formulé, Monsieur Fordham! Le texte argumente : l’attaque, le phrasé, la tournure, le placement de la voix, le swing, exemptent la chanteuse de toute artificialité.

Certes, Stacey n’improvise pas. Improviser reste l’essence du jazz. Objection non retenue, la complicité avec le saxophoniste Jim Tomlison forge son style.

Enfin, elle est lauréate des BBC Jazz Awards. Elle décroche aussi le prix de meilleure vocaliste aux British Jazz Awards. Ce n’est pas parce qu’elle est devenue la coqueluche dans de nombreux pays (comme le Brésil), qu’on peut la cantonner à la seule variété internationale.

On l’aura compris, j’apprécie son talen . Aussi du reste le personnage : Stacey ne s’est jamais prise pour une diva. Un régal de l’écouter (en récital, ou en interview). L’album en trio, avec le saxophoniste Jim Tomlison (son mari) et le pianiste Art Hirahara (Songs From Other Places), ne déroge pas. Une dizaine de concerts sont prévus en France cet été (voir ci-dessous).

TROIS QUESTIONS À STACEY KENT

De quel courant du jazz vous réclamez-vous?

En entamant la carrière musicale, les différents types de musiques se sont croisés dans ma tête et dans mon cœur. Le répertoire devient une matière brute. Ainsi émerge ma personnalité musicale. Je ne me suis pas posée la question des catégories. Regardez mes influences : La Callas, Paul Simon, Frank Sinatra, Louis Armstrong, Ellis Regina, Joao Gilberto. Je me suis construite à travers leurs voix, à travers leurs personnages. Le point commun entre la nature de leur expression ? Une forme d’intimité.

Comment définir l'alchimie de l’album, entre folk, jazz, chanson, ballades, brésil?

C’est le voyage au travers des musiques. Le trio (avec Jim Tomlison et Art Hirahara) se fréquente depuis 20 ans. Les voyages ouvrent l’espace à nos musiques. Je veux partager cet esprit avec le public, notamment avec les 5 titres bonus ajoutés au disque. La mélancolie de So far Away. La tristesse de Besame Mucho. La bienfaisance de Three Little Birds. La douceur de A Lovely Day. L’optimisme de Memories of You. Notez que les titres supplémentaires datent de la session d’origine. L’album, nous y pensions depuis 20 ans. Nous échangeons déjà sur une seconde partie.

Quelle est la part de complicité entre les musiciens dans « Songs from Other Places » ?

Nous avons le même rapport que dans la vie : une conversation ininterrompue. La posture permet de s’entendre, de se répondre, et de remplir l’espace musical. Le chant provient d’une épure. Le résultat s’apparente à de la musique de chambre.

Bruno Pfeiffer (Propos recueillis par téléphone)

Stacey Kent - American Tune de Paul Simon (live dans Boomerang) © France Inter

CONCERTS STACEY KENT

13 juillet : Juan-Les-Pins, Jazz à Juan

16 juillet : Marseille, Jazz des Cinq Continents

17 juillet : Jazz à Sète

26 juillet : Nuits Musicales d’Uzès

10 août : La Petite Pierre, Au Grès du Jazz

12 août : Dinard

14 août : Annecy, Imperial Live Festival

CD : Stacey Kent - Songs From Other Places, Special Edition (Token Productions/ Candid)

Lou Tavano Trio - Sunside : 17 juin 2022. Pas dans le même style que Stacy Kent, plus proche du blues, de la pop, du folk et du classique. Les harmonies vocales rappellent Simon and Garfunkel. L’écriture Joni Mitchell et Jeff Buckley. Certains airs les Beatles. A vrai dire inclassable, toutefois on relève une recherche de beauté incessante. Ici aussi la formule du trio emporte les suffrages (public dans la poche). D’emblée charmé par autant de mélodies apaisantes (Simple Ways to Be - Rest Assured) ; par le formidable Uncertain Weather ; par l’emballant The Dancer. Chorus de haut-vol, improvisations vocales a-propos, commentaires de l’artiste, tiennent la salle en haleine. Comme ce rêve de la simple feuille d’un arbre roux qui porte Lou vers le futur (Memories of Tomorrow). Ou l’anecdote piquante du pianiste dans le bar écossais. Les interactions inspirées de la chanteuse avec les musiciens - le pianiste (Alexey Asantcheef) et le violoncelliste (Guillaume Latil) - distribuent avec goût les parties musicales, douces souvent, parfois pêchues. Lou a étudié au Conservatoire de Montrouge.

Dates à retenir :
- 30 juillet au 6 août  2022 : intervenante au stage de Jazz in Marciac
- 15 octobre : Tourcoing jazz festival
- 5 novembre : Jazz sous les Bigaradiers

CD Lou Tavano : Uncertain Weather (L’Un/L’Une). CHOC Jazz Magazine 2020

Au Sunset également, samedi 25 juin, souligner trois fois dans l'agenda le concert du Ricky FORD Quartet pour son fantastique nouvel album "The Wailing Sounds of Ricky Ford" sorti au printemps sur le label whaling city sound. L'ancien sax ténor du Duke Ellington orchestra, un calibre qui apparaît sur 4 albums de Charles Mingus, leader sur des dizaines de disques chez MUSE, jouera pour l'American Jazz Festiv'Halles avec John Betsch (batterie), Mario Canonge (piano), et Michel Zenino (contrebasse). Je l'ai entendu en décembre dernier à l'Olympe (19e Arrt). Il a 67 ans, et souffle comme un démon : j'en suis toujours pas revenu...

BP

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