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Billet de blog 3 octobre 2025

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André Robillard

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Franc-tireur de l'art brut

Illustration 1

Pour qui est le fils d'un humble garde forestier de la forêt d'Orléans, le chemin risque d'être fort long pour accéder à la reconnaissance par le truchement d'une expression artistique qui entre dans la définition de l'art brut. André Robillard est sans doute né sous une mauvaise étoile pour accéder à la notoriété. Né à La Maltournée près de Gien, il ne pouvait pas plus mal faire son entrée dans la société.

Pour aggraver auprès des têtes bien faites, il n'est pas un élève brillant, tout au contraire, dès l'âge de sept ans, il est accueilli à l'école annexe de l'hôpital psychiatrique de Fleury-les-Aubrais. Son avenir est tout tracé, il sera commis de ferme ce qui ne semble pas lui convenir. Il fugue souvent et ses colères effraient au point qu'il sera interné à l'âge de 19 ans.

Illustration 2

Différentes remises en liberté sont vouées à l'échec si bien qu'en 1964, alors qu'il a 33 ans, il est embauché comme auxiliaire pour s'occuper de jardinage, de blanchisserie et de la station d'épuration de l'hôpital. D'interné, il devient ainsi ouvrier sans pour autant quitter le centre. Ce changement de statut pourtant sera décisif.

C'est pour lui le signal de se lancer dans ce qui va symboliser sa démarche créatrice. Il fabrique son premier fusil fictif avec des objets de récupération (boîtes de conserve, ampoules usagées, pièces de bois récupérées, tissus...) « pour tuer la misère », dit-il. Une création artistique digne de ce nom dans l'univers des experts suppose un discours élaboré sur sa pratique, André Robillard n'en est pas capable hélas.

Illustration 3

Il bénéficie cependant de l'aide de son psychiatre, le docteur Paul Renard, lequel perçoit son talent et envoie quelques-unes de ses créations à Jean Dubuffet, célèbre collectionneur d'art brut. André Robillard fabrique aussi des engins spatiaux et des spoutniks. Après une visite au musée de Lausanne, il est impressionné par l'œuvre d'Auguste Forestier et se met aussi à fabriquer des cavaliers en bois et des animaux exotiques. Parallèlement à la fabrication d'objets, il dessine, des fusils, des planètes et des satellites, mais aussi des animaux.

Archétype de l'art brut son parcours est constitué d'empêchements, d'interdictions et dans son cas d'enfermements. Si l'art l'a sauvé, ses productions artistiques ne rentrent pas dans les dogmes de la culture artistique officielle. Il dérange tout autant qu'il intrigue d'autant plus que son champ d'inspiration ne correspond guère à l'idée que les élites se font de l'art. Ajoutons la rudesse d'un personnage brut de décoffrage et vous comprendrez aisément les réticences des conservateurs.

Illustration 4

Il ne fait pas bon être un autodidacte et, qui plus est, un marginal dans cet univers qui aime à se jouer des apparences et des discours. Son passé psychiatrique incite à penser qu'il crée de manière spontanée et que ses créations sont ainsi le fruit du hasard ou d'une démarche sans fondement réel. Les tenants des normes académiques lui ont dénié le statut d'artiste si bien que ses œuvres durant longtemps ne figurèrent pas au musée d'Orléans, erreur qui depuis a été comblée.

Si avec l'apport de Jean Dubuffet, peintre, sculpteur et plasticien contemporain français (1901-1985), des artistes de ce style d'art sont reconnus désormais dans nombre de musées, André Robillard avec ses fusils a fait long feu dans son département un bon moment. C'était fort injuste d'autant qu'il fut reconnu par celui qui a donné une place de choix à l'art brut.

Illustration 5

À l’instar de Petit Pierre, l'œuvre d'André Robillard a trouvé désormais un territoire d’accueil au musée des Beaux-Arts d'Orléans. Le département du Loiret pourrait lui dédier la place qu'il mérite. Nul n'est prophète en son pays, la formule est d'autant plus pertinente dans ce département englué dans un conservatisme de bon aloi avec la primauté accordée à la bourgeoisie locale. Cependant les lignes ont bougé et André Robillard, de son vivant est enfin reconnu.

André Robillard, même en cumulant bien des handicaps ce qui explique que son œuvre ait tardé à être reconnue, hérite désormais de cette reconnaissance qu'il mérite amplement.

Illustration 6

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