Balade
La flamme du timbré.
J'ai croisé l'un de ces collectionneurs fous, de ces gens heureux qui au travers d'une passion, croquent la vie à pleines dents, fussent-elles celles de timbres postaux. Il écume les marchés, les foires, les vide-grenier à la recherche d'un lot ou d'une perle rare. Il en accumule tant qu'il se fait à son tour vendeur pour rencontrer les gens, discuter et poursuivre sa quête !
Combien sont-ils ainsi à brûler d'une flamme secrète qui anime leur existence ? Je ne sais et qu'importe d'ailleurs, la vie est belle quand elle se pare de la couleur d'une passion, elle est magnifique quand la passion est partagée.
Charles est de ceux-là. Je l'ai rencontré à Mimizan devant son étal de foire aux images pour enfants sages et grands nostalgiques. Il m'a cédé quelques secrets de cartophile. Tout a commencé depuis bien longtemps avec quelques pièces dans une boîte de carton. L'esprit de rangement, le goût de la géographie, l'envie de voyager par les yeux ont fait le reste. Il a ainsi accumulé au fil du temps, des recherches et du hasard, plus de cent mille de ces petits bouts de cartons avec une photographie au verso.
Il a fréquenté assidument des marchés spécialisés. Il allait toutes les semaines à celui de Saint Mandé. C'est là qu'il s'interrogea sur une dame étrange qui ne cherchait que des photographies de chat. La dame n'accordait que bien peu d'importance à la photographie, elle tournait immédiatement la carte pour lire le texte. Toujours, elle la reposait sans jamais en acheter aucune. Il fallut un jour lui tirer les vers du nez, la chercheuse était à la recherche de son Graal, une carte adressée à Colette, puisse qu'un jour, elle combla son espoir !
Puis la retraite venue, Charles est revenue dans ses landes. Il vit à Linxe et comme l'Océan, écume les marchés pour offrir son surplus de merveilles et rencontrer des gens. Son petit commerce est prétexte à conversation, l'homme n'est pas avare d'anecdotes et aime à faire les jolis cœurs quand une dame joue la cliente.
Il a lui-même au coin du cœur un petit trésor, une quête qui lui donne ce désir fou de ne jamais mettre un terme à ses recherches. Ce jour-là encore, il acheta deux albums à un jeune garçon qui vidait les armoires de chez lui. Charles espère toujours tomber sur un « Montreur d'ours ! », il n'est pas au pied des Pyrénées pour rien.
Le plus surprenant est sa connaissance de notre carte de France. Il sait tout de chaque coin du pays, Il trouve en un tour de main le village natal de ce client, la Loire et ses environs pour cet autre, le petit métier du père celui-ci, le lavoir et ses lavandières pour cet autre. Il a l'œil qui pétille quand le passant s'arrête à son étal pour trouver un coin de son enfance.
Il est de ceux qui ne recherchent que l'illustration. Jamais il ne s'est soucié de l'autographe et du texte. Peut-être a-t-il laissé passer belles raretés, signature célèbre ou phrases merveilleuses. On ne peut tout faire. Il me précise pourtant que la carte à double sens que nous connaissons aujourd'hui date de 1907. Auparavant, au verso, seule l'adresse avait droit de cité. Le texte trouvait alors petite place sur le bord du cliché. Il joignit l'image à l'explication en sortant de ses réserves démonstration immédiate.
L'homme m'avoua qu'il était bavard. La belle surprise que voilà ! Moi qui habituellement ne trouve jamais l'occasion de me poser dans un vide-grenier, je venais de passer de belles et longues minutes à l'écouter et surtout à le regarder faire. Je le laissai enfin poursuivre son tour de France en images. Ne le cherchez pas sur internet, il ne goûte pas à cette chose qui a révolutionné le « métier » en le privant d'une grande partie de son charme : « Le plaisir de la découverte dans un magnifique jeu de hasard et de patience ! »
Cartophilement vôtre.