La Marine de Loire au temps de sa gloire.

Scénographie ligérienne au débotté…

Quelques irréductibles bateliers avaient émis la curieuse idée de proposer une scénographie évoquant le commerce fluvial sur la Loire à la glorieuse époque de la marine marchande. Loin d'eux alors le désir d'imiter quelques chasseurs de subsides, véritables Pirates fluviaux en bas-fonds, publics, prompts à estourbir de grosses subventions auprès de collectivités le cœur sur le portefeuille. Ce fut tout simplement avec les moyens du bord que ces aventuriers de la reconstitution tentèrent de redonner vie à une époque révolue, sans mettre en danger les finances publiques.

Il est vrai qu'ils se firent un devoir de rester parfaitement compréhensibles pour un large public, tout en expliquant ce que les figurants simulaient sans pour autant couvrir le tout d'une musique sortie de nulle part et d'une chorégraphie alambiquée. Le but de l'opération était de demeurer pédagogique tout en distrayant le grand public sans le plonger dans des abysses d'interrogation. Un objectif qui eut été louable si l'époque n'était pas à la création absconse, aux intentions mystérieuses et au cheminement ésotérique agrémenté d'un discours pompeux pour combler les fuites des cerveaux.

Bien-sûr, il aurait été plus judicieux de prétendre produire un son et lumière avec force effets spéciaux, cascades et prouesses physiques. La simplicité ne fait guère recette dans ce monde en mal d'authenticité. Rien de tout ça ne fut au menu puisque les figurants se regroupèrent le jour même de la seule répétition qui se fit en public devant une cohorte de gamins en goguette.

Puis les trois véritables représentations eurent lieu les jours suivants, toujours le matin pour ne pas faire d'ombre aux artistes locomotives d'un Festival de Loire dont l'intitulé n'est parfois qu'un prétexte pour mettre toute la lumière sur une cité. La Marine de Loire doit se contenter parfois de ne servir que de toile de fond des plus plaisantes certes mais qui ne constitue pas l’essentiel de ce grand barnum animé.

Ces limites connues, les bateliers passèrent outre pour toucher ceux qui prirent la peine d'observer leurs gesticulations tout en les replaçant dans un contexte historique par le truchement d'explications envoyées à la cantonade. Ni clinquant, ni spectaculaire, ni brillant dans cette modeste illustration qui n'avait d'autre but que de redonner vie à ce qui fit la grandeur de la confrérie des marchands allant sur la rivière Loire et les fleuves allant à icelle.

La règle du jeu était connue. Les vulgarisateurs et les exécutants de cette reconstitution historique durent gagner l'attention de la multitude d'autant que le programme n'a pas eu le temps d'inclure cette modeste contribution qui relevait de la génération spontanée. Il n'était pas question de se faire des nœuds marins au cerveau, mais simplement gagner de proche en proche l'adhésion des curieux. Il n'est jamais facile d'attirer les mouches du coche au pays du vinaigre.

Un tel festival se doit naturellement de jongler entre distraction, spectacles clinquants, locomotives scéniques, vieux routiers du spectacle qui n'ont aucun rapport avec la Loire et toutes les animations qui ont des intentions culturelles. Pour maintenir à flot de radeau, il convient de ne pas trop s’appesantir sur ce qui fait affiche pour mettre en avant ce qui fera foule. On ne peut reprocher aux maîtres d'œuvre de porter leur attention sur le nombre de spectateurs arpentant les allées commerçantes ou se pressant pour les grands spectacles nocturnes au détriment de ces petites propositions qui échappent aux projecteurs. Mais sans ces dernières, le Festival de Loire ne serait qu'une foire comme tant d'autres.

Même si les bateliers firent tout leur possible pour démontrer qu'avec trois fois rien, ils parvinrent à toucher les badauds qui s'intéressent aux chalands et à ces personnages anonymes qui firent la grande histoire d'une navigation fluviale qui assura la prospérité du Royaume de France, ils n'eurent pas l'honneur de voir les élus et les médias se pencher sur cette animation. Pourtant les figurants reproduisirent les gestes ancestraux en donnant vie à ce que fut la frénésie de l'activité de ces quais.

Un narrateur s'adressait à l'intelligence des spectateurs, à leur envie de savoir, d'apprendre, de découvrir sans avoir un casque sur les oreilles, un hamburger dans la bouche et un verre à la main. Cette curieuse ambition se fracassa parfois à l'indifférence pour tout ce qui demande écoute et réflexion. Mais qu'importe, la société Événement Voile Traditionnelle s'était investie afin d'offrir un espace à une culture marinière qui ne devrait pas se résoudre aux seules chansons marinières. Mais que faire quand ceux qui décident n'aiment que le flonflon et les illusoires animations ?