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Billet de blog 3 mars 2012

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La vieille Auberge de Georges Blanc

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Chronique digestive.


Écrire une chronique culinaire sous le coup d'une digestion délicate n'est pas prudent. Le suc gastrique peut vous conduire à quelques exagérations que vous finirez un jour ou l'autre par regretter quand les tourments stomacaux seront passés. Pourtant je prends ce risque de décrire mon repas à la vieille Auberge de Georges Blanc, seule étape accessible à ma modeste bourse.
J'aurais du pourtant me méfier au moment de commander un menu qui ne mérite absolument pas ce vocable. Il aurait fallu le qualifier de copieux et certainement de roboratif. La décoration du lieu donne dans la même nuance, un rien surchargée, franchement pompier, certainement baroque et bien plus toc que toque 
Tout est prétexte à célébrer la gloire de l'arbre généalogique du monsieur, propriétaire de presque tout le village, mécène immodeste et cuisinier de renom. Il joue de sa filiation avec une ostentation qui ne regarde nullement le client. Chacun a ses faiblesses, celles du cuisinier étoilé trouvent leurs racines dans la nostalgie.
Nous pénétrons dans une salle aux plafonds gigantesques, aux merveilleuses poutres d'époque, habillées, en dépit de tout sens de la nuance, de pales de ventilateur parfaitement déplacées. Tout est à l'avenant dans ce mélange kitsch où le décorateur n'a pas hésité à pendre au plafond un vélo et un bicycle, preuve qu'ici, il n'y aura pas de régime sans selle.
Pour confirmer qu'autrefois le lieu était une écurie, les colliers de chevaux surplombent les portraits des aïeux, les affiches des réclames d'alors mettent en valeur une plaque publicitaire dédiée à Michelin, il faut toujours honorer ses amis. L'ancienne boulangerie familiale a inspiré une partie du décor. Un présentoir à pain sert de rangement des verres quand les paniers d'osier trônent sur un billot de bois.
Des pots à eau, un bidon de lait tricolore, des casiers métalliques contenant des bouteilles de l'ancienne limonaderie Blanc donnent de la contenance à celui qui semble en manquer un peu. C'est franchement chargé, la suite attestera du bien fondé de l'impression première.
Le repas se déroula alors dans cette ambiance incertaine. Le menu gastronomique attira celui qui avait les yeux plus gros que le ventre. C'est à force de tout regarder ainsi qu'on se perd parfois dans des aventures périlleuses. Tout commença pourtant de la meilleure des manières, une mise à bouche à vous damner un gourmet ; une crème brûlée de fois gras du plus belle effet gustatif !
Puis chacun se lança dans l'aventure aléatoire du choix dans un menu touffu. J'optai pour des plats que je ne connaissais pas, la curiosité mène souvent votre serviteur à de coupables expériences. Je pris pour commencer un feuilleté de veau du plus bel effet. Je continuai par un flan de foie blond qui me réjouit pareillement.
Il y a avait surprise et variété, parfums et contrastes, saveurs et douceurs dans ces deux plats équilibrés et harmonieux. À côté de moi, les choix étaient variés, la satisfaction semblait réjouir les convives. Nous avions dans nos verres des breuvages à ne point se fâcher avec la vie, un petit blanc d'une récolte manuelle d'octobre: un Or d'Azeray, subtile mélange de miel et de fruits, puis un Savigny les Beaunes tout en délicatesse et en nez.
J'allais attaquer la spécialité du lieu : un poulet de Bresse à la crème qui fit la gloire de la maison du temps de madame mère. Cette fois je calai sur la besogne, la crème me caillait sur le jabot, j'étais bien puni d'une gourmandise extrême. Il me fit peine d'aller jusqu'au bout de ma part de volaille et laissai la crème en mon assiette.
Un petit bol de riz pour accompagner la chose et éventuellement absorber un peu de ce cholestérol promis. Il manquait, j'en suis certain, deux ou trois girolles ou quelques morilles du coin pour adoucir le bain blanc de la volaille. Il aurait fallu encore deux petits légumes blancs et anciens qui eussent donné un contraste bienvenu. Mais la crème baignait en majesté, bien grasse et indigeste à celui qui vient d'un pays où elle ne se glisse qu'en fin de cuisson.
Je digérai le tout qui tombait à pieds joints sur un estomac rendant grâce et terminai un peu vite de ce repas de fête. Je sortis le drapeau blanc pour déclarer forfait et abandonner la partie. Je filai discrètement payer l'addition ayant pour ma part un peu plus que mon compte. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que même chez des gens de renom, pour un menu au tarif confortable, on est encore capable de vous ajouter un supplément pour des grenouilles qui ne viennent pas même des Dombes.
La chose m'acheva un peu plus et c'est le compte en banque délesté de manière inversement proportionnelle à un estomac récalcitrant que je quittai la salle et son décor rococo. On ne peut être gagnant à tous coups au jeu de la gastronomie, j'avais tiré une mauvaise carte, je n'avais qu'à m'en prendre qu'à moi même !
Digestivement vôtre.

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