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Billet de blog 2 mai 2012

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De l'art délicat du conte.

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Balade ...

La conteuse, le Voltaire et le guéridon.

Il était une fois, entre landes et forêt, un petit village qui se retrouva un triste soir pluvieux pour écouter dame Isabelle conter au pied d'une cheminée factice. La salle des fêtes était bien garnie pour cette aventure entre songes et rêveries, au pays des mots qui s'animent.

Hélas, la Ruche organisatrice n'avait pas songé à éteindre la lumière. La première partie se déroula sous les néons de la grande salle. La magie ne pouvait opérer, d'autant que la conteuse usa alors de bien des expédients qui ne sont pas ceux de son art délicat. L'onomatopée, la voix qui se grime, les accents qui se contrefont ne sont pas les outils qui conviennent à la pratique.

C'est bien dommage car la dame a fort jolie voix, qu'elle peut tout à plaisir chantonner ou vous conduire par le cœur. Mais sa volonté de nous parler de sortilèges, de fées ou de sorcières, de la camarde ou des fontaines miraculeuses sentait trop son artifice pour nous emporter vraiment. Nous avions beau faire sept fois le tour de sa langue imagée, déposer nos chaussures sur la margelle du puits, nous ne marchions pas dans l'aventure.

Puis, après les gourmandises pour financer l'animation, la pénombre venue dans la trop grande salle, la magie opéra enfin. C'est alors que je compris les secrets du conte qui fonctionne. Il doit vous parler d'aujourd'hui, des hommes, de leurs peurs, de leurs lâchetés. Il puise dans le passé les raisons de comprendre le temps de maintenant. Les êtres surnaturels ne sont alors que des passeurs de sens.

Isabelle se défit alors de ses manières de théâtreuse. Elle se glissa dans un texte bien écrit, condition essentielle pour avoir joli conte. Celui qu'elle dit alors, lui parlait d'abord à elle. Il y était question de tolérance, de la méchanceté des idées reçues, des gens du voyage. Elle avait message à transmettre, elle était enfin dans son élément.

Elle devient souffle de rêve, elle se fait songe qui respire. Elle est la bohémienne qui « s'encolère », elle est la diseuse de nos perversions collectives. La salle entière retint son souffle, l'obscurité servait le propos. Nous étions témoins de la scène, sur le bord d'un lavoir. Nous fûmes au cœur des mots qui s'échangent.

Puis, laissant les fées bien futiles, la conteuse s'envole vers la magie du conte animalier, la beauté du symbole, la féérie de la transgenèse. La princesse est devenue grue par un mauvais sort, la grue blessée est soignée par un jeune paysan. Le charme se rompt, l'oiseau redevient femme. Nous sommes en enfance, nous donnons corps et âme à ces ficelles magnifiques qui tissent, de tout temps, les plus belles tapisseries parlées.

Enfin, nous terminons la ronde des récits au bord de l'océan en un temps, soit disant, où il n'était pas salé. Une légende pour expliquer, une métaphore pour faire la morale. Les ingrédients du conte trouvent là belle occasion de s'épanouir. Mais cette fois encore, la dame s'égare sur un texte mal écrit, une histoire un peu bancale qui ne donne pas la pleine mesure de la morale. Car si le conte a toujours leçon à enseigner, encore faut-il qu'elle soit identifiable.

C'est alors que je découvris que l'art délicat du conte peut s'égarer dans la chute. Il faut qu'elle porte en elle clef pour comprendre, lumière pour apprendre, surprise pour s'étonner ou s'indigner. C'est l'art du funambule qui fait une derrière pirouette avant que de quitter son fil tissé de menteries et de quelques diableries.

Notre dame conteuse ne savait pas mettre un point final à sa fable. Elle voulait toujours en remettre une couche, s'assurer par là même que nous avions tous bien saisi la leçon de l'histoire. Belle maladresse qui lui faudra gommer. La dame est jeune, elle a du talent, il lui faut simplement accepter de garder l'équilibre entre réel et imaginaire sans jamais mettre pied à terre.

Conteusement sien.

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